L'Agence internationale de l'énergie révèle que les émissions de méthane du secteur des combustibles fossiles ont encore atteint des niveaux record en 2024. Des solutions techniques peu coûteuses existent pourtant pour les réduire fortement, tout comme la possibilité de capter ce gaz pour le remettre sur le marché.
Le méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le CO2, est responsable d’environ 30 % du réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle. À lui seul, le secteur des combustibles fossiles (pétrole, gaz et charbon) représente plus d’un tiers des émissions d’origine humaine. Malgré les alertes scientifiques et les engagements politiques, le dernier rapport intitulé « Global Methane Tracker » de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) révèle que les émissions de méthane liées à l’énergie n’ont toujours pas atteint leur pic. En 2024, plus de 120 millions de tonnes ont été rejetées dans l’atmosphère, une quantité alarmante compte tenu des moyens existants pour la réduire.
Pour la première fois, l’AIE intègre dans son suivi les installations abandonnées et constate que les puits de pétrole et de gaz désaffectés, ainsi que les anciennes mines de charbon, ont émis environ 8 millions de tonnes de méthane l’année dernière. À cela s’ajoutent les émissions issues de la bioénergie, provenant en grande partie de la combustion incomplète de la biomasse traditionnelle utilisée pour la cuisson et le chauffage dans les économies en développement, qui contribuent à hauteur de 20 millions de tonnes supplémentaires.
Les experts sont formels : des technologies efficaces et peu coûteuses pourraient permettre de réduire jusqu’à 70 % des émissions de méthane dans le secteur des énergies fossiles. Certaines d’entre elles, comme les systèmes de récupération de vapeurs ou le remplacement des joints humides des compresseurs par des joints secs, offrent des retours sur investissement très rapides, parfois en moins d’un an. Malgré cela, seulement 5 % de la production mondiale de pétrole et de gaz répond aujourd’hui à une norme d’émissions quasi nulles.
Alors que des solutions techniques à bas coûts existent, leur mise en œuvre reste donc le maillon faible. Pourtant, depuis le lancement de l’Engagement mondial sur le méthane en 2021, suivi de la Charte de la décarbonation du pétrole et du gaz en 2023, les promesses se sont multipliées, couvrant aujourd’hui environ 80 % de la production mondiale de pétrole et de gaz. Dans les faits, peu d’entreprises ont formulé de véritables plans d’action, et encore moins ont démontré des réductions concrètes et vérifiables.
De nombreux pays sous-estiment leurs émissions de méthane
Le rapport de l’AIE met aussi en lumière un problème de transparence et souligne que dans la majorité des pays, les émissions sont déclarées sur la base d’estimations obsolètes, sans mesures directes. Or, de nouvelles données satellitaires, de plus en plus précises, démontrent une sous-estimation de près de 80 % des émissions mondiales par rapport aux inventaires nationaux transmis à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Depuis 2024, de nouveaux satellites, comme MethaneSAT ou Sentinel 5P, permettent désormais de détecter aussi bien les super-émetteurs que les petites fuites récurrentes.
Au-delà de la lutte contre le changement climatique, la réduction des émissions de méthane constitue une opportunité pour la sécurité énergétique mondiale. Il est en effet possible de capter le méthane actuellement perdu par le secteur des combustibles fossiles et l’AIE estime que près de la moitié des quantités rejetées pourraient être remises sur le marché. Mais ce potentiel reste largement inexploité, à cause notamment du manque d’infrastructures, de difficultés d’accès au financement, de la faiblesse des incitations réglementaires ou encore de la fragmentation des responsabilités au sein des chaînes d’approvisionnement.
Selon le rapport, les installations abandonnées émettent désormais plus que certains grands pays producteurs. Près de 8 millions de puits de pétrole et de gaz, dont l’exploitation a pris fin, subsistent à travers le monde et la plupart de leurs émissions proviennent de fermetures récentes. Quant aux techniques de cuisson traditionnelles, elles restent une source majeure d’émissions, mais aussi de mortalité. Le rapport rappelle que 2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à une cuisson propre, entraînant près de 3 millions de décès prématurés chaque année. Réduire le méthane relève donc d’un triple enjeu : climatique, énergétique, mais aussi sanitaire.









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