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Décryptage

Les réseaux bas débit veulent innerver l’Internet des objets

Posté le par Frédéric Monflier dans Informatique et Numérique

Longue portée, basse consommation et bas débit sont les principaux attributs des nouveaux réseaux de communication, consacrés aux objets communicants peu bavards.

L’accélération des réseaux cellulaires qui nourrissent nos smartphones se compte elle-aussi en «G» : 1G, 2G, 3G, 4G et bientôt 5G. Cette cinquième génération annoncée pour 2020 promet un débit de l’ordre de plusieurs gigabits par seconde, histoire de satisfaire notre appétence pour des médias de plus en plus volumineux, vidéos en tête.

Mais tous les objets et appareils communicants, présents dans les bâtiments, les villes, les industries, n’en demandent pas tant. Pour la plupart, ces contributeurs de l’Internet des objets et du «Machine to machine» (M2M) n’ont besoin d’échanger que des petits messages, parfois juste un chiffre de temps à autre. Il s’agit d’un index de consommation, dans le cas d’un compteur d’eau ou de gaz, de coordonnées, d’une alerte, etc. Les réseaux évoqués plus haut sont souvent inadaptés car disproportionnés. A partir de 2012 se sont donc développées des nouvelles technologies qui combinent bas débit, grande autonomie, longue portée et faible coût. Elles sont regroupées sous l’acronyme LPWA (Low Power Wide Area) et surnommées «0G» ou «SIMless». La startup française Sigfox est l’une des plus emblématiques du secteur.

«Les réseaux cellulaires sont optimisés pour le haut débit, explique Thomas Nichols, responsable marketing de Sigfox. Le prix à payer, c’est la complexité. Par conséquent le silicium embarqué est cher à fabriquer. En outre, même si le réseau est désactivé sur un téléphone portable, il continue d’interroger le téléphone pour maintenir un lien. Ce sont des données inutiles qui consomment de l’énergie. Avec les réseaux longue portée, c’est l’objet qui se réveille et décide d’amorcer une communication.» Résultat : l’autonomie d’un objet fonctionnant sur batterie dépasse une dizaine d’années, ce qui répond à de nombreux besoins de l’industrie des services dont le smart metering (télérelève de compteurs). Un résultat hors d’atteinte du WiFi, qui épuiserait la même batterie en quelques jours.

Un débit de quelques centaines de bits par seconde

Quant à la question économique, équiper un produit d’un émetteur-récepteur LPWA revient à quelques euros, contre 10 à 20 euros pour une technologie de type GPRS qui nécessite en supplément une carte SIM. En ce qui concerne l’abonnement à l’année, l’écart est du même ordre de grandeur. Le réseau LPWA a l’avantage d’utiliser les bandes de fréquences ISM (industrielle, scientifique et médicale) à usage libre, qui ne requièrent pas de coûteuses licences d’exploitation. Ces bandes de fréquence sont multiples – le WiFi utilise celle à 2,4 GHz notamment – mais les communications LPWA sont essentiellement acheminées en 868 MHz en Europe (902 MHz aux Etats-Unis). A cette fréquence, la portée s’élève à plusieurs kilomètres en champ libre, moyennant un très faible débit : « celui du réseau Sigfox est fixé à 100 bits par seconde dans les pays européens et à 600 bits/s aux Etats-Unis» précise Thomas Nicholls. Un réseau dédié est bien entendu nécessaire mais la portée est telle que sa densité est relativement faible. Sigfox couvre par exemple 93 % du territoire français à l’aide de 1500 stations de base (ou antennes) seulement, chacune étant susceptible de prendre en charge un million d’objets, selon Thomas Nicholls.

Le réseau LPWA n’est pas unique car plusieurs approches coexistent : celle de Sigfox, à spectre étroit, et LoRa (pour Long Range), à spectre étalé, qui entre parenthèses est aussi d’origine française. Sigfox et l’alliance LoRa, qui regroupe entre autres Cisco, IBM, Sagemcom et Bouygues Telecom, ne manquent pas une occasion d’opposer leurs arguments. Ainsi, le réseau Sigfox est-il régulièrement accusé d’être monodirectionnel. Ce qui est faux, bien qu’un spectre étroit ne soit pas la panacée pour des communications bidirectionnelles. Mais un spectre étroit serait moins affecté par les interférences propres aux bandes ISM, à en croire Thomas Nicholls. Les querelles devraient se poursuivre à mesure que de nouveaux concurrents font irruption sur ce marché naissant : l’angevin Qowisio, qui exploite une technologie à spectre étroit, l’anglais Neul acquis l’an dernier par Huawei…

Ce n’est forcément la technologie elle-même qui est décisive, mais plutôt le modèle économique. Sigfox a pris de l’avance et se hâte de déployer son réseau un peu partout dans le monde. La société se positionne en tant que véritable opérateur et propose des forfaits de connexion par an et par objet. Les réseaux de type LoRa avaient une vocation plus privative jusqu’à présent. Illustration avec la start-up toulousaine Actility, qui vend du service d’efficacité énergétique aux industries en se basant sur des capteurs et son réseau LoRa. Mais la donne change puisque Bouygues Telecom a annoncé en mars dernier le lancement d’un réseau national LoRa dédié à l’Internet des objets. S’il fallait mesurer l’enjeu, la société d’études de marché Machina Research prévoit que les réseaux LPWA s’arrogeront 14% du total des communications M2M en 2024, dans un marché mondial qui pèsera 1600 milliards de dollars.

Par Frédéric Monflier

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