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Surtout pas de petit copain: les étoiles montantes de la K-pop face à une industrie corsetée

Posté le par AFP

A ses fans, la chanteuse et danseuse sud-coréenne Karina, star du groupe de K-pop Aespa, a fait l’affront de sortir avec quelqu’un. On l’accuse depuis de « trahison ».

Elle est le dernier exemple en date d’une longue série de vedettes de K-pop soumis aux règles de fer de cette industrie en matière de moeurs, où les labels cherchant à produire l’idole « parfaite ».

La carrière de Karina risque d’être « fichue », selon des admirateurs, dont l’un s’est indigné: « Ne reçois-tu pas assez d’amour de la part de tes fans? ».

« Excuse-toi, ou tu verras tes ventes d’album dégringoler et des salles de concert vides », a exigé un autre fan, qui est allé jusqu’à envoyer devant les locaux de l’agence de Karina un camion avec un panneau d’affichage électronique pour porter son message.

En réponse aux attaques, la star du girlsband Aespa a publié une lettre écrite à la main pour « présenter (ses) sincères excuses aux fans », début mars.

Dans la K-pop, « une idole est censée être disponible sur le plan sentimental » pour que ses admirateurs puissent nouer une relation forte avec elle, résume pour l’AFP Stephanie Choi, experte de la K-pop à l’Institut de recherches asiatiques de l’université de Buffalo aux Etats-Unis.

« Innocence et chasteté » sont de rigueur à long terme pour ces jeunes gens, femmes comme hommes, souvent entrés dans le secteur musical à l’adolescence, souligne-telle.

Et il peut être difficile pour ces stars elles de se défaire de ces attentes et de faire admettre à leurs fans leur passage à l’âge adulte.

Les ex-popstars adolescentes américaines Britney Spears ou Miley Cyrus ont elles aussi reçu leur lot de critiques du public lorsqu’elles ont franchi le cap.

Mais les normes de la K-pop rendent cette transition particulièrement complexe pour les vedettes sud-coréennes.

Les fans abattent « un travail bénévole capital » pour les groupes, en faisant la promotion de leur musique ou en votant en masse dans des compétitions, rappelle auprès de l’AFP Keung Yoon Bae, professeure d’études coréennes à l’université américaine Georgia Institute of Technology.

Ils espèrent en retour voir leurs idoles respecter des « standards professionnels épuisants » jusque dans leur vie privée, indique Keung Yoon Bae, avec une pression particulière mise sur les jeunes femmes.

« La pureté et le côté +girly+ restent des représentations importantes et malheureusement, elles peuvent se retourner contre les idoles quand on découvre qu’elles sortent avec quelqu’un, qu’elles boivent ou fument ».

– Stratégie marketing –

Le tabou portant sur la vie sentimentale est en vigueur depuis les origines mêmes de la mode K-pop, bien avant qu’elle ne devienne un phénomène mondial.

En 2001, Park Joon-hyung, membre du boysband g.o.d, avait pleuré en conférence de presse après que son agence lui avait demandé de quitter le groupe. La raison ? Il entretenait une relation amoureuse, selon les médias.

« Si je suis coupable de quelque chose, c’est d’avoir rencontré une personne que j’aime », avait déclaré l’artiste. « J’ai 32 ans, OK ? Moi, Park Joon-hyung, j’ai 32 ans et une petite amie », avait-il poursuivi, les larmes aux yeux.

Avec le temps, les attentes du public sont toutefois devenues moins pressantes et de nombreuses vedettes comme IU, Sooyoung du groupe SNSD (Girls’ Generation), Jiyeon ou BoA ont confirmé être en couple.

Mais avoir quelqu’un dans sa vie reste un privilège réservé aux stars bien établies. Les nouvelles sensations, comme Karina, sont dissuadées de sortir avec quiconque, de peur de ruiner leur popularité.

Le fantasme offert à chaque fan de pouvoir « sortir avec une star de la K-pop est utilisé comme une stratégie marketing », dit à l’AFP Jeff Benjamin, chroniqueur K-pop pour Billboard.

Laisser les admirateurs croire que « l’un d’entre eux puisse, peut-être, sortir avec l’idole, aussi invraisemblable que cela puisse paraître », voilà l’une des manières de rendre ces étoiles montantes rentables, souligne le spécialiste.

– « Tu es un produit » –

S’ils veulent voir une chance de percer, les jeunes talents de la K-pop sont astreints dès l’adolescence à un rigoureux entraînement à la danse et au chant, et contraints de s’abstenir d’avoir toute relation amoureuse.

Récemment, plusieurs grands noms du milieu ont dénoncé la solitude dans ce milieu.

« C’est vraiment dur », a témoigné Jennie, de l’ultra-populaire girlsband Blackpink dans un documentaire Netflix.

« Nous n’étions pas autorisées à boire, à fumer ou à avoir un tatouage » pendant la période de formation, a raconté l’artiste, qui a dit avoir été traitée de « bonne à rien » à cette époque.

La chanteuse Sulli, qui s’est suicidée en 2019 à 25 ans, avait elle aussi suivi un entraînement intensif durant quatre ans, avant de faire ses débuts à l’âge de 15 ans avec le girlsband f(x).

Dans une interview reprise en 2023 dans documentaire biographique, elle expliquait qu’à 20 ans, elle n’avait envie que de deux choses: « voir un psychiatre et sortir avec quelqu’un ».

Sa relation avec Choiza – un rappeur de 14 ans son aîné -, révélée à cet âge-là, et d’autres actes non conformes aux attentes, comme le fait ne pas porter de soutien-gorge en public, lui avaient valu des campagnes de cyberharcèlement.

« Quand j’ai commencé dans le business du divertissement, il y a une chose qu’on me disait toujours », relate-t-elle dans le documentaire: « Tu es un produit. Tu dois te comporter comme le produit le plus fin, de la plus haute qualité pour le public ».

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