Dans le spectre électromagnétique, le domaine térahertz (THz), encore appelé infrarouge très lointain (FIR, far infrared en anglais), se situe entre l’infrarouge et les micro-ondes. Typiquement, il s’étend depuis des longueurs d’onde d’environ 30 μm jusqu’à 3 mm, c’est-à-dire depuis environ 100 GHz jusqu’à 10 THz en termes de fréquence, soit encore des photons dont l’énergie est comprise entre 0,4 et 40 meV. Cette position spectrale est à l’origine des nombreuses difficultés dans la mise au point des sources et des détecteurs performants, et donc dans la réalisation des études aux fréquences THz et le développement des applications pourtant prometteuses. Par sources performantes, on entend des dispositifs efficaces, compacts, puissants, faciles à employer et si possible peu onéreux.
Pour comprendre les difficultés à concevoir et à produire de tels composants performants, il faut revenir aux bases physiques de l’émission et de la détection du rayonnement électromagnétique. Ce rayonnement est produit par des charges électriques qui accélèrent, par exemple celles qui constituent un courant électrique oscillant. Lorsqu’on s’intéresse au rayonnement émis ou absorbé par un atome ou une molécule, l’équivalent quantique de l’accélération correspond à un changement d’énergie électronique, depuis un état excité vers un état moins énergétique (pour l’émission, et vice-versa pour l’absorption). Ce dernier phénomène est celui qui est prédominant depuis les rayons X jusqu’à l’infrarouge. Pour émettre des ondes THz, les niveaux d’énergie doivent être séparés de quelques meV. Malheureusement, l’agitation thermique (dont le quantum d’énergie vaut 24 meV à température ambiante) peuple de la même manière les niveaux d’énergie nécessaires à l’émission THz, et ainsi rend pratiquement impossible ce rayonnement THz. Cela empêche aussi les lasers de fonctionner aisément dans le domaine THz, puisqu’ils requièrent un niveau excité plus peuplé que le niveau fondamental, inversion de population facilement détruite par l’agitation thermique. Ainsi, les sources employées dans le visible et l’infrarouge perdent leur efficacité lorsqu’on atteint les fréquences THz. Du coté micro-ondes, le rayonnement est émis par les électrons libres au sein d’un matériau conducteur, donc par le courant électrique circulant, sous l’effet d’une tension alternative, dans le conducteur qui a une forme d’antenne pour un meilleur couplage avec le milieu environnant. Ces systèmes d’émission perdent leur efficacité aux fréquences THz à cause du rendement plus faible des composants électroniques et des résistances, ainsi que des capacités parasites qui limitent leur bande passante.
Jusqu’au début des années 1990, l’absence de composants performants a limité l’étude du domaine THz au monde académique, avec néanmoins de très beaux résultats obtenus par exemple en spectroscopie des gaz et en physique de la matière condensée. L’avènement de lasers commerciaux délivrant des trains d’impulsions de durée femtoseconde a alors révolutionné la recherche en infrarouge très lointain. Grâce à des antennes photo-excitées par ces impulsions laser et à des techniques en temps équivalent, des bancs de spectroscopie et d’imagerie THz sont devenus accessibles à la plupart des laboratoires, fonctionnant de manière simple (en particulier à température ambiante), fiable et d’entretien peu onéreux. Ce regain d’activités dans le domaine a stimulé la recherche de nouvelles sources et de nouveaux détecteurs. Des composants électroniques THz à semi-conducteurs ont été mis au point, les tubes électroniques ont progressé, et de nouveaux concepts ont été proposés et développés, comme l’effet de cascade quantique pour les lasers THz appelés QCL ou comme les diodes UTC, basées sur un transport électronique où les trous ne contribuent pas.
Au début des années 2020, les chercheurs et les ingénieurs travaillant dans le domaine THz disposent d’un ensemble important et varié de composants, dispositifs et appareillages. Cet article donne une revue, établie en 2021 et aussi exhaustive que possible, de toutes les sources de rayonnement THz. Leur principe de fonctionnement et leurs performances seront décrits et listés. Tout d’abord, on rappellera les principes physiques nécessaires à la compréhension des phénomènes mis en jeu dans les sources THz.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes utilisés.