Contrôler les ondes électromagnétiques dans des circuits photoniques comme l’on contrôle les courants électroniques dans les circuits intégrés, tel est l’objectif que l’on peut envisager en exploitant les différentes « facettes » des structures artificielles que sont les cristaux photoniques, depuis les concepts jusqu’aux applications. Les termes de cristal, de « gaps de photons » ou de bandes interdites photoniques évoquent d’ailleurs, à l’évidence, l’analogie avec les cristaux semi-conducteurs et les bandes interdites électroniques. Obtenus par structuration périodique des matériaux diélectriques ou métalliques dans une, deux ou trois directions de l’espace, les cristaux photoniques offrent ainsi la perspective de réaliser des dispositifs optiques ou électromagnétiques capables de stocker, filtrer et guider la lumière à l’échelle de la longueur d’onde. Au-delà de la course à la miniaturisation que nécessite le traitement d’un nombre croissant d’informations, cette perspective peut également déboucher sur des nouveaux composants optiques aux propriétés ultimes.
Cet exposé sur les « cristaux photoniques » est divisé en deux parties. Dans cette première partie (article [AF 3 710]), nous rappelons d’abord les motivations à l’origine du concept de cristal photonique en faisant un bref résumé des premiers résultats qui ont déclenché l’engouement scientifique que l’on connaît aujourd’hui. Nous entrons ensuite dans l’analogie électron-photon qui a prévalu aux notions de gaps de photons ou de bandes interdites photoniques. On peut d’ailleurs estimer que cet emprunt de l’électromagnétisme et de l’optique à la physique du solide est un juste retour des choses car, depuis l’avènement de la mécanique quantique, la physique en général n’avait jamais manqué d’emprunter à l’optique en traitant notamment les excitations électroniques en termes d’ondes de matière. L’analogie électron-photon est illustrée simplement grâce aux systèmes unidimensionnels connus que sont les puits quantiques semi-conducteurs, d’une part, et les miroirs de Bragg, d’autre part. Partant des équations de Maxwell, nous décrivons ensuite les modèles qui permettent de déterminer les diagrammes de bandes photoniques des structures périodiques, infinies et sans défauts. Les illustrations sont données par ordre de complexité croissante, depuis les cristaux photoniques unidimensionnels jusqu’aux cristaux photoniques tridimensionnels. Les derniers paragraphes sont consacrés aux cristaux de taille finie et à leur modélisation.
Une attention toute particulière est portée à la description des défauts de périodicité et à leur influence sur les propriétés électromagnétiques des cristaux photoniques. Nous retrouvons, au passage, l’analogie avec les défauts cristallins des véritables cristaux solides, à la nuance près qu’il s’agit de défauts utiles comme les dopants d’un semi-conducteur. L’insertion de défauts va, en effet, permettre d’introduire des résonateurs et des guides d’onde optiques au sein des cristaux photoniques.
Les diverses propriétés optiques des cristaux photoniques, les effets nouveaux que l’on peut en attendre, les progrès technologiques qu’il a fallu accomplir pour parvenir à leur élaboration dans le domaine du visible et de l’infrarouge, de même que leurs premières applications aussi bien pour les micro-ondes que pour l’optique, seront développés dans la deuxième partie de cet exposé (article Cristaux photoniques et « gaps » de photons- Propriétés et applications.