Présentation
En anglaisRÉSUMÉ
Les limites planétaires se sont imposées depuis les années 2010 comme un cadre de référence pour l’évaluation de l’habitabilité de la Terre à une échelle globale. Cet article entend montrer comment les limites planétaires peuvent être mobilisées dans l’évaluation environnementale de systèmes locaux. Pour cela, l’article commencera par présenter les origines du cadre et en décrira les composantes, avant de souligner dans un deuxième temps le renouvellement que ce cadre entraîne dans la façon de concevoir la soutenabilité des systèmes, puis de présenter enfin les méthodes d’évaluation environnementale par analyse de cycle de vie qui s’appuient sur le cadre des limites planétaires.
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Over the last ten years, planetary boundaries have become a reference framework for assessing the Earth's habitability at the global scale. This article aims to show how planetary boundaries can be mobilized in the environmental assessment of local systems. To this end, the article begins by presenting the origins of the framework and describing its components, before highlighting the renewal that this framework brings to the way in which system sustainability is conceived. Finally, the article introduces some planetary boundaries-based life cycle assessment methods commonly used in the field of environmental assessment.
Auteur(s)
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Quentin DASSIBAT : Doctorant en sciences de l’environnement - Mines Saint-Étienne, université de Lyon, CNRS, université Jean Monnet, université Lumière Lyon 2, université Lyon 3 Jean Moulin, ENS Lyon, ENTPE, ENSA Lyon, UMR 5600 EVS, Institut Henri Fayol, F-42023 Saint-Étienne, France
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Natacha GONDRAN : Professeure en sciences de l’environnement - Mines Saint-Étienne, université de Lyon, CNRS, université Jean Monnet, université Lumière Lyon 2, université Lyon 3 Jean Moulin, ENS Lyon, ENTPE, ENSA Lyon, UMR 5600 EVS, Institut Henri Fayol, F-42023 Saint-Étienne, France
INTRODUCTION
Les changements climatiques en cours sont aujourd’hui largement documentés et médiatisés, et leurs conséquences sur nos modes de vie se font de plus en plus ressentir. Le travail conjoint depuis plusieurs décennies des communautés scientifique, politique et citoyenne a abouti à institutionnaliser ces changements et leur gestion dans des organes de gouvernance internationaux et régionaux. Cette même trajectoire d’institutionnalisation caractérise les enjeux liés à l’érosion en cours de la biodiversité, souvent décrite comme la sixième extinction de masse. Ces deux enjeux dominants sont révélateurs d’une époque qualifiée d’Anthropocène, où l’humanité peut être vue comme une force géologique influençant l’équilibre climatique. Si elle est donc capable de le perturber, elle peut aussi se préoccuper de le préserver. Un équilibre climatique est néanmoins un objet complexe à appréhender qui ne saurait se réduire à une composante gaz à effet de serre/biodiversité. Qu’en est-il du cycle de l’eau ou de celui des nutriments comme l’azote et le phosphore ? Qu’en est-il des polluants que l’industrie rejette dans les milieux ? Et qu’en est-il de l’occupation des sols ? Prendre pleinement acte de l’Anthropocène, c’est reconnaître l’interconnexion entre les composantes du système Terre et celles des systèmes humains. Les limites planétaires constituent un cadre conceptuel d’évaluation de l’habitabilité de la Terre dont la notoriété médiatique ne cesse de croître à mesure que de nouvelles limites sont dépassées. À ces dépassements correspondent autant un accroissement des pressions anthropiques qu’un effort de la communauté scientifique pour définir avec toujours plus de robustesse les indicateurs constitutifs du cadre. Si les recherches fondatrices sur ce sujet ont abouti dès 2009 à une première publication du cadre, de nombreuses mises à jour ont ensuite été proposées, autant pour le cadre dans son ensemble que pour chaque limite prise individuellement. Cet article entend ainsi retracer ces évolutions successives afin de mieux comprendre ce qui se joue dans la tendance à la hausse du nombre de limites dépassées et, à partir de là, de comprendre ce que signifie vraiment « dépasser une limite ». Parallèlement à ces efforts de construction et de publicisation du cadre, un champ d’étude dédié à son opérationnalisation s’est constitué. En effet, le cadre des limites planétaires représente une source d’innovation pour concevoir des outils novateurs en matière d’évaluation environnementale des systèmes sous-globaux, en particulier les territoires et la production de biens et services. Depuis les années 2010, la communauté scientifique poursuit ainsi ces deux chantiers d’amélioration et d’application locale du cadre. Cet article se propose ainsi de rendre compte de ces deux chantiers en insistant sur le passage de l’un à l’autre, permis par un renouvellement paradigmatique profond de l’évaluation environnementale : l’évaluation absolue de la soutenabilité, que nous qualifierons, et dont nous donnerons des exemples de développement scientifique rigoureux et d’applications ou d’interprétations plus libres dans les entreprises et les collectivités territoriales. Cet article entend proposer une introduction au cadre des limites planétaires et à ses possibilités d’application en évaluation environnementale mais ne constitue pas un guide pratique de la « descente d’échelle », puisqu’un tel guide serait bien difficile à constituer du fait de la diversité des méthodes actuellement en cours de développement et de discussion dans la communauté scientifique.
MOTS-CLÉS
évaluation environnementale limites planétaires évaluation absolue de la soutenabilité environnementale descente d’échelle
KEYWORDS
environmental assessment | planetary boundaries | absolute environmental sustainability assessment | downscaling methods
DOI (Digital Object Identifier)
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4. Conclusion
Le cadre des limites planétaires a contribué à renouveler le paradigme de l’évaluation environnementale, forgeant le champ de l’évaluation absolue de la soutenabilité environnementale. Ce changement paradigmatique consiste à ne plus évaluer de façon relative les impacts environnementaux d’un système, c’est-à-dire en comparant ses impacts à ceux d’un système proche ou du même système à une autre date, mais à les évaluer par rapport à une référence environnementale – les limites planétaires – elle-même fondée sur l’état environnemental de l’Holocène. À l’échelle globale, le cadre fait l’objet d’amélioration continues : les métriques environnementales se précisent et les données utilisées sont mises à jour ; la prise en compte des critères de justice environnementale vient enrichir le cadre d’une dimension éthique, mais dont l’intégration systémique avec les variables environnementales est encore à préciser.
Les applications du cadre à des systèmes locaux consistent en deux grandes familles de méthodes : les méthodes reposant sur les indicateurs déjà reconnus en ACV et les méthodes dites « standalone » (méthodologies propres). Plusieurs centaines d’articles scientifiques ont été publiés sur ces méthodes, ce qui montre le potentiel de créativité qu’embarquent les limites planétaires. Ceci est aussi vrai pour les territoires et les entreprises, qui sont challengées par une nouvelle façon de penser leurs activités au regard d’une cible environnementale. Les limites planétaires peuvent ainsi être vues comme un nouvel ensemble de contraintes dans la prise de décision susceptible de stimuler l’innovation. Le politiste Franck Bierman y voit ainsi le potentiel d’une nouvelle gouvernance mondiale des problèmes écologiques . Pour lui, il pourrait se dessiner une expertise scientifique du type « un GIEC par limite planétaire », qui serait chargé de produire des rapports d’évaluation sur chaque...
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BIBLIOGRAPHIE
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