La fatigue-corrosion peut être définie comme l’action combinée d’un environnement agressif et d’une contrainte cyclique conduisant à une rupture prématurée du métal par fissuration. Dans cette définition, il convient d’insister sur le terme « combiné » puisque de nombreux expérimentateurs ont montré que ni la contrainte cyclique à l’air, ni l’action due à l’environnement ne produisaient séparément le même dommage résultant de l’action conjointe. En d’autres termes, une éprouvette précorrodée ne présentera pas forcément une réduction appréciable de durée de vie en fatigue, et une éprouvette fatiguée tout d’abord à l’air ne conduira pas obligatoirement à une vitesse de corrosion du métal accrue.
Pour illustrer cette idée, la figure 1 montre l’évolution de la durée de vie d’éprouvettes en acier de construction métallique du type E 36, en fonction de la contrainte cyclique appliquée (courbe de Wöhler). L’effet du milieu corrosif (eau de mer synthétique) et de la fréquence du cycle de charge conduit à une chute des caractéristiques de fatigue d’autant plus importante que la fréquence des cycles est faible. Les courbes en tireté ont été tracées à partir des courbes à l’air en faisant l’hypothèse que l’effet de la corrosion n’est dû qu’à une réduction de section des éprouvettes par corrosion généralisée. La comparaison de ces courbes avec les courbes obtenues lors des essais sous corrosion montre que l’effet du milieu corrosif est plus important que ne le prévoit cette hypothèse.
Par ailleurs, l’influence des caractéristiques mécaniques en traction des matériaux, importante sur les caractéristiques de fatigue à l’air, ne paraît pas significative sur les caractéristiques de fatigue-corrosion. La figure 2 compare le comportement en fatigue de deux aciers au carbone à l’air et dans l’eau de mer à 80 C.
À l’air, les résultats montrent une asymptote en contrainte, correspondant au niveau de la limite d’endurance, d’autant plus élevée que la résistance à la traction est plus importante. Par contre sous corrosion, d’une part, on n’observe plus d’asymptote (la notion de limite d’endurance a disparu), d’autre part, les résultats sont comparables pour les deux matériaux.
Une conséquence de ce comportement général pour tous les matériaux métalliques est le remplacement en fatigue-corrosion du terme « limite d’endurance σD » par celui de « résistance à la fatigue-corrosion σ FC à N cycles ».
Les deux exemples précédents indiquent, d’une part, que l’effet d’un environnement corrosif est très important sur le comportement à la fatigue des matériaux métalliques (une réduction des contraintes admissibles par un facteur 5 peut être possible), d’autre part, que les paramètres mécaniques, géométriques et métallurgiques, considérés généralement pour rendre compte du comportement en fatigue à l’air, ne sont plus suffisants ; il convient de faire appel à des paramètres physico-chimiques et électrochimiques.
Le mécanisme de rupture par fatigue est généralement divisé en trois stades :
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l’amorçage d’une fissure de fatigue à partir d’un défaut géométrique ou métallurgique conduisant à une concentration locale de déformation ou de contrainte ;
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la propagation de cette fissure dans l’éprouvette ou la pièce ;
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la rupture de celle-ci.
L’effet des paramètres physico-chimiques ou électrochimiques est sensiblement différent dans les deux premiers stades qu’il conviendra de considérer séparément.
Cet article a pour but de présenter les méthodes expérimentales recommandées pour préciser l’influence d’un milieu corrosif sur des éprouvettes de matériaux métalliques.
Pour mener à bien ce travail, nous définirons tout d’abord quelques termes indispensables avant de considérer les phases d’amorçage et de fissuration par fatigue-corrosion. Dans chaque cas, nous présenterons l’influence des principaux paramètres sur le comportement des matériaux soumis à un environnement soit aqueux, soit gazeux. Nous rendrons compte succinctement des principaux mécanismes mis en jeu.
Les moyens de prévention contre la fatigue-corrosion seront mentionnés. L’ensemble de ces notions indispensables permettra de proposer les méthodes d’essais adaptées. La description de ces méthodes s’appuiera largement sur l’article des Techniques de l’Ingénieur « Essais de fatigue » [63]