Les matériaux cristallins sont par nature hétérogènes. On distingue, par exemple, les polycristaux constitués d’agglomérats de grains monocristallins dans lesquels des lignes de défauts, les dislocations, propagent des cisaillements sur des plans cristallographiques. Cette hétérogénéité spatiale conduit à développer des modélisations différentes à chacune des échelles impliquées. L’avénement d’une puissance informatique toujours plus performante (on peut actuellement compter sur une vitesse des microprocesseurs doublée tous les dix-huit mois) a stimulé le développement d’outils numériques sophistiqués dédiés à la simulation du comportement mécanique des matériaux. À chaque échelle d’étude, un effort important a été porté sur la mise en place de modèles fiables adaptés aux diverses situations rencontrées lors des procédés de mise en forme et des conditions en service des composants industriels (figure 1). Petit à petit, chaque modèle devient de plus en plus performant : le volume qu’il est possible de simuler ainsi que le temps physique sont toujours plus importants. On constate désormais un recouvrement entre les capacités des différents modèles à simuler la réponse de volumes de taille fixée pendant un temps physique donné.
Même s’il est encore utopique de penser simuler le processus de mise en forme par emboutissage à partir de simulations atomiques ou même à partir de la dynamique des dislocations, on constate tout de même que l’on peut, d’ores et déjà, « remonter » les échelles d’espace et de temps de manière continue, par exemple en réalisant des simulations spécifiques dont les résultats serviront à asseoir un modèle à l’échelle supérieure. On observe également que, à l’échelle des milieux continus, les lois de comportement phénoménologiques laissent peu à peu la place à des relations de comportement déduites des mécanismes physiques à l’origine de la déformation plastique tels que les mouvements de dislocations. Cette transition d’échelle entre la dynamique d’une ligne de dislocation et le comportement d’un milieu continu pour lequel les variables internes sont généralement les densités de dislocations sur les différents systèmes de glissement implique une moyenne et donc une statistique sur tous les événements potentiels ainsi qu’une homogénéisation sur un volume arbitraire. Cela conduit finalement à des relations de comportement toujours plus ou moins phénoménologiques. Il en est de même pour les techniques d’homogénéisation modélisant le passage du monocristal au polycristal.
Le présent article est consacré à la modélisation numérique du comportement de matériaux cristallins, principalement métalliques, à différentes échelles à l’aide d’outils numériques spécifiquement adaptés en insistant sur les applications potentielles de ces outils, leurs capacités à reproduire la déformation plastique des cristaux mais également leurs limitations intrinsèques. Après une description des modèles de simulations à l’échelle atomique, comme la dynamique moléculaire, et des applications concernant l’étude de la déformation plastique des métaux, l’article aborde les modèles numériques du comportement collectif de populations de dislocations pour lesquels les entités simulées sont les lignes de défauts. Puis, le comportement du monocristal est décrit en présentant deux modèles : le premier utilise comme variables internes les densités de dislocations sur les systèmes de glissement tandis que le deuxième est purement phénoménologique mais remarquablement bien adapté pour traiter des chargements complexes.
Dans un second article Plasticité cristalline et transition d’échelle : cas du polycristal, nous traiterons le cas du polycristal.