Le domaine des métamatériaux n’est plus tout à fait nouveau même s’il reste extraordinairement actif. Imaginé dès les années 1960 par V. Veselago qui questionne la possibilité d’obtenir un indice de réfraction négatif pour la propagation d’une onde électromagnétique, ce concept devient réalité au début des années 2000 grâce à J. Pendry et D. Smith qui imaginent et réalisent une structure spécifique pour laquelle, l’indice de réfraction du matériau est négatif dans une petite gamme de fréquence du domaine des micro-ondes. La clé de ce développement repose sur l’introduction de micro-résonateurs, très petits devant la longueur de l’onde incidente, si bien que l’onde perçoit un milieu qui lui semble homogène (dit effectif), mais dont les constituants entrent en résonance à une certaine fréquence. Pendry et Smith utilisent des circuits RLC d’échelle millimétrique fabriqués sur des circuits imprimés traditionnels et ouvrent ainsi un champ d’étude phénoménal, conceptuel, technologique et expérimental. Depuis, la course à la miniaturisation a conduit à la réalisation de métamatériaux jusqu’au domaine de l’optique visible. Quelques années plus tard, le concept de métamatériaux a été généralisé à d’autres phénomènes propagatifs. Ainsi, qu’il s’agisse de phénomènes acoustiques, sismiques, thermiques, marins, etc., il est possible d’envisager des matériaux qui modifient considérablement la manière dont une « onde » s’y propage, et en corollaire des structures porteuses de promesses : absorbeurs parfaits, lentilles planes, fines et sans aberration, composants optiques ou acoustiques pour dépasser les limites de diffraction, et mettre en forme des fronts d’onde, ou encore des structures de camouflage pour protéger par exemple des tsunamis les plateformes en mer.
Le domaine d’étude de cet article est volontairement très restreint : quelques exemples de réalisations de métamatériaux sont donnés pour le domaine de l’acoustique ultrasonore en milieu aqueux. Le principe est basé sur l’ensemencement d’une matrice par des inclusions de petite taille devant la longueur d’onde ultrasonore incidente. Ces inclusions sont capables de résonner « fortement » lorsque leur célérité du son est bien inférieure à celle de la matrice environnante ; ces résonances, de type Mie, modifient la vitesse de phase des ultrasons, et donc l’indice de réfraction acoustique qui peut être potentiellement négatif.
La preuve de concept est d’abord apportée par la réalisation de dispersions de gouttes d’une huile dite lente dans un gel aqueux. L’aspect très calibré des inclusions est apporté par l’outil microfluidique et l’huile est choisie avec une célérité du son plus basse que dans le gel aqueux, si bien que les résonances de type Mie sont très marquées. Ainsi, les gouttes entrent en résonance de manière très piquée à des fréquences particulières correspondant aux résonances des différents modes de vibration des gouttes. Les matériaux les plus intéressants ont ensuite été réalisés, par augmentation du contraste de célérité du son entre matrice et inclusion, par émulsification microfluidique.
Actuellement, les meilleurs résonateurs sont des particules poreuses (car le son s’y propage très lentement) et, de fait, avec 20 à 30 % en volume de ces inclusions, le matériau composite offre un indice de réfraction acoustique qui varie fortement avec la fréquence et possède des valeurs négatives sur des bandes de fréquences d’étendues non négligeables.
In fine, l’utilisation de tels matériaux pourrait être envisagée dans de nombreux champs d’application tels que l’imagerie acoustique avec un gain notable de résolution, la fabrication de composants comme des miroirs, des lentilles, des guides d’onde acoustiques, ou enfin la réalisation d’absorbeurs très efficaces et fonctionnant pour des épaisseurs dix fois plus faibles que les absorbeurs classiques.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire et un tableau des symboles utilisés.
Points clés
Domaine : Métamatériaux acoustiques (aux propriétés n’existant pas dans la nature)
Degré de diffusion de la technologie : Émergence
Technologies impliquées : Matière molle et microfluidique, spectroscopie ultrasonore
Domaines d’application : absorption, furtivité
Autres acteurs dans le monde : Ping Sheng (Hong Kong), John Page (Canada), Steve Cummer (USA), Arnaud Tourin (Paris)
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