Les méthodes de numérisation et modélisation de problèmes physiques opérées dans les applications industrielles sont essentiellement locales. La plus répandue d’entre elles – le calcul aux éléments finis – ramène le modèle matriciel global à une série de matrices locales (élémentaires) d’abord générées par un principe variationnel de type puissances virtuelles (avec interpolations locales) puis assemblées numériquement. Des techniques particulaires les complètent (différences finies, éléments discrets, SPH) en considérant des zones d’influence particulières, mais ces techniques relèvent également in fine de la juxtaposition de problèmes locaux.
Ces méthodes présentent de très grandes qualités opérationnelles, qui expliquent leur succès et leur quasi-généralisation. Leur caractère local qui permet précisément de ramener le problème global à une série de problèmes isoparamétriques est un puissant atout, mais c’est également l’origine de leur limitation. Tous d’abord, elles nécessitent un maillage local et complet de tout le domaine dans l’intégralité de sa géométrie et de sa topologie. Ensuite, elles ne sont pas optimales puisque précisément les modèles assemblés – de grande taille – sont creux de manière structurelle, de par le caractère local des éléments. De fait, des techniques numériques particulières ont été adaptées à de tels systèmes. Enfin, les éléments, de par la standardisation et la simplicité du modèle local, requièrent un certain nombre de restrictions sur leur nature et leur forme, qui entraînent des risques d’erreurs ou divergences locales dans certains types de problèmes particuliers.
De fait, une première tentative de palier ces difficultés a consisté à condenser des sous-structures, ce qui revient à représenter un assemblage uniquement par ses interfaces. La condensation statique de Guyan, puis la synthèse modale dynamique de Craig-Bampton ont permis des avancées très importantes dans ce sens. Mais dans tous les cas, le maillage permettant de générer la condensation reste local. L’étape décisive pour aller plus loin consiste donc à remonter en amont, pour proposer mathématiquement un problème aux limites, permettant de manière intrinsèque, de ne plus mailler que les limites du problème. On arrive ainsi aux méthodes de frontières, dont le principe est présenté dans cet article. L’intérêt est triple : la taille du problème numérique est drastiquement diminuée, son caractère plein est conforté (ce qui accroît la précision) et enfin ces techniques sont bien adaptées à certains problèmes irréguliers, ce qui les rend à la fois parallèles et complémentaires des méthodes locales précédentes.
Dans cet article, les méthodes intégrales sont ainsi présentées sur la base de problèmes simples mais représentatifs de l’efficacité de ces techniques. De fait, de nombreux problèmes en physique sont, directement ou indirectement, liés à des fonctions harmoniques. On peut citer les problèmes élastiques réguliers ou singuliers, la flexion des plaques de Lagrange, la tension dans une capacité électrostatique, etc.
Ainsi, dans la première partie de l’article, la torsion solide élastique en géométrie quelconque sert d’exemple générique pour la présentation du principe de la méthode. Dans la deuxième partie, c’est la théorie des singularités en fluide parfait irrotationnel qui est abordée. Enfin, la troisième partie propose – à titre prospectif – des ouvertures en physique.