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EnglishRÉSUMÉ
L'expression «polymères conducteurs» recouvre des aspects divers d'une classe de composés organiques auxquels sont données des propriétés conductrices de l'électricité par différents traitements chimiques (dopage) ou par structuration du matériau. Après avoir rappelé les différentes méthodes de dopage disponibles, les propriétés des polymères sont passées en revue. Au final, quelques exemples de dispositifs aux applications industrielles (OLED, cellules photovoltaïques organiques, etc.) utilisant les polymères conducteurs sont décrits, en insistant sur les aspects de mise en forme et de conception des matériaux et des dispositifs.
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Mireille DEFRANCESCHI : Agrégée de chimie - Docteur d'État en sciences physiques
INTRODUCTION
Les polymères ont pris dans notre vie quotidienne une place très importante. On les trouve sous les formes les plus diverses qui vont des emballages plastiques en polyéthylène (PE), aux tuyaux en polychlorure de vinyle (PVC), en passant par les textiles synthétiques (comme de l'élasthanne pour les vêtements de sport ou le Kevlar pour les gilets pare-balles), les matériaux composites, etc. Le squelette des polymères usuels est principalement composé de liaisons simples, aussi sont-ils connus pour être de très bons isolants électriques (10–13 et 10–16 S · m–1) et sont notamment utilisés pour cette propriété dans diverses applications (isolation de câbles, tableaux et armoires électriques…). À côté de ces polymères courants, existe une catégorie de polymères moins connue mais tout aussi importante : les polymères conjugués. Les polymères conjugués forment une classe particulière de matériaux polymères. Ils se différencient des premiers polymères par la présence d'un squelette riche en doubles liaisons et en noyaux aromatiques. Cette particularité a pour effet d'induire une délocalisation électronique plus ou moins importante selon la nature du polymère. On peut alors associer les propriétés des polymères à une conduction électrique, ce qui se révèle utile dans divers domaines tels que la protection antistatique des circuits, la protection contre la corrosion, la métallisation des plastiques, la réalisation de nouveaux capteurs, ou encore la fabrication d'éléments chauffants. Comme de plus, ces polymères présentent une synergie de leurs propriétés optiques et électroniques, principalement due à leur nature, soit semi-conducteurs, soit conducteurs. Les polymères conjugués sont des matériaux extrêmement intéressants pour des champs d'applications très variés, comme l'optoélectronique, les dispositifs électrocommandables ou bien les capteurs (bio-)chimiques basés plutôt sur les propriétés de modulation de la conduction des chaînes polymères. Compte tenu de leur mise en forme plus aisée et de leurs coûts plus abordables, ils remplacent avantageusement les semi-conducteurs inorganiques. À l'heure actuelle, les polymères conducteurs permettent d'élaborer dans des conditions plus économes et plus respectueuses de l'environnement des transistors à effet de champ, des diodes électroluminescentes (OLED), des cellules solaires, des capteurs ultrasensibles de polluants.
L'histoire des polymères conjugués commence au début des années 1970 avec la découverte que le polynitrure de soufre [(—S = N—)x] présente à température ambiante une conductivité proche de celle d'un métal (~ 103 S/cm). Cette propriété remarquable suscite l'intérêt de la communauté scientifique qui recherche d'autres composés aux propriétés analogues. Il est rapporté qu'un jour, un des étudiants du professeur Shirakawa fit une erreur de manipulation en préparant du polyacétylène. Au lieu d'utiliser quelques milligrammes de catalyseur, il en utilisa quelques grammes : il obtint un film à l'éclat métallique, qui se révéla être composé d'un enchaînement de configurations E. Le catalyseur s'était déposé sous forme de film à la surface du réacteur, ce qui avait permis la formation d'un film de polyacétylène (PAc). Quelques années plus tard, en 1977, les professeurs Mac Diarmid, Heeger et Shirakawa montrèrent que le polyacétylène avait les propriétés d'un semi-conducteur et qu'il était possible de moduler la conductivité électrique du polyacétylène moyennant l'introduction contrôlée de molécules donneuses ou accepteuses d'électrons, par exemple, par exposition à des vapeurs d'un oxydant chimique tel que le diode gazeux (c'est le phénomène de dopage) faisant alors passer le polymère de l'état d'isolant à celui de conducteur. Cette découverte valut à leurs auteurs, en 2000, l'attribution du prix Nobel de chimie car elle marqua la naissance d'une nouvelle classe de polymères : les polymères organiques conducteurs.
En fait, l'intérêt ne s'est vraiment manifesté qu'au cours des années 1990 aussi bien au niveau fondamental qu'au niveau industriel. En particulier, le développement de polymères luminescents en 1990 au Cavendish Laboratory de l'université de Cambridge a marqué un tournant dans l'utilisation des polymères conducteurs comme substituts des métaux dans les systèmes électroniques.
Rapidement, d'autres polymères conjugués ont pris la relève : le polyparaphénylène (PPP), le polypyrrole (PPy), le polythiophene (PTh) ou encore la polyaniline (PANI). Malheureusement, ces nouveaux systèmes n'atteignaient jamais la conductivité électrique du PAc dopé. Au cours de ces dernières décennies, les efforts de recherche ont porté d'une part sur l'ingénierie et la synthèse de ces polymères de façon à en contrôler les propriétés électriques, optiques et la mise en œuvre (solubilité en particulier), ainsi que l'amélioration de la tenue au vieillissement, et d'autre part sur la compréhension des mécanismes fondamentaux de transport dans les polymères conjugués au sens large.
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