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Acwa-robotics, canalisations eau potable

Interview

Acwa robotics : Cartographier et caractériser l’état des canalisations d’eau potable

Posté le par Nicolas LOUIS dans Innovations sectorielles

S'inspirant des principes du biomimétisme, la start-up Acwa robotics développe un robot capable de se déplacer de manière autonome dans des réseaux d'eau potable encore en exploitation, dans le but d'y collecter un grand nombre d'informations. Rencontre avec le directeur technique et le fondateur de cette entreprise.

En France, le réseau de distribution d’eau potable est évalué à un peu moins d’un million de kilomètres de conduites. Environ un litre sur cinq ne parvient pas à l’usager à cause de fuites. Leurs origines sont nombreuses et variées : âge et type des canalisations, corrosion, vieillissement des joints d’étanchéité, mouvements des sols, pression élevée de l’eau à l’intérieur… Les collectivités et les exploitants de ces réseaux mettent en place des programmes pour remplacer ou réparer ces canalisations. Pour les aider, la start-up Acwa robotics développe un robot capable de se déplacer en toute autonomie dans des réseaux en exploitation afin de les localiser et de caractériser leur état. Créée en 2018, elle compte aujourd’hui 14 salariés, essentiellement des ingénieurs. Entretien avec Jean-François Rossi, le directeur technique et le fondateur de cette entreprise.

Techniques de l’ingénieur : À quels besoins répondent les technologies développées par Acwa robotics ?

Jean-François Rossi, directeur technique, fondateur, Acwa robotics
Jean-François Rossi, directeur technique et fondateur de Acwa robotics.

Jean-François Rossi : Nous développons des technologies pour localiser les canalisations d’eau enterrées afin de pouvoir intervenir plus facilement sur ces infrastructures. En France, une réglementation impose à chaque collectivité de les localiser à 40 cm près, y compris en profondeur. Ensuite, nous fournissons des informations sur leur état d’entretien. Là encore, il s’agit d’une obligation française, depuis le Grenelle de l’environnement de 2012. Les collectivités doivent non seulement établir la cartographie de ces réseaux, mais aussi les documenter : diamètre des canalisations, matériaux constitutifs, état des tuyaux, équipements installés… Toutes ces données doivent ensuite être retranscrites dans un open data appelé Eaufrance. Si ce travail n’est pas réalisé, l’État se réserve le droit de doubler son prélèvement sur la facture d’eau, et depuis un an, des amendes commencent à tomber.

Comment réussissez-vous à collecter toutes ces informations ?

Nous développons des robots capables de s’introduire dans des réseaux d’eau en exploitation, puis de les parcourir de manière totalement autonome, d’y relever des informations, de ressortir à un autre endroit ou à son point d’entrée, et enfin de restituer les données collectées.

Acwa-robotics, robot
Le robot développé par Acwa robotics. Crédit : Acwa robotics

Pour le déplacement, nous avons opté pour un mode de locomotion mixte. Le robot est soit porté par le courant, une solution que l’on privilégie dans les lignes droites, ou alors se déplace en mode automoteur. Il n’est pas équipé de roues, car des couches de rouille très importantes sont présentes dans les réseaux, et elles risqueraient de les dégrader, et donc de créer de l’eau rouge impropre à la consommation. Notre machine s’inspire du biomimétisme et du déplacement des chenilles. Elle se déplace le plus délicatement possible, à l’aide de ses appuis sur la canalisation. Pour avancer, elle lâche ses appuis à l’avant, le robot s’étire, puis il reprend ses appuis avant, pour ensuite relâcher ceux à l’arrière et se rétrécir. Il progresse ainsi doucement, mais peut prendre des virages jusqu’à 90 degrés.

Nos robots peuvent faire face à un écoulement de l’eau jusqu’à 2 mètres par seconde. Ils sont tous conçus et testés pour résister à des pressions de 20 bar, ce qui correspond à celles rencontrées à 200 mètres de profondeur. Avec notre première série de machines, nous ciblons des canalisations dont le diamètre commence à 250 mm. Sur le plan réglementaire, elles doivent résister à des pressions pouvant aller jusqu’à 16 bar.

Comment parvenez-vous à localiser les canalisations ?

Dans un réseau d’eau potable, il n’y a pas de signal GPS, ni aucun moyen de communication avec notre robot. Nous utilisons plusieurs sources de données que nous fusionnons afin de situer le tracé des canalisations avec précision. Nous nous servons de l’odométrie, une technologie qui enregistre les mouvements du robot, et déjà présente dans les voitures pour les positionner lorsqu’elles traversent de longs tunnels. Une centrale inertielle est également installée sur nos machines. Elle nous apporte des informations complémentaires sur la gravité par exemple, car dans une canalisation, les magnétomètres ne fonctionnent pas et l’on perd le nord magnétique. Nous prenons aussi des prises de vues des éléments des canalisations, qui sont eux géolocalisables. C’est le cas notamment de ces petits ronds en fer, appelé bouche à clé, que l’on peut observer à la surface des routes et qui permettent d’ouvrir et de fermer les vannes du réseau. Ces équipements sont une autre source de données et nous servent également pour reconstituer le tracé.

Quels types de capteurs sont installés sur vos robots ?

Ils sont capables d’accueillir différents types de capteurs en fonction des besoins de nos clients. Nous ne fabriquons pas ces capteurs, mais les adaptons afin qu’ils fonctionnent dans le milieu contraint des canalisations. Par exemple, nous sélectionnons des capteurs de distance qui fonctionnent dans l’eau et nous les abritons derrière des vitres en plexiglas spécifiques afin qu’ils supportent la pression, tout en veillant à ne pas perturber la mesure.

Beaucoup d’exploitants veulent connaître l’épaisseur résiduelle des canalisations. Pour celles en fonte, nous la calculons grâce à des capteurs à ultra-son, mais il n’existe pas de solution universelle. Pour les autres canalisations, nous devons travailler matériau par matériau et d’autres technologies peuvent être utilisées, comme celles basées sur les courants de Foucault. Nous avons noué un partenariat avec l’INSA de Lyon pour réaliser un panorama complet de toutes les dégradations mesurables dans des réseaux d’eau potable ; cela concerne surtout les canalisations métalliques.

Jusqu’à présent, les appareils que l’on introduisait dans des réseaux d’eau prenaient des vidéos à basse définition, avec des images difficilement exploitables, car les machines étaient secouées par l’écoulement de l’eau. Étant donné que la nôtre prend appui sur la canalisation et qu’elle peut s’immobiliser, elle est capable de prendre des images à haute définition.

La demande de nos clients porte sur des capteurs que l’on n’avait pas imaginés au départ comme la mesure de la turbidité de l’eau, sa dureté, son pH… Nous travaillons pour les intégrer sur nos robots.

À quel stade se trouve votre projet ?

Nous testons une première présérie de machines en conditions réelles chez des exploitants de réseaux. En parallèle, nous étudions la faisabilité de monter une première unité de fabrication et de maintenance de nos robots à Aix-en-Provence. Une des contraintes dans leur fabrication est qu’ils doivent être à flottabilité neutre, c’est-à-dire avoir la même densité que l’eau, de manière à ne pas consommer d’énergie pour se maintenir à flot dans les canalisations. Ils pèsent environ 10 kg et c’est à quelques dizaines de grammes près. Une autre difficulté dans la conception se situe sur le plan sanitaire. Nous devons être très précautionneux sur les matériaux que nous choisissons, puisque nos machines ne doivent pas dégrader la qualité de l’eau des canalisations.

Pour l’instant, nous avons fait très peu de communication, mais nous recevons déjà des demandes du monde entier. Le problème du vieillissement des canalisations et de leur mauvais état ne concerne pas uniquement la France et notre marché est mondial.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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