Logo ETI Quitter la lecture facile
iQspot connecte les bâtiments pour réduire leurs consommations

Interview

iQspot connecte les bâtiments pour réduire leurs consommations

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Innovations sectorielles

Fondée par deux docteurs en informatique, la start-up iQspot a développé une offre basée sur l’utilisation de capteurs connectés permettant de mesurer et d’analyser avec précision les consommations d’énergies et de fluides des bâtiments tertiaires. Un système qui permet d’atteindre une réduction de consommation énergétique de l’ordre de 16 % en moyenne selon l’entreprise.

iQspot se revendique comme le leader du secteur et le seul acteur en France à proposer un système complet de suivi en temps réel des consommations d’un bâtiment. Facile à installer et simple d’usage, la solution – fruit de deux années de travaux de R&D – équipe actuellement plus d’1,7 million de mètres carrés de bâtiments. L’association de capteurs connectés avec une plateforme d’analyse en ligne permet aux investisseurs immobiliers de suivre au plus près les consommations de leurs bâtiments, zone par zone et à l’aide de graphiques. Un système d’alerte permet également de prévenir ces gestionnaires en cas d’incident ponctuel, tel qu’une fuite d’eau non détectable visuellement. En pleine croissance, la jeune pousse s’engage désormais également dans la voie de l’internationalisation, comme nous le révèle Julien Bruneau, co-fondateur et CEO d’iQspot.

Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous nous retracer les grandes étapes de la création d’iQspot ?

iQspot, fondateurs, Quentin Enard, Julien Bruneau
Quentin Enard (à droite), CTO et co-fondateur d’iQspot, et Julien Bruneau (à gauche), CEO et co-fondateur de la start-up. © iQspot

Julien Bruneau : Nous nous sommes lancés à deux, Quentin Enard et moi-même, alors que nous étions en thèse d’informatique. Nous venons donc plutôt de ce monde-là, de l’informatique et de l’IoT[1]. Nos thèses tournaient autour d’une question : comment utiliser le monde de l’IoT dans de la programmation logicielle ? Nous nous sommes lancés après nos thèses avec le constat que le monde du bâtiment bénéficiait jusqu’alors de technologies relativement anciennes par rapport à ce que nous avions pu voir dans d’autres domaines au cours de notre thèse. Nous nous sommes donc interrogés sur la façon de changer cela, dans l’objectif de rendre les bâtiments plus performants, plus efficaces. C’est vraiment le point de départ… Nous nous sommes ainsi lancés à deux, assez naïvement il faut dire ! (Rires)

De fil en aiguille, nous nous sommes concentrés sur un premier sujet : celui de l’efficacité énergétique. Nous avons cherché comment nous pourrions utiliser l’IoT pour suivre de façon simple les consommations des bâtiments. Puis un second sujet a naturellement découlé de cette première réflexion : comment parvenir à préconiser des actions efficaces pour avoir un effet bénéfique sur les consommations énergétiques, c’est-à-dire les réduire. Nous nous sommes aussi spécialisés sur une typologie d’acteurs en particulier dans ce domaine du bâtiment, qui sont les investisseurs immobiliers.

Actuellement, nous utilisons aussi des capteurs IoT pour suivre d’autres types de données dans le bâtiment, qui sont, par exemple, des données de confort comme la température, l’humidité ou la luminosité ; des données de qualité de l’air, comme la concentration en CO₂ et même le niveau de déchets dans les conteneurs des immeubles, chose que nous venons de lancer. Tout ceci avec toujours la même vision : comment utiliser l’IoT pour avoir la meilleure vision possible des bâtiments et les rendre les plus efficaces possible.

D’où proviennent les différents capteurs IoT que vous évoquez ? Avez-vous réalisé leur développement, ou du moins contribué à leur conception ? Comment fonctionnent-ils ?

La base de ces capteurs est constituée par des éléments sur étagère. Mais nous avons effectivement réalisé de nombreux échanges avec leurs fabricants pour leur faire des retours sur l’utilisation que nous en avions et améliorer leur paramétrage. Il s’agit en effet, en quelque sorte, de « coquilles vides » avec lesquelles on peut tout faire ou presque. Nous avons donc beaucoup échangé afin d’optimiser leur configuration… Des adaptations ont également dû être réalisées sur certains capteurs, du côté de leur fabricant.

Pour la partie énergie par exemple – celle que nous déployons le plus –, les capteurs s’installent généralement sur les compteurs généraux, les points de livraison des bâtiments : les compteurs Enedis pour l’électricité, les compteurs GRDF pour le gaz… L’idée est vraiment de rendre connectable n’importe quel compteur, quelle que soit sa génération, y compris les très anciens compteurs électromécaniques. Le point commun de tous les compteurs est que nous pouvons récupérer une impulsion, qui peut être lumineuse, électrique, ou initiée par un aimant, par exemple pour un compteur d’eau. Il existe plein de cas de figure différents, mais dans tous les cas une impulsion est donc générée. Nos capteurs saisissent ces impulsions, et ce sont ces informations qu’ils vont transmettre sur le réseau IoT. Un réseau qui peut être privé ou public, géré par un opérateur. Nous utilisons notamment le LoRa[2]. Dans le cas de l’utilisation d’un réseau privé, nous faisons appel à un concentrateur connecté au propre réseau LoRa privé déployé dans le bâtiment. C’est souvent ce que nous faisons dans des bâtiments de type haussmannien, à Paris : les compteurs sont souvent situés en sous-sol, parfois très en profondeur. Il n’y a donc souvent pas d’autre choix que d’avoir cette architecture de réseau. Mais si les compteurs sont plutôt au-dessus du sol et dans des zones relativement moins denses en termes d’urbanisation, alors nous pouvons directement connecter le capteur au réseau opéré, comme Objenious de Bouygues Télécom, ou le réseau LoRa d’Orange.

La réglementation a commencé à inciter les gens à prendre en compte cet enjeu de suivi énergétique, mais l’explosion des prix de l’énergie a rendu indispensable le fait de pouvoir mener des actions immédiates, sans travaux ; et c’est là-dessus que nous sommes clairement positionnés. En moyenne, pour un bâtiment de quelques milliers de mètres carrés, une demi-journée suffit en effet à l’installation de notre solution, sans interruption de l’exploitation du bâtiment. Cela permet d’obtenir des premiers axes d’améliorations possibles au bout d’une à deux semaines seulement.

Une fois transmises sur le réseau, comment ces données sont-elles analysées ?

Toutes les données sont centralisées sur un tableau de bord accessible depuis n’importe quel navigateur web. Le gestionnaire ou le propriétaire du bâtiment a accès, sur cette plateforme, à toutes les informations qui le concernent. Il s’agit d’une part de restitution « classique », permettant de suivre chaque point de mesure de la façon la plus précise possible et de comparer les différentes zones entre elles, avec également de nombreux graphiques, de nombreuses courbes. Mais nous avons aussi, d’autre part, des systèmes d’alerte automatique : s’il y a une fuite d’eau ou une surconsommation d’énergie soudaine, des notifications sont automatiquement envoyées par e-mail directement à la personne concernée, afin de lui permettre d’agir le plus vite possible.

Au-delà des alertes ponctuelles en cas d’incident, quels bénéfices à plus long terme votre solution permet-elle d’obtenir ?

Nous avons réalisé une étude à ce sujet en début d’année, afin d’évaluer précisément ces bénéfices. Sur la partie énergie, ce qui en découle est que, dès la première année, on peut obtenir une diminution de 16 % des consommations d’énergie. On installe la solution et c’est en moyenne ce que l’on obtient au bout d’une année… Ce qui est vraiment bien !

Sur l’eau, l’évaluation est un peu plus délicate, car le principal bénéfice reste celui d’être immédiatement prévenu si une grosse fuite d’eau survient. Il est donc difficile de quantifier les bénéfices précis en la matière, mais cela permet en tout cas à nos clients d’être réactifs et d’éviter de gros dégâts lorsqu’il s’agit de fuites situées dans des zones non directement visibles.

Quels sont les coûts – d’installation, de fonctionnement, de maintenance… – de la solution que vous proposez ?

Nous proposons notre solution sous la forme d’un abonnement à 100 %, qui s’étale sur plusieurs années : il n’y a aucun coût de départ pour l’installation. En ce qui concerne son montant, l’ordre de grandeur va vraiment dépendre des typologies d’immeubles, du nombre de locataires… La fourchette oscille entre 30 centimes par mètre carré et par an, jusqu’à 1,50 € en fonction, donc, des typologies d’immeubles, mais également des options choisies.

Beaucoup de nos clients investisseurs immobiliers raisonnent souvent en budget de charges sur leurs immeubles, notre offre d’abonnement leur permet donc d’inclure nos services assez facilement dans leur budget.

Quelle est la durée de vie des piles alimentant vos capteurs ?

En moyenne, nos capteurs émettent en standard une donnée par heure, ce qui est largement suffisant pour suivre au mieux les paramètres des bâtiments. Avec cette fréquence, nous constatons en général une durée de vie de 3 à 5 ans. Il faut ensuite remplacer les piles des capteurs, qui sont aujourd’hui très faciles à changer.

Outre les investisseurs immobiliers, à qui votre solution peut-elle s’adresser ?

Notre solution s’adresse particulièrement, au sens large, aux personnes qui gèrent des parcs de bâtiments. Elle leur permet en effet d’avoir une vision sur ce qui s’y passe et de cibler les actions à mener, grâce aux résultats qui sont remontés automatiquement. Notre cible principale reste donc celle des investisseurs immobiliers, mais, en fonction des opportunités, nous travaillons aussi parfois avec des collectivités ou des entreprises disposant de directions de l’immobilier et qui gèrent donc des parcs de bâtiments importants. Ce sont des marchés sur lesquels nous espérons également pouvoir nous développer d’ici peu, car le besoin est là.

Le grand public est en revanche moins la cible. Il s’agit vraiment d’un marché à part, avec des attentes tout à fait différentes. C’est aussi un monde avec beaucoup plus d’acteurs ! C’est un autre métier, vers lequel nous ne prévoyons pas de nous tourner.

Dans quelle mesure votre solution est-elle aujourd’hui déployée ? Quelles sont vos perspectives de développement ?

iQspot, équipement, parcs immobiliers
La solution développée par iQspot équipe aujourd’hui près d’1,7 million de mètres carrés de parcs immobiliers. © joel-filipe

Nous avons actuellement près d’1,7 million de mètres carrés de parcs immobiliers couverts par notre solution. Cela représente à peu près une trentaine de clients, pour des bâtiments situés partout en France, mais également maintenant dans des pays voisins. Nous débutons ainsi notre internationalisation avec des clients français qui ont des bâtiments ailleurs en Europe. Cela nous permet de tester la technologie sur d’autres types d’immeubles. Nous sommes pour l’instant très agréablement surpris ! Cela fonctionne très bien en dehors de nos frontières.

Cette année, en termes de montants pour le parc équipé, nous allons doubler notre chiffre en 2022 et notre objectif est, de nouveau, de doubler en 2023, puis en 2024. La tendance est vraiment forte, nous sommes sur un créneau très porteur : la réglementation pousse les clients à faire appel à ce type de solution, tout comme l’augmentation du montant des factures énergétiques.


[1] Internet of Things, internet des objets

[2] Long Range ou « longue portée »

Pour aller plus loin

Posté le par Benoît CRÉPIN


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !