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Décryptage

La biomasse aérienne de la végétation de la zone tropicale n’a plus d’impact positif sur le stockage du carbone

Posté le par La rédaction dans Environnement

Des chercheurs français sont parvenus à quantifier l’évolution des stocks de carbone dans la biomasse végétale aérienne au niveau de la zone des tropiques. Résultat majeur et inédit : ces régions tropicales, autrefois puits de carbone dans la biomasse aérienne, deviennent globalement neutres. Elles pourraient même devenir une source de carbone atmosphérique dans un proche avenir, accélérant ainsi le réchauffement global.

Comment les stocks de carbone changent-ils dans la biomasse de la végétation à l’échelle de la planète ? Quels facteurs expliquent ces changements ? Ce sont des questions centrales pour les sciences du climat et pour l’application des accords internationaux pour le climat. Les chercheurs de l’Inra, du CEA, du CNRS et du CNES en collaboration avec l’Université de Copenhague et de Nanjing, et de nombreux instituts de recherche internationaux ont publié en 2018 la mise au point d’une nouvelle approche permettant d’apporter une dimension temporelle à des cartes globales mais statiques de la biomasse aérienne de la végétation, qui avait déjà été produite sur la seule zone africaine .
Les travaux publiés aujourd’hui vont plus loin et analysent l’évolution observée des stocks de carbone dans la biomasse aérienne de la végétation de l’ensemble de la zone tropicale. L’étude met ainsi en avant la forte corrélation entre les variations de ces stocks et les variations de la concentration atmosphérique en CO2 de l’atmosphère, confirmant le rôle central de la biomasse végétale des écosystèmes tropicaux dans le cycle du carbone à l’échelle planétaire.
Le résultat majeur à retenir est la quasi-neutralité des forêts des tropiques dans le bilan de carbone, compte tenu de la déforestation, documentée pour la première fois avec des données d’observations directes et quantitatives de la biomasse aérienne. Le bilan de carbone de la biomasse aérienne s’établit ainsi à +0.11 Gt (milliards de tonnes) de carbone par an sur 2010-2017, compensant ainsi seulement environ 1% des émissions anthropiques des gaz à effet de serre. Toutefois, cette étude ne permet pas d’estimer le changement des stocks de carbone dans le sol ou dans la biomasse racinaire durant cette période, et constitue donc un bilan partiel du carbone.
Les seules données sur cette question provenaient jusqu’à présent de simulations via les modèles de végétation ou l’inversion de modèles de transports atmosphériques.
Le phénomène identifié est le suivant : l’effet positif de la végétation dans la zone tropicale qui limite l’augmentation du carbone dans l’atmosphère, via le stockage de carbone dans la biomasse aérienne devient neutre. En effet, les gains produits dans les régions où la forêt est un puits de carbone (estimés à +2,97 Gt C / an), par exemple les forêts préservées au centre des bassins d’Amazonie et du Congo, sont désormais quasiment compensés par des pertes de carbone (estimées à -2, 86 Gt C/ an), en lien avec la déforestation et le dépérissement lié à l’impact du climat (en particulier les conséquences des épisodes El Niño; l’épisode El Niño en 2015-2016 ayant été extrêmement sec et chaud).
Chaque année, la déforestation continue (voire elle accélère), ce qui diminue d’autant le potentiel des régions tropicales à piéger le carbone. Les résultats de cette étude suggèrent donc que nous traversons une étape de transition, au cours de laquelle les régions tropicales ont basculé du rôle de puits de carbone vers un rôle quasi neutre qui préfigure peut-être une future phase au cours de laquelle ces mêmes régions deviendraient une source de carbone atmosphérique, accélérant ainsi le réchauffement global.
Pertes de carbone et déforestation dans les tropiques (2010-2017) : cartes (a) des pertes brutes de carbone de la biomasse aérienne mesurées avec l’indice SMOS L-VOD (Mg C ha-1 an-1) et (b) des pertes de surfaces forestières liées à la déforestation (%) mesurées par Hansen et al. (Science, 2013). Les zones en rouge correspondent aux plus fortes pertes de biomasse végétale et aux zones de déforestation intense. On note en particulier (Fig. b), l’arc de déforestation en Amazonie et une activité intense de déforestation en Indonésie et dans les régions équatoriales centrale et ouest de l’Afrique, qui sont bien corrélés (Fig. a) à des pertes importantes de biomasse aérienne tropicale révélées par les observations spatiales SMOS. L’étude estime les pertes de biomasse liées à la déforestation dans les tropiques à 780 millions de tonnes de carbone par an.
Références
​’Satellite-observed pantropical carbon dynamics’. Lei Fan, Jean-Pierre Wigneron, Philippe Ciais, Jérôme Chave, Martin Brandt, Rasmus Fensholt, Sassan S. Saatchi, Ana Bastos, Amen Al-Yaari, Koen Hufkens, Yuanwei Qin, Xiangming Xiao, Chi Chen, Ranga B. Myneni, Roberto Fernandez-Moran, Arnaud Mialon, N. J. Rodriguez-Fernandez, Yann Kerr, Feng Tian, Josep Peñuelas. Nature Plants. 20 juillet 2019. DOI : 10.1038/s41477-019-0478-9
Source : cea
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