En matière de productivité et de compétitivité industrielle, l’écart n’en finit pas de se creuser entre l’Europe et ses concurrents chinois et américain. Pour le président de l’Office européen des brevets (OEB), António Campinos, cet écart s’explique en partie par la baisse des investissements en recherche et en développement dans le secteur privé. Il a récemment pris la parole afin de plaider pour une meilleure intégration des brevets et des normes dans la stratégie d’innovation européenne.
Dans son rapport sur la compétitivité européenne, remis en septembre 2024, Mario Draghi alertait sur le déficit d’innovation structurel et le retard de l’Europe dans des domaines clés comme l’intelligence artificielle. Il identifiait par ailleurs la complexité, le coût et la lenteur des démarches associées aux brevets comme des freins pour les PME et centres de recherche.
Simplifier le système de protection par brevet est une nécessité
Breveter une invention est souvent perçu, à raison, comme quelque chose de coûteux et complexe, ce qui limite l’utilisation du brevet par les entreprises, centres de recherche et universités de taille modeste.
D’après António Campinos, il est primordial de rendre les brevets plus attractifs. En effet, il constate que les PME, centres de recherche et universités ne sont à l’origine que de 20 % des dépôts annuels à l’OEB. C’est finalement assez peu, puisque ces entités sont souvent à l’origine d’innovations de rupture et représentent la majorité des demandeurs.
Par ailleurs, si la recherche universitaire est à l’origine de 10 % des inventions en Europe, la moitié de ces demandes est déposée par un petit nombre d’universités de premier plan[1], preuve d’une forte concentration de l’innovation académique.
Incitations plus fortes en faveur du privé et financement public accru
Comment pousser les acteurs du monde de la recherche et de l’innovation à breveter leurs inventions ? Le rapport de Mario Draghi proposait d’apporter un soutien financier spécifique aux PME, afin de les aider à protéger leurs innovations.
En accord, avec lui, le président de l’OEB estime qu’il faut « davantage d’investissements mieux ciblés, ce qui passe par des incitations plus fortes pour le secteur privé et par un financement public accru dans des domaines technologiques stratégiques. »
António Campinos se félicite d’ailleurs de l’élargissement, en avril 2024, de la politique de l’OEB en faveur d’une « réduction générale des taxes de 30 % aux micro-entités, centres de recherche et universités. »
Le système du brevet unitaire : un guichet unique qui permet des économies importantes
A. Campinos rappelle également les avantages du nouveau système de brevet unitaire, lancé en juillet 2023, qui « simplifie radicalement la protection par brevet dans les États participants grâce à une procédure de demande unique » et permet surtout aux entreprises d’éliminer les coûts de maintien d’un brevet dans plusieurs États !
Le directeur de l’OEB déplore néanmoins que tous les États membres n’aient pas adopté le dispositif[2]. Ces économies, pourraient pourtant « atteindre 82 % si les 27 États membres de l’UE suivent la recommandation du rapport Draghi et rejoignent le système du brevet unitaire. »
Enfin, ce système permet aussi d’autres gains indirects « en évitant les taxes prélevées par les offices nationaux, les coûts de traduction et les frais juridiques. »
[1] L’Université Grenoble Alpes, l’Université Technique de Munich, l’Université d’Oxford, l’Institut fédéral suisse de Technologie ETH Zurich, l’Université de Copenhague et l’école Polytechnique de Milan
[2] En 2025, seuls 18 États membres de l’Union européenne participent activement au système de brevet unitaire et à la Juridiction unifiée du brevet (JUB)









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