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Une horloge nucléaire pourrait éclaircir un des plus grands mystères de l’Univers

Posté le par Aliye Karasu dans Innovations sectorielles

Une méthode novatrice pourrait bien ouvrir la voie à la compréhension de l'énigmatique matière noire. Des chercheurs émettent l'hypothèse qu'une horloge nucléaire utilisant les noyaux atomiques du thorium-229 comme détecteurs ultra-sensibles pourrait permettre de dévoiler cette face cachée de l'Univers.

L’insaisissable peut-il être détecté ? La question mérite d’être posée au sujet de la matière noire, cette substance invisible qui influe sur la matière visible. Son rôle est indéniable puisqu’elle représente environ 80 % de la masse de l’univers et qu’elle est essentielle dans la formation des galaxies. Sa nature et ses propriétés demeurent néanmoins indéterminées du fait de ses interactions incroyablement subtiles. Son étude, cruciale pour la compréhension structurelle de l’univers, est rendue difficile par son inaccessibilité. La détection directe restant hors de portée, les scientifiques élaborent des tentatives de détections indirectes.

Parmi celles-ci, une technique innovante semble prometteuse : le développement d’une horloge nucléaire basée sur l’isotope radioactif thorium-229. En exploitant la précision extrême de cette horloge, l’influence de la matière noire pourrait se révéler indirectement via l’étude de ses effets subtils sur la matière ordinaire.

L’horloge nucléaire : plus précise que l’horloge atomique

L’horloge atomique classique s’appuie sur la fréquence de résonance[1] des électrons ; c’est l’instrument de mesure le plus précis utilisé actuellement. Mais ces électrons restent vulnérables aux interférences électriques extérieures, ce qui limite leur capacité à détecter des forces subtiles comme celles de la matière noire. Les noyaux des atomes, en revanche, sont beaucoup moins sensibles à de telles perturbations.

Cette stabilité est mise à profit pour concevoir l’horloge nucléaire en utilisant les transitions d’énergie à l’intérieur même du noyau atomique : le temps est mesuré par le « balancement » du noyau entre les états quantiques. La précision inégalée des mesures permet de détecter d’infimes variations de la matière ouvrant ainsi la voie à l’étude de phénomènes physiques inaccessibles.

Pour effectuer les mesures, c’est le thorium-229 qui a été sélectionné pour une de ses propriétés remarquables. En effet, alors que dans la plupart des matériaux les transitions nucléaires se font à des fréquences très élevées, le thorium-229 présente l’avantage d’avoir un état d’excitation exceptionnellement bas. Il peut donc être manipulé par technologie laser en utilisant le rayonnement ultraviolet.

Détection d’une force 100 millions de fois plus faible que la gravité

Comment mesurer la fréquence de résonance du thorium-229 pour construire une horloge nucléaire ? L’année dernière un groupe de l’Institut national allemand de métrologie ainsi qu’une équipe de l’Université du Colorado sont parvenus à obtenir des avancées majeures dans la précision des mesures. En partant de cette découverte et par une sorte d’émulation, des chercheurs en physique théorique, dirigés par le professeur Gilad Perez de l’Institut Weizmann des Sciences, ont envisagé l’hypothèse que la détection d’infimes variations du spectre d’absorption du thorium-229 pourrait révéler l’influence si discrète de la matière noire. En effet, si les oscillations de la matière noire influencent la masse des noyaux atomiques, elles devraient perturber la fréquence de résonance d’une horloge nucléaire. En collaboration avec l’équipe allemande, l’équipe du professeur Perez a publié une étude dans la revue Physical Review X proposant une méthode pour détecter ces décalages qui pourraient être liés à la présence de la matière noire. Pour saisir le degré de précision sans précédent obtenu, il faut imaginer que ces mesures pourraient détecter l’action subtile de la matière noire même si elle était 100 millions de fois plus faible que la gravité !

Ce capteur passif reste théorique car il n’existe pas encore de prototype fonctionnel. Si ces travaux aboutissent, ils pourraient offrir un large éventail d’applications technologiques dépassant la cosmologie, comme la navigation ou la communication.


[1] Une oscillation maximale est observée lorsqu’une force extérieure correspond à la fréquence naturelle du système

Pour aller plus loin

Posté le par Aliye Karasu

Les derniers commentaires

  • Article très intéressant, passionné moi même par l’astronomie en ce moment où on ne sait plus vraiment si la matière noire est vraiment responsable de l’évolution à grande échelle du cosmos ni sous quelle forme elle existe; voir un moyen de ce type qui permettrait peut être de trancher sur sa réalité via une mesure de laboratoire….c’est assez élégant et à suivre pour connaitre la suite de cette « aventure ».


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