Après la seconde guerre mondiale, un grand besoin d’infrastructures est apparu. Face au défi de la reconstruction, les pouvoirs publics se sont tournés vers les architectes et ingénieurs en génie civil qui ont dû apporter des réponses rapides. Dans ce contexte, les réponses apportées n’ont parfois pas pleinement intégré les notions de durabilité des ouvrages de génie civil. Aujourd’hui, l’ensemble de ces infrastructures constitue un héritage et un patrimoine dont les fonctionnalités en service doivent être maintenues.
À titre d’exemple, on peut mentionner les ouvrages d’art ou encore les ponts rails utilisés par l’ensemble des usagers des réseaux routier et ferroviaire. Or, comme il en est fait état dans le rapport d’information du Sénat , les gestionnaires d’ouvrages ont fait état d’importants signes d’endommagement causés par l’interaction entre l’environnement extérieur et les matériaux constitutifs des ouvrages existants. Leur durabilité en est nettement affectée, pouvant conduire parfois à une perte d’aptitude au service, voire jusqu’à une perte de sécurité structurale. Une des causes majeures responsables de cette perte de performance a été identifiée comme étant la corrosion des armatures présentes dans le béton armé. Ce phénomène est susceptible de se développer soit par carbonatation, soit par pénétration des ions chlorures dans le béton d’enrobage. C’est alors que des produits de corrosion, encore appelés rouille, apparaissent. Leur formation, puis leur expansion, génèrent des contraintes de traction qui, dès que la résistance en traction du béton est dépassée, entraînent l’apparition de fissures. D’un point de vue pratique, dès que les premières fissures sont remarquées à la surface du béton, la corrosion a généralement atteint un stade avancé et des actions de maintenance correctives doivent être lancées. Cela occasionne des coûts importants .
Ainsi, l’évolution des conséquences mécaniques associées au développement de la corrosion des armatures du béton armé se pose dans le cas des ouvrages existants. De plus, si l’on se réfère au retour d’expérience acquis depuis les années 1950, pour les ouvrages neufs, quelle que soit leur nature, ce point doit être pris en compte (conception, surveillance en service, maintenance). Apporter des éléments de réponse en vue d’anticiper au mieux les conséquences de cette pathologie présente donc des enjeux importants. Pour cela, de nombreux travaux ont été réalisés au sein des communautés scientifiques nationales et internationales. A titre d’exemples, on peut citer les projets APPLET , EvaDéOS ou encore MODEVIE soutenus par l’Agence Nationale de la Recherche. Ces travaux ont pour objectifs, d’abord de comprendre les mécanismes physico-chimiques responsables de l’apparition et du développement de la corrosion des armatures dans le béton armé, et ensuite de proposer des stratégies de modélisation pour décrire et prédire les conséquences mécaniques de ce phénomène. Ainsi, des outils de modélisation et de description ont fait l’objet de nombreux développements pour :
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d’une part, prendre en compte l’état vieilli dans un modèle numérique ;
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d’autre part, évaluer les fonctions de performance caractéristiques des états limites en service ou ultimes.
Cet article vise à présenter des éléments de connaissance relatifs à l’évaluation du comportement d’éléments de structure en béton armé en présence de corrosion des armatures. En premier lieu, les principaux mécanismes responsables de l’initiation et du développement du phénomène de corrosion des armatures sont rappelés. Comprendre avec précision ces phénomènes est nécessaire, non seulement pour élaborer des stratégies correctives, mais aussi pour être en mesure d’en tenir compte lors de l’évaluation de la durée de vie des ouvrages concernés. En particulier, une attention spécifique sera apportée à l’identification des conséquences mécaniques du phénomène de corrosion, aussi bien à l’échelle locale qu’à l’échelle de la structure. Les premiers signes à l’échelle locale peuvent parfois permettre au gestionnaire d’ouvrages de mettre en place des stratégies de maintenance corrective légères, évitant ainsi des interventions plus lourdes susceptibles d’engendrer la mise hors service temporaire d’un ouvrage. En second lieu, les principales stratégies de modélisation existantes sont présentées : des plus simplifiées aux plus sophistiquées.
À ce stade, seul le cas des ouvrages existants est considéré, le principal objectif des approches de modélisation étant l’évaluation des marges à un instant donné. Les cadres d’application de chacune des approches de modélisation sont explicités et les apports et les lacunes de chacune d’entre elles sont exposés.
Pour terminer, un exemple d’évaluation structurale est proposé à l’aide de deux approches distinctes.