L’ensemble des ferromagnétiques « doux », cristallins ou non, sont des constituants essentiels de presque tous les dispositifs électriques ou électroniques de notre civilisation moderne. Ils ont pour rôle principal d’amplifier et/ou canaliser le flux magnétique produit par un courant ou un aimant. Le marché actuel de ces matériaux peut être divisé en quatre grandes familles :
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(a) les aciers électriques (essentiellement les alliages Fe-3 %Si) ;
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(b) les alliages fer-nickel et fer-cobalt ;
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(c) les ferrites doux ;
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(d) les alliages métalliques amorphes et nanocristallins.
L’intérêt économique de ces matériaux est à l’image de leurs productions mondiales annuelles. Par exemple, la famille (a) peut être scindée en deux : les tôles Fe-Si à grains orientés (GO) avec une production mondiale de 2 Mt/an surtout utilisée pour la fabrication des transformateurs de distribution, et les tôles non orientées (NO) avec une production de 11 Mt/an utilisée principalement dans la réalisation des machines électriques. La production des matériaux des familles (b) et (c) est de l’ordre de quelques dizaines de kt/an et 1 à 2 Mt/an avec une utilisation importante en électronique. Une estimation raisonnable du tonnage mondial des matériaux de la famille (d), qui nous intéressent ici, était de 20 kt/an en 1997 et serait de l’ordre de 300 à 600 kt/an en 2023 pour les nanocristallins avec une prévision de croissance de 10 % par an soit autour de 1 Mt/an en 2033, et d’environ 1 Mt/an pour les amorphes avec une prévision de croissance de 6 % soit un peu moins de 2 Mt/an en 2033.
Ces matériaux (d) peuvent être obtenus par divers procédés, nous nous intéresserons ici à ceux préparés sous forme de rubans par solidification rapide d’un liquide. Le produit sera amorphe c’est-à-dire que les atomes le constituant ne présentent pas d’ordre à grande distance. Pour certaines compositions atomiques particulières, il sera possible par une cristallisation contrôlée de l’alliage amorphe d’obtenir des matériaux biphasés comportant une phase nanocristalline incluse dans une matrice qui reste amorphe. Les matériaux amorphes et nanocristallins présentent une faible anisotropie magnétique qui peut être adaptée aux applications visées par des traitements thermiques post-trempe. Leurs propriétés magnétiques sont remarquables : un faible champ coercitif, de fortes perméabilités (d’impédance ou initiale), de faibles pertes électromagnétiques et une facilité à maîtriser les propriétés par les traitements thermiques. Suivant leurs compositions, ces alliages ont des aimantations à saturation comprises entre 0,5 et 1,7 T avec des valeurs de la magnétostriction qui peuvent être voisines de zéro jusqu’à atteindre 35 × 10−6.
Ce grand éventail de propriétés magnétiques fait que ces matériaux peuvent, pour certaines applications, rentrer en concurrence avec les trois autres catégories de ferromagnétiques doux (a, b, c). Ils sont en effet utilisables dans un large spectre de fréquences qui va du continu jusqu’à 1 MHz environ. Dans le domaine des basses fréquences, on peut citer : les transformateurs de distribution de moyenne puissance et les inductances ; pour les fréquences plus élevées, les composants magnétiques pour l’électronique de puissance.
De nombreuses autres applications existent : blindage magnétique, capteurs variés… Si l’on se place d’un point de vue économique, on peut dire schématiquement que les amorphes et nanocristallins sont plus chers que leurs concurrents aciers ou ferrites, mais qu’ils deviennent intéressants si la supériorité de leurs propriétés permet de diminuer le volume du composant, ou à partir du moment où les pertes produites pendant l’utilisation deviennent un critère primordial. L’évolution à la hausse du prix de l’énergie est donc un facteur très favorable au développement de ces matériaux.