Les « matériaux magnétiques doux cristallins » font l'objet de trois dossiers [D 2 121], [D 2 122] et [D 2 123]. Le présent dossier [D 2 121] introduit les bases de magnétisme et de métallurgie appliquées aux matériaux métalliques ferromagnétiques cristallins, nécessaires à la compréhension des différents phénomènes affectant ces matériaux dans leurs applications électrotechniques. Ce dossier laisse notamment une grande place aux grandeurs et mécanismes liant les caractéristiques physiques et métallurgiques aux grandeurs magnétiques macroscopiques, pertinentes dans la conception et l'analyse des dispositifs électromagnétiques. Sur cette base, les dossiers suivants passent en revue les principaux domaines d'application intéressants ces matériaux dans un but d'aide au choix des matériaux [D 2 122], ainsi que les différentes familles de matériaux doux cristallins [D 2 123].
Aperçu historique
Le magnétisme a interpellé l'homme depuis des millénaires, déjà à Sumer, en Égypte ou en Chine, puis en Grèce au 1er millénaire avant JC, mais il a vraiment fallu attendre la fin du XIXe siècle et l'arrivée de l'électricité pour que le magnétisme et ses applications se développent considérablement. L'avènement du Génie électrique, il y a plus d'un siècle s'est accompagné dès le commencement, du développement des « noyaux magnétiques » tout à la fois concentrateur et amplificateur de champ magnétique, rapidement feuilletés pour plus d'efficacité et moins d'échauffement. Ces « noyaux » se sont vite retrouvés :
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alliés au silicium (années 1900) pour réduire encore les « pertes fer » ;
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alliés au cobalt (années 1920) pour accroître encore l'induction, le couple, la tension électrique de sortie ;
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alliés au nickel (années 1920) pour réduire significativement les anisotropies magnétiques internes et obtenir ainsi des alliages beaucoup plus doux.
La première moitié du XXe siècle verra ainsi naître les grandes familles de matériaux magnétiques doux cristallins tandis que la 2e partie du siècle verra des améliorations majeures de ces matériaux :
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grâce aux progrès d'élaboration et de propreté interne du métal ;
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grâce aux optimisations métallurgiques de microstructure ;
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grâce aux optimisations des caractéristiques d'emploi vis-à-vis des besoins applicatifs mieux compris.
Outre le cas majeur des aciers FeSi à grains orientés (fin des années 1940) pour transformateur de distribution, ces différentes familles de matériaux polycristallins (Fer pur, FeSi-Al, Fe-Cr, Fe-Ni, Fe-Co, maraging, alliages semi-rémanents, aciers spéciaux...) se perfectionnent et se diversifient à la fois tirées par la demande, l'exigence de Qualité des industriels consommateurs du Génie électrique, et poussées par l'émergence d'autres grandes familles de matériaux magnétiques doux qui les obligeront à se limiter très principalement aux applications en courant continu ou basses à moyennes fréquences (50 Hz à quelques kHz), c'est-à-dire le plus gros du marché des matériaux magnétiques en tonnage (très loin devant les ferrites et aimants).
Cette première vague de matériaux magnétiques doux s'est adaptée par nécessité aux évolutions des besoins applicatifs :
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efficacité énergétique ;
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recyclage ;
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taux de distorsion harmonique ;
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évacuation de la chaleur aux dépens de pertes minimisées ;
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alimentation par des ondes de courant « hachées » ;
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extrême concurrence sur les prix sur les marchés depuis les années 1980 ;
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besoins complémentaires de plus en plus pressant de protection aux sollicitations ou agressions extérieures telles que tenue à la corrosion, résistance mécanique, tenue thermomagnétique au vieillissement.
Accompagnés par l'activité de normalisation, les matériaux magnétiques cristallins ont évolué tout au long du dernier siècle, parfois significativement :
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conduisant à des perfectionnements continus dans un leitmotiv permanent de recherche de solution-matériau toujours plus économique ;
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amenant à des innovations pour s'adapter aux nouveaux besoins applicatifs dans un contexte d'utilisation d'outils de modélisation électromagnétique maintenant mature ;
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poussant les dimensionnements en matériau au plus juste en taille et masse, les faisant fonctionner encore plus qu'avant en limite de zones critiques de fonctionnement (régime fréquentiel, température, approche à saturation, fonctionnement sous contrainte).
Dans la 2e moitié du XXe siècle, d'autres grandes familles de matériaux magnétiques doux émergent de façon concurrente aux « cristallins » :
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les ferrites doux dans les années 1950 trouvant très vite leur place dans les applications de masse et de niche aux moyennes et hautes fréquences ;
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les amorphes magnétiques dans les années 1970 se faisant difficilement une place entre « cristallins » et ferrites dans les transformateurs d'énergie basse fréquence ou dans certains composants magnétiques passifs, certains capteurs ;
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enfin, les alliages nanocristallins – principalement FeCuNbSiB – en fin des années 1980 qui se placent assez rapidement depuis la fin des années 1990 dans les transformateurs et inductances spéciaux (disjoncteurs différentiels, selfs de mode commun, antiparasitage, filtrage, coupleur CPL, transpondeur, etc).
Cette 2e vague de matériaux magnétiques doux ne correspond pas à des matériaux polycristallins (au sens métallurgique) et les moyens de production utilisés tels que frittage, trempe sur roue, atomisation dessinent des filières de R et industrielles très différentes de la métallurgie traditionnelle des « cristallins » (élaboration en lingot ou brame puis transformations à chaud et à froid), ce qui donne un ultime argument pour traiter ces matériaux non cristallins dans des articles spécifiques. À noter que les aimants bien sûr, mais aussi les matériaux pour enregistrement magnétique, les matériaux supraconducteurs, les matériaux magnétocaloriques, les matériaux à grande magnétostriction, magnétorésistance, magnéto-impédance, ou encore mémoire de forme ne sont pas considérés ici comme « matériaux magnétiques doux » et sont traités dans d'autres dossiers.