La gare constitue un espace public très particulier de la géographie contemporaine. C’est un point où se croisent les axes de mobilité qui traversent nos territoires, où se rencontrent les foules en transit, un creuset de sociabilité, un « hyper-lieu », pour reprendre l’expression du géographe Michel Lussault, qu’il attribue aux espaces de concentration des individus, aux espaces de densité, de diversité. S’il existe en effet un endroit où s’incarne le vivre ensemble, grand mot d’ordre politique d’aujourd’hui, c’est bien la gare, où l’on se frotte aux autres, qu’on le veuille ou non. Espaces clefs de la vie quotidienne et de la ville, la gare et son quartier sont redevenus aujourd’hui, après une longue éclipse au cours du XXe siècle, l‘objet de toutes les attentions, aussi bien des concepteurs que des pouvoirs publics.
Mais qu’est-ce réellement qu’une gare à notre époque ? Et vers quel modèle est-elle en train d’évoluer ? En cheminant à travers l’histoire de ces lieux fascinants, en évoquant leurs variations typologiques dans le temps et dans l’espace, cet article met en exergue les enjeux fonctionnels et urbains qui les caractérisent et esquisse la méthodologie de conception, technique et spatiale, qui répond à ces enjeux.
La conception des gares y est abordée sous l’angle du croisement de plusieurs disciplines : l’histoire dont il faut tirer les leçons, la sociologie qui qualifie le contexte culturel du projet, l’urbanisme qui caractérise la gare dans un système urbain, l’ingénierie des flux qui justifie le dimensionnement des espaces, les études techniques dans les domaines des transports et du bâtiment, l’architecture, enfin, qui assure la synthèse des études et propose une organisation des espaces propre à assurer la pérennité, le bon fonctionnement et l’agrément des lieux. Vitruve dirait qu’on doit remplir les trois qualités de firmitas, utilitas, et venustas ; autrement dit un projet solide, utile et beau (traité De architectura écrit vers – 15 et dédié à l’empereur Auguste).