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RÉSUMÉ
Cet article montre comment l’accompagnement à la recherche participative s’est structuré autour du dispositif « tiers-veilleurs », une fonction d’intermédiation entre acteurs académiques et société civile qui s’est installée peu à peu en France par l’entremise de quelques programmes de recherche et par l’association Sciences citoyennes. Le tiers-veilleur apparaît d’abord comme une émanation d’une histoire institutionnelle de la recherche participative. Puis il s’affirme au travers d’une identité professionnelle aux contours encore flous, qui est parcourue par des enjeux organisationnels, épistémologiques et politiques.
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Lire l’articleAuteur(s)
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Claire BROSSAUD : Docteur en sociologie - Fondatrice de la société Social Transfert (Accompagner la recherche et l’innovation coopérative), Lyon
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Cyril FIORINI : Doctorant au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Laboratoire Histoire des technosciences en société (HT2S) - Coordinateur de projets à l’association Sciences Citoyennes, Paris
INTRODUCTION
Que ce soit dans l’industrie ou les services publics, l’accompagnement à la participation est déjà établi dans de nombreux secteurs d’activités. La recherche s'est emparée de ce champ en même temps que se développent des pratiques de collaboration croissantes entre chercheurs et acteurs de la société civile organisée qui bénéficient d’un soutien manifeste des institutions d’une part, et que des projets scientifiques en environnement pluridisciplinaires mobilisent de plus en plus de partenaires techniques (agriculteurs, forestiers, énergéticiens, etc.) d’autre part. La notion de « tiers-veilleur » est apparue en France au sein du programme REPERE instauré en 2009 par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie autour d’un besoin de réflexivité, d’observation et de capitalisation de l’expérience de collaboration entre acteurs et chercheurs. Elle s’est étendue ensuite au dispositif CO3 (Co-Construction de Connaissances) dans le but d’accompagner plus particulièrement le caractère co-construit des projets de recherche à chacune de leurs étapes. Ces deux expérimentations ont contribué à structurer des pratiques d’accompagnement en recherche participative. Partant du constat d’une diffusion progressive de ces pratiques, cet article se propose d’en tirer un certain nombre d’enseignements et de mises en perspective.
L’analyse s’appuie sur l’implication des auteurs dans la mise en œuvre et dans le fonctionnement du dispositif tiers-veilleur. Il ne s’agit pas ici de présenter des résultats de recherche, mais plutôt de livrer un témoignage éclairé à deux voix et d’ouvrir des questionnements sur des enjeux sociaux, politiques, épistémologiques et économiques relatifs à l’accompagnement à la recherche participative dans un contexte français, élargi par endroits à la francophonie. En sa qualité de « témoin », Claire Brossaud a contribué au mouvement des communs de la connaissance avec l’association VECAM dans les années 2000, association qui a coordonné avec Sciences Citoyennes le Forum Social Mondial « Science et démocratie » en 2009. Elle est co-fondatrice à Lyon du tiers-espace Coexiscience – Coopérer et expérimenter autrement la Science. Elle a accompagné plusieurs projets de « recherches communautaires » et participatives dont trois en tant que tiers-veilleuse sur CO3. Cyril Fiorini est collaborateur de Sciences Citoyennes, chargé de coordonner le dispositif tiers-veilleur au sein de l’association dans le cadre du programme CO3. Il pilote le suivi des accompagnements. En tant que doctorant en Sciences, Techniques, Société et rattaché au laboratoire HT2S du CNAM, il fut membre du comité scientifique constitué dans le cadre du projet « Le tiers-veilleur : un acteur de la recherche participative » avec la Fondation de France et Sciences Citoyennes à partir de 2016. La matière première de ce récit est constituée de plusieurs expériences en immersion, parmi lesquelles l’accompagnement des projets eux-mêmes, la participation aux instances de pilotage de CO3, l’inclusion dans divers ateliers transversaux réunissant des tiers-veilleurs, la mise en place de modules de formation-action, la rédaction et la lecture de notes de synthèse, etc. Les expériences des auteurs dans cet environnement constituent des matériaux empiriques permettant de dérouler ensuite des récits qui structurent l’analyse du dispositif tiers-veilleur dans trois directions.
Dans une première partie, nous rendons compte des conditions d’émergence de la notion de « tiers-veilleur » à travers une lente évolution historique de la recherche participative où se dessine progressivement un besoin d’accompagnement des acteurs de la société civile et des chercheurs engagés dans des processus de production conjointe de savoirs. Ce chapitre laisse libre cours aux travaux menés par l’association Sciences Citoyennes en faveur du développement du dispositif tiers-veilleur : ses conditions d’énonciation, sa démarche, ses leviers opérationnels.
Une deuxième partie s’intéresse aux rôles et identités professionnelles du tiers-veilleur dans le dispositif CO3, d’où découle une réflexion sur les processus d’intermédiation à l'œuvre dans la pratique de recherche. Nous nous situons entre institutionnalisation et professionnalisation d’une activité en cours qui engage des besoins de compétences, de formations et de normalisation propres à l’accompagnement en recherche participative.
Dans une troisième partie nous interrogeons le contexte de production de l’activité du tiers-veilleur à travers un regard porté sur sa relation aux bailleurs et à la commande de recherche. L’argumentation se veut ici plus politique. Les modalités d’intervention du professionnel précité sont abordées dans leurs cadres institutionnels et organisationnels. Elles sont dépendantes des contextes réglementaires des programmes, de l’obligation ou non d’avoir une mission d'accompagnement et des temporalités des financements. Enfin, la définition de la place du tiers-veilleur par les politiques publiques entraîne des effets sur la légitimité de son action au sein des collectifs de recherche, et notamment sur la symétrie des savoirs qu’il est censé préserver dans la relation acteurs-chercheurs.
Nous clôturons enfin notre propos sur les effets de bords induits par ce type d’accompagnement au sein des collectifs en resituant la fonction de tiers-veilleur dans un jeu d’équilibre difficile à tenir entre sciences et société.
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1. Éléments de cadrage historique et méthodologique
1.1 L’institutionnalisation des pratiques de recherche participative
Les pratiques de recherche scientifique impliquant des acteurs non scientifiques ont parcouru l’histoire des sciences. Certains secteurs d’activité comme l’astronomie, l’économie du développement, les sciences naturalistes ainsi que tous les courants pragmatiques des sciences humaines et sociales provenant notamment du monde anglo-saxon, pour ne citer que ces exemples, ont largement contribué à leur développement. Elles s’observent sous différentes formes plus ou moins consacrées (recherche-intervention dans les années 1950, recherche communautaire dans les années 1970), puis elles s’intensifient dans les années 1990 sous l’effet conjugué de plusieurs facteurs. On assiste tout d’abord à une implication de plus en plus forte des sciences et techniques dans l’économie de la connaissance, laquelle fait advenir peu à peu une exigence d’éthique et de responsabilité sociale et environnementale vis-à-vis de la recherche. Parallèlement, l’essor du numérique, au travers des sciences ouvertes, permet progressivement de s’approprier des données ou des publications qui étaient autrefois inaccessibles, stimulant ainsi une fabrique relativement autonome des savoirs. Enfin, depuis la fin du XXe siècle, le domaine scientifique et technique, à l’instar des politiques relatives à d’autres champs sociaux, a connu un « tournant » participatif significatif . Le monde industriel s’est également saisi de ce mouvement d’abord au travers de l’open innovation dans les années 1980, puis de l’innovation participative trois décennies plus tard, avec le design comme outil de médiation...
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BIBLIOGRAPHIE
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(1) - PESTRE (D.) - Des sciences, des techniques et de l’ordre démocratique et participatif. - Participations, vol. 1, n° 1, pp. 210-238 (2011).
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(3) - CHARVOLIN (F.) - Pense-bêtes, astuces et recettes de jardiniers-observateurs de papillons. Retour sur une science citoyenne. - Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 7, n° 2, pp. 485-500 (2013).
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(4) - BONNEUIL (C.) - Les transformations des rapports entre sciences et société en France depuis la Seconde Guerre mondiale : un essai de synthèse. - in LE MAREC (J.) et BABOU (I.) (Dir.), Actes du colloque Sciences, médias et société, ENS-LSH, Lyon, pp. 15-40 (2005). https://sciences-medias.ens-lsh.fr/IMG/pdf/actes.pdf
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(5) - EPSTEIN (S.) - La Grande révolte des malades. Histoire du sida 2. - Les...
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