À l'échelle mondiale, environ 70 % de l'acier produit est issu du traitement de minerais et de charbons par la filière haut fourneau-convertisseur à l'oxygène, alors que 30 % sont produits à partir de ferrailles recyclées au four électrique. Des disparités importantes existent entre les régions du globe, ainsi en Europe le ratio est plutôt dans le rapport 60/40.
Des progrès considérables ont été réalisés dans la connaissance et la maîtrise du haut fourneau, qui ont entraîné une réduction remarquable de ses besoins énergétiques, de l'ordre de 50 % au cours des quarante dernières années en Europe. Dans leur fonctionnement actuel, les hauts fourneaux les plus performants fonctionnent dans des conditions proches de l'optimum théorique de consommation énergétique. D'une manière générale, les technologies utilisées présentent un haut degré de maturité et font largement appel à des outils sophistiqués en matière d'instrumentation, de systèmes d'information et de modélisation numérique. Au cours des vingt dernières années, la tendance générale a été de concentrer la production de fonte sur un nombre restreint de hauts fourneaux de grande taille fonctionnant à forte productivité avec une fiabilité remarquable et sur une durée de vie excédant 20 à 25 ans.
Le haut fourneau est confronté à de nouveaux défis, essentiellement de trois ordres : sur le plan environnemental, avec sa production élevée de CO2, inhérente au principe même donnant une large part à la réduction des oxydes de fer par le carbone ; sur le plan énergétique, avec la nécessité de flexibiliser les sources d'énergie en fonction des disponibilités ; sur le plan des matières premières, avec le besoin de s'adapter à la dégradation générale de la qualité des minerais et charbons et aux larges fluctuations de prix et de demande du marché.
Deux types de réponses ont été étudiés pour répondre à ces nouveaux défis. D'une part de nombreux procédés de « réduction-fusion » capables de traiter directement le charbon et le minerai sans préparation poussée [M 7 550] ont été imaginés, mais peu ont été industrialisés et leur part dans la production mondiale reste marginale. D'autre part, des adaptations du procédé du haut fourneau sont étudiées, avec l'objectif de réduire la production de CO2, par exemple la décarbonatation du gaz de gueulard et son recyclage dans le haut fourneau (projet ULCOS en Europe), l'utilisation massive d'hydrogène comme agent réducteur, le haut fourneau à oxygène ou le haut fourneau à basse température de zone de réserve au Japon. Tous ces développements restent encore à l'état de projets de recherche à l'échelle du laboratoire ou du pilote.
Cet article présente les principes généraux de fonctionnement du haut fourneau tels qu'ils sont établis à partir des bases théoriques décrites dans l'article [M 7 400]. Les aspects technologiques et la pratique opératoire sont présentés dans les deux articles [M 7 410] et [M 7 411]. Dans l'ensemble de ces articles, seule est considérée la fabrication de fonte d'affinage destinée à être transformée en acier dans la filière de fabrication des aciers au carbone. La fabrication des fontes spéciales, des fontes de moulage, du ferromanganèse ainsi que les fours à zinc et plomb est laissée de côté.
Cet article aborde les points suivants :
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le fonctionnement de la cuve du haut fourneau sous la forme de deux échangeurs thermiques et chimiques superposés et séparés par une zone de réserve thermique, et la modélisation associée sous la forme du bilan étagé ; ces phénomènes ont un impact direct sur les besoins thermiques ;
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le fonctionnement de la zone des tuyères, où est produite l'énergie nécessaire au procédé, ainsi que la problématique de l'injection massive de charbon pulvérisé ; ces phénomènes jouent un rôle majeur dans la performance économique du haut fourneau ;
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le fonctionnement du creuset et les phénomènes d'écoulement de liquides et de vidange, qui ont un impact sur la qualité de la fonte et la durée de vie du haut fourneau ;
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l'état de l'art en matière de modélisation globale de l'ensemble du fonctionnement du haut fourneau en 2D et 3D par des techniques numériques avancées
La bonne compréhension de cet article nécessite la lecture préalable de l'article [M 7 400].
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions importants de l’article, ainsi qu’un tableau des notations et symboles utilisés.