La technique d’imagerie par contraste de canalisation des électrons (en anglais ECCI pour Electron Channelling Contrast Imaging), mise en place dans un microscope électronique à balayage (MEB), permet de révéler des défauts cristallins tels que des dislocations ou des défauts d’empilement proches de la surface d’un échantillon massif. Cette technique est la conséquence directe de l’observation fortuite d’une modulation d’intensité, sous forme de bandes délimitées par des lignes sombres, sur une micrographie collectée sur un monocristal de GaAs et enregistrée sur un détecteur d’électrons rétrodiffusés par Coates en 1967.
Il s’agit en réalité d’un diagramme de canalisation nommé également « pseudodiagramme de Kikuchi » ou « ECP » pour Electron Channelling Pattern. L’extrême sensibilité de ce diagramme à l’orientation du cristal par rapport au faisceau d’électrons incidents constitue à la fois un grand avantage mais également un inconvénient. L’avantage est que cet ECP peut apporter des informations précises sur l’orientation du cristal dans le repère du microscope ou révéler même de très faibles désorientations entre deux cristaux.
Au voisinage de l’incidence de Bragg pour une famille donnée de plans hkl, l’intensité rétrodiffusée par un cristal parfait varie brutalement et passe par un minimum correspondant à la canalisation des électrons quand l’angle d’incidence augmente légèrement. C’est ainsi qu’un cristal imagé sous cette condition d’incidence présentera un rendement en électrons rétrodiffusés minimal. La présence d’un défaut comme une dislocation qui produit en son voisinage une distorsion du réseau va induire une forte variation d’intensité contrastant le défaut. L’ECCI repose sur ce phénomène. Il faut donc disposer au sein d’un microscope à balayage d’un moyen très précis de contrôle de l’orientation du cristal par rapport au faisceau primaire pour pouvoir mener des expériences ECCI. L’ECP dont la résolution spatiale est millimétrique ne peut être réalisé que sur un monocristal. Pour mener ce type d’expérience sur des polycristaux, il faut pouvoir réaliser des ECP sur une zone réduite par précession du faisceau d’électrons (diagrammes nommés « SACP » pour Selected Area Channelling Pattern). Et c’est l’inconvénient majeur de cette technique.
Depuis l’observation de Coates (1967), des solutions ont été proposées pour pallier cette difficulté. Les colonnes électroniques ne cessent d’évoluer et les détecteurs sont plus sensibles. La résolution spatiale des SACP s’est améliorée, ouvrant la voie à des caractérisations ECCI plus précises dans les polycristaux à grains fins, comme cela sera détaillé dans cet article. Parmi les avantages de la technique, la possibilité de procéder à des caractérisations de défauts successives dans différentes zones de l’échantillon massif pour une meilleure statistique comparée à la microscopie électronique en transmission. De même, il est possible de déterminer la nature de sous-joints de grain de faible désorientation ou de révéler des nanomacles. Les derniers développements concernent les essais in situ avec caractérisation fine du matériau avant et après déformation.
L’objectif de cet article est de présenter le principe et la mise en place de la technique ECCI dans un MEB. Pour aller au-delà de la simple observation d’un contraste de défaut par ECCI, i.e. sa caractérisation fine, les conditions de canalisation doivent être bien maîtrisées et, par conséquent, l’ensemble des éléments nécessaires à la conduite d’une expérience ECCI optimale sera détaillé en tenant compte entre autres des caractéristiques techniques des colonnes électroniques actuelles. L’application de l’ECCI en science des matériaux est illustrée par la caractérisation d’une dislocation, d’un dipôle de dislocations, d’un sous-joint de grain de très faible désorientation et de nanomacles grâce au couplage ECCI-EBSD (Electron BackScatter Diffraction). Une dernière application mettra en lumière l’apport de l’ECCI dans la compréhension du comportement viscoplastique d’une céramique.