Par les chiffres fournis par l’Institut National du Cancer, on apprend que le nombre de nouveaux cas de cancers de la peau a plus que triplé entre 1980 et 2012. Il est très vraisemblable que cette situation puisse s’expliquer par l’évolution des habitudes d’exposition au rayonnement ultraviolet (UV) qu’il soit d’origine naturelle (c’est-à-dire solaire) ou artificielle (c’est-à-dire par le biais de cabines UV), depuis une quarantaine années. Ces expositions constituent, en effet, le facteur le plus important en ce qui concerne le risque de développer ce type de cancer. Sur un plan médical, on distingue les carcinomes du mélanome. Ce sont les carcinomes qui sont les plus fréquents. Leur survenue a généralement lieu après l’âge de 50 ans, sur les zones découvertes du corps et ils sont le plus souvent imputés à une exposition au soleil excessive et chronique. Le mélanome cutané est, quant à lui, beaucoup plus rare que le carcinome mais il faut avoir présent à l’esprit qu’il s’agit du plus grave des cancers cutané, ceci étant dû à la formation de métastases. Entre 1980 et 2012, on estime qu’en France, 14 325 personnes ont été touchées par un mélanome et 1 773 en sont décédées, en 2015.
Aperçu historique
Les effets nocifs des expositions solaires vont mettre beaucoup de temps à être connus du grand public et même des scientifiques. On se rappelle, par exemple, qu’Auguste Rollier (1874 – 1954) convaincu par les travaux de son prédécesseur Finsen, ouvre, à Leysin, en Suisse, l’un des premiers centres d’héliothérapie, en 1903.
Les premiers produits de protection solaire (PPS) sont relativement récents et datent seulement des années 1930. Nous sommes alors dans l’euphorie des congés payés ; on ignore alors les effets nocifs du soleil sur la peau et on veut, avant tout, bronzer. Il est courant d’attribuer en grande partie la mode du teint bronzé à Coco Chanel. Il est plus probable que la belle Joséphine Baker, qui a été révélée, en 1925, dans un spectacle, dont elle est la vedette, « La Revue nègre », ait joué un rôle prépondérant. Différentes personnalités du monde artistique comme le poète Jean Cocteau vont raffoler du teint cuivré… et contribuer à faire la promotion de ce que l’on a pu appeler « les joies du bronzage », joies bien éphémères au regard des effets qui seront mis en évidence par la suite. Si l’on considère les préparations de cette époque, on constate qu’il s’agit de préparations bronzantes et les filtres les plus utilisés sont alors les dérivés de l’acide p-amino-benzoïque (PABA) et de l’acide tannique. Les formes galéniques sont extrêmement peu variées et on ne trouve quasiment que des huiles.
C’est durant la Seconde Guerre mondiale qu’est utilisé, pour la première fois, le Red Vet Pet (RVP) ou vaseline jaune obtenue par distillation du pétrole ; cette préparation, au demeurant fort simple (!) va faire partie de l’équipement de base du soldat en zone tropicale. Bien plus tard, William MacEachern et Otis Jillson célébreront le RVP comme le produit solaire idéal, très substantif et peu coûteux… Selon eux, une seule application serait capable de protéger totalement la peau des UV pendant une durée atteignant 20 heures sous un fort ensoleillement ! Il est permis d’en douter !
Au cours des années 1950, un certain nombre d’avancées scientifiques vont contribuer à l’acquisition de connaissances dans le domaine des PPS. En effet, en 1957, l’irradiation de lapins albinos permet de comparer l’efficacité des benzophénones à celle de l’acide p-amino-benzoïque ou de l’acide tannique.
Les années 1970 voient l’aboutissement d’un certain nombre de recherches visant à la mise au point de méthodes de détermination de l’efficacité des PPS. En effet, jusqu’à cette époque, les PPS n’afficheront pas d’indice. Ce n’est qu’en 1966, qu’a été établie la relation entre la dose minimale érythématogène, exprimée en μW.s.cm–2 et la longueur d’onde. C’est ce qui a permis par la suite le calcul du Sun Protection Factor (SPF), facteur qualifié aujourd’hui d’universel. Les premiers indices sont très bas (de l’ordre de 5 !), ce qui n’est plus concevable aujourd’hui.
Au fil du temps, des filtres UVB, des filtres UVA et des filtres à spectre large (couvrant les domaines UVA et UVB) sont synthétisés. Leur association dans des excipients adaptés permet d’atteindre de très hauts indices. On peut même dire que les indices vont littéralement « s’envoler », dans les années 1990, d’où la réglementation qui se met en place au début des années 2000 afin de limiter les valeurs affichées à 50+.
Des années 1930 aux années 2000, la formulation des PPS a donc évolué de manière considérable aboutissant, de nos jours, à la mise sur le marché de PPS, dans la grande majorité des cas, sûrs et efficaces.