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Interview

Certificats d’économie d’énergie : jusqu’à -80% d’aides en 2022

Posté le par Matthieu Combe dans Environnement

Alors que les prix de l'énergie battent des records en France, certaines aides à la rénovation vont baisser en 2022, notamment pour les plus modestes. Face à des objectifs peu ambitieux concernant le mécanisme des certificats d’énergies à partir de 2022, l’accompagnateur Hello Watt appelle à des mesures renforcées.

Les certificats d’économie d’énergie (CEE) constituent l’aide privée à la rénovation énergétique. Elles fonctionnent sur le principe du pollueur-payeur : l’État oblige depuis 2006 les entreprises qui mettent sur le marché des produits polluants, principalement les fournisseurs et distributeurs d’énergie (les « Obligés »), à aider les consommateurs dans leurs travaux d’économies d’énergie. Le système des CEE fonctionne par périodes de quatre ans. Depuis le 1er janvier 2022, nous passons de la période P4 à la P5, avec plusieurs évolutions.

Pour l’ensemble des Français, les aides de nombreux travaux d’isolation vont diminuer puisque les Coups de pouce liés aux combles perdus s’arrêtent fin juin 2022 et les nouveaux montants des fiches standardisées CEE liées à l’isolation des sols, des murs et des toitures-terrasses seront baissés d’au moins 25 % d’ici le printemps 2022.

L’entreprise Hello Watt accompagne gratuitement les particuliers tout au long de leurs projets de rénovation énergétique. Elle les aide à hiérarchiser les travaux, fournit des estimations de devis et du montant des aides. Elle les met ensuite en relation avec des artisans certifiés RGE choisis avec soin et s’occupe des dossiers administratifs d’aides. Selon Hello Watt, le reste à charge de certains travaux va bondir pour les familles très modestes, notamment si elles souhaitent entreprendre des travaux d’isolation extérieure. Gautier Villard, responsable du département Rénovation Énergétique chez Hello Watt, nous explique ces changements.

Techniques de l’Ingénieur : Vous évoquez une baisse des aides dans le cadre du dispositif des certificats d’énergie, à quoi est-elle due ?

Crédit photo : Axel Nasciment

Gautier Villard : Le principe des CEE est théoriquement vertueux car égalitaire entre tous les types de travaux : un kilowattheure (kWh) économisé par le consommateur correspond à un CEE, quels que soient les travaux d’économies d’énergie réalisés. Chaque CEE est ensuite valorisé sur le marché des CEE à un prix qui fluctue. Le montant final de la prime CEE pour le consommateur dépend donc du volume de CEE (défini par l’État par type de travaux) et du prix du CEE (dépendant de l’équilibre offre – demande, telle une place de marché).

En 2022, nous nous attendons à une réduction des primes CEE suite à la baisse conjuguée des deux facteurs : volume et prix. D’une part, l’État a décidé de réduire le volume de CEE créés par chaque type de travaux d’isolation. D’autre part, le prix du CEE baisse depuis un an. Début 2021, le prix du marché était à plus de 8 € par mégawattheure (MWh) alors qu’il atteint actuellement presque 6 €/MWh, et nous anticipons une légère baisse à venir dans les prochains mois. Ainsi, rien qu’avec la baisse des prix, un particulier obtient aujourd’hui 25 % d’aides en moins.

Cette baisse n’est pas la seule, vous dénoncez aussi la fin des Coups de pouce. Quel est l’impact sur les CEE ?

Les Coups de pouce font partie intégrante du mécanisme des CEE. Ces dernières années, l’État a voulu favoriser certains types de travaux et a donc accordé davantage de CEE pour un même type de travaux. Cela distord la réalité entre CEE et kWh économisés réellement, mais a pour but de booster les aides et le nombre de travaux. Cela a donné naissance aux Coups de pouce Isolation et Coups de pouce Chauffage.

L’État a décidé d’arrêter les Coups de pouce Isolation face à des abus avec les offres à 1 euro et de réduire la voilure des Coups de pouce Chauffage. Par exemple pour l’isolation des combles perdus, le Coup de pouce prend fin en juin 2022. Ce type de travaux basculera à nouveau sur des CEE standards et donc l’aide diminuera.

Les objectifs en termes de CEE semblent être en contradiction avec les objectifs en termes de nombre de travaux…

Effectivement. Chaque période encadrant le dispositif des CEE est sujette à une négociation concernant un objectif en termes de volume de CEE à atteindre par les Obligés. Pour la P5, l’objectif retenu s’élève à environ 2 500 térawattheures (TWh), contre 2 100 TWh pour la P4 et 950 TWh pour la P3. Alors que l’objectif avait plus que doublé entre la P3 et la P4, la hausse s’élève seulement à environ 15 % entre la P4 et la P5.

L’augmentation du nombre de CEE est donc faible, ce qui a poussé l’État à arrêter les Coups de pouce et à réduire les volumes accordés pour chaque type de travaux. Il espère en effet que le nombre de travaux de rénovation augmente bien davantage que la hausse de 15 % de volumes à récupérer par les Obligés. La logique est théoriquement bonne, mais c’est sans compter l’importance du montant des aides dans la prise de décision des particuliers. La baisse des aides va dissuader les particuliers d’effectuer des travaux, ce qui aura l’effet inverse espéré par l’État.

Il faut mettre cela en perspective avec les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. L’État veut 500 000 logements rénovés de façon performante chaque année d’ici 2025. Aujourd’hui, les chiffres divergent, mais on doit être à moins de la moitié.

En conclusion, là où il faudrait doubler les objectifs, on les fait stagner et là où on devrait maintenir les aides ou les augmenter pour booster les décisions des Français, on les diminue.

En quoi la nouvelle période qui s’ouvre a-t-elle un impact sur la baisse des aides ?

Quand on a un objectif de nombre de CEE total à remplir qui augmente très légèrement et que l’on veut quand même augmenter massivement le nombre de travaux, il faut baisser le montant de l’aide par types de travaux. La fin du Coup de pouce Isolation aboutit par exemple à une baisse des aides d’environ 50 % sur l’isolation des combles perdus pour certains ménages. La révision des fiches standardisées CEE devrait aboutir à une baisse de 30 % pour l’isolation des planchers bas et de 50 % pour l’isolation des murs.

C’est sans parler de la fin de la bonification des primes CEE pour les ménages les plus modestes qui a été supprimée avec la P5. Jusqu’à maintenant, ces ménages touchaient deux fois plus d’aides que les autres pour un même type de travaux, ce qui ne sera plus le cas. Ainsi, sur l’isolation des murs, un ménage très modeste touchera, en 2022, 80 % de prime CEE en moins qu’en 2021.

Ce qui s’est passé avec la nouvelle période de CEE est complètement en contradiction avec les ambitions françaises sur les économies d’énergie et sur le logement. Si l’on veut éviter une baisse ou une stagnation des travaux, il faudrait augmenter les montants de MaPrimeRénov’, l’aide publique aux travaux de rénovation énergétique, maintenir les volumes de CEE délivrés par type de travaux et augmenter les objectifs globaux de la P5.

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