Au premier semestre 2025, les coupures volontaires de production d'électricité en France ont connu un fort rebond, selon un rapport publié par RTE. Face à la surproduction d'énergies renouvelables, en particulier solaire, et à la faiblesse de la consommation, le système électrique français peine à absorber l'abondance bas-carbone.
Au premier semestre 2025, la France vit un paradoxe énergétique : jamais la production d’électricité décarbonée n’a été aussi abondante… et jamais autant d’énergie n’a été perdue. Selon le bilan publié par RTE, les écrêtements, qui correspondent aux coupures volontaires de production, des installations éoliennes et solaires ont bondi de plus de 80 % en un an, atteignant 2 TWh (terawattheure) entre janvier et juin. Cette quantité d’électricité a été effacée du réseau faute de débouchés.
La cause ? Un mélange de faible consommation et de forte production bas-carbone. Après avoir chuté pendant les crises sanitaire puis énergétique, la demande reste 6 à 7 % en dessous de son niveau pré-Covid. Dans le même temps, le parc renouvelable continue de croître avec le solaire qui atteint désormais 26 GW (gigawatt) de capacités installées, devançant l’éolien (24,6 GW). Au printemps, les journées ensoleillées voient la production photovoltaïque culminer au moment où la consommation est la plus basse, provoquant une saturation du réseau.
Conséquence : les prix de gros plongent parfois sous zéro. Entre janvier et juin, la France a connu 363 heures à prix négatif, soit environ 8 % du temps, contre 235 sur la même période en 2024. Ces signaux incitent les producteurs à réduire la voilure. Les plus récents parcs éoliens et solaires, soumis au régime du complément de rémunération, adaptent leur production en conséquence. Mais près de 29 GW d’installations (sur une capacité totale de 51 GW) bénéficient encore de l’obligation d’achat et elles injectent leur électricité quoi qu’il en coûte, accentuant la surproduction.
Cette situation est d’autant plus paradoxale que la France reste largement exportatrice. Au premier semestre 2025, le solde net des échanges d’électricité a atteint 37,6 TWh, deuxième record historique après celui de 2024. Mais cette abondance n’est pas toujours écoulable, puisque les pays voisins connaissent eux aussi des épisodes de surproduction bas-carbone, ce qui limite la capacité de la France à écouler ses excédents, en particulier sur ses interconnexions avec l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne.
Des arrêts brutaux de production d’électricité qui fragilisent le réseau
Le rapport révèle également une modification de la répartition des prix négatifs. Même si ceux-ci se produisent toujours principalement au printemps, pendant l’après-midi et le week-end, ces épisodes touchent désormais les jours ouvrés : 43 d’entre eux ont connu au moins une heure à un prix négatif au premier semestre 2025, contre 21 au premier semestre 2024. Cette évolution témoigne d’un phénomène devenu structurel, lié à la montée en puissance du photovoltaïque et à la faiblesse relative de la consommation en milieu de journée.
Pour éviter les déséquilibres, RTE module aussi la production nucléaire et hydraulique, et mobilise le « mécanisme d’ajustement » pour ordonner des baisses. En 2025, les capacités éoliennes et solaires mobilisables ont d’ailleurs quadruplé, mais restent encore insuffisantes pour gérer tous les surplus. Les arrêts brutaux peuvent même déstabiliser le réseau, obligeant à développer des procédures de lissage.
Si cette électricité écrêtée ne produit pas de CO₂, elle représente un investissement perdu et un manque à gagner pour les producteurs. Elle révèle aussi un retard dans l’adaptation de la demande ; raison pour laquelle RTE plaide pour déplacer certains usages vers les heures creuses solaires, afin de consommer cette énergie au lieu de la laisser filer. L’opérateur souligne que l’amélioration de la flexibilité est désormais une nécessité pour absorber ces volumes.
À partir de janvier 2026, de nouvelles évolutions réglementaires obligeront tous les parcs éoliens en mer et d’énergies renouvelables d’une certaine capacité à participer au mécanisme d’ajustement de la production. Mais la solution passera aussi par un meilleur pilotage de la consommation et par le stockage. Sans ces évolutions, l’électricité verte risque de continuer à s’évaporer, compromettant à la fois les objectifs climatiques et les finances publiques qui soutiennent ces installations.









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