Identifiée comme une piste de transition énergétique depuis le milieu des années 2010, la valorisation de chaleur fatale chez les industriels commence à mieux se développer. Elle est portée par des PME innovantes, à l’instar d’Hevatech.
Loin des débats sur la part de renouvelables et de nucléaire devant composer le mix électrique français, des entreprises mettent en œuvre une tout autre énergie. Depuis plusieurs années, elles développent des technologies pour récupérer et valoriser les calories rejetées par les industriels.
Parmi elles se trouve Hevatech, une entreprise créée en 2010 dans la Drôme. Sur la base de deux technologies différentes, elle propose de récupérer la chaleur des fumées industrielles au-delà de 200°C et de les transformer en électricité et en eau chaude ou en air chaud réutilisables.
Deux différentes technologies
L’Ademe a pointé depuis 2017 le potentiel de récupération de chaleur fatale dans l’industrie nationale : il est de 110 TWh, dont plus de la moitié est perdue au-dessus d’une température de 100°C. Cette quantité est énorme, elle représente plus de quatre fois l’énergie délivrée par tous les réseaux de chaleur urbains en France. L’Agence estime que le gisement au-dessus de 200°C est d’environ 25 TWh, dont une grande majorité dans les fumées des fours et des chaudières.
C’est précisément le segment visé par Hevatech. Sa première technologie, Turbosol, repose sur les étapes suivantes : un échangeur à huile végétale capte la chaleur de fumées entre 200 et 500°C ; l’huile est portée à 250°C, en-dessous de son point d’éclair, et sert d’abord à réchauffer un autre échangeur pour créer de la vapeur d’eau ; l’huile et la vapeur d’eau sont ensuite mélangées et injectées dans une turbine diphasique (de type Pelton) ; la turbine est couplée à un alternateur pour la production d’électricité ; l’huile hydrophobe est récupérée et recircule dans le premier échangeur ; la vapeur d’eau est condensée, libérant une partie de son énergie pour produire de l’eau chaude, et recircule dans le second échangeur.
La seconde technologie, appelée H2P, travaille avec des fumées dépassant 600°C, jusqu’à 1 000°C. Un échangeur à air capte les calories ; l’air actionne un moteur, entraînant un alternateur ; l’air comprimé retourne dans l’échangeur ; une partie de l’air ressort propre du moteur et à une température jusqu’à 500°C pour d’autres usages.
De nombreux industriels concernés
Dans les deux cas, les machines ne sont pas trop complexes et surtout fonctionnent à des niveaux très sûrs : fluides caloporteurs simples (eau, huile, air), rotations peu rapides (1 500 tr/min) pour les machines tournantes, et faibles pressions (15 bar pour Turbosol et 5 bar pour H2P). « Grâce aux innovations de ces deux technologies, les industriels peuvent prévoir une installation simple et modulaire, de 30 à 150 kW électriques pour Turbosol et de 5 à 20 kWe pour H2P. Ces puissances vont d’ailleurs bientôt augmenter. Parmi nos clients potentiels, on compte les fabricants de verre, les forges, la métallurgie lourde, les cimentiers, les fabricants de tubes en acier, ou de pièces en matériaux spéciaux (carbone, graphite), ainsi que les incinérateurs en particulier ceux pour les déchets dangereux », précise Frédéric Thévenod, directeur du développement d’Hevatech.
La valorisation se fait sous forme d’électricité et de calories, ces dernières pouvant être utilisées pour du chauffage direct, du séchage ou du préchauffage de matériaux, un réseau de chaleur ou du préchauffage d’air en vue de combustion.
Les sites industriels concernés sont souvent soumis au système des quotas carbone européens (ETS). En récupérant des calories sur leurs process, c’est autant de gaz fossile en moins qui est brûlé dans leurs chaudières et donc moins d’émission de gaz à effet de serre. C’est le cas par exemple chez Mersen, spécialiste des matériaux avancés. Hevatech a installé son moteur à air chaud H2P sur un de ses sites : en récupérant 200 kW thermiques de gaz de torchères, il produit de l’air qui va chauffer des ateliers (130 kW soit 15 % des besoins, sept mois par an) et de l’électricité (14 kW), et 200 tonnes de CO₂ sont évitées chaque année.
Un nouvel avantage avec des CEE dédiés
L’équation économique dépend des prix de l’électricité et du gaz que la valorisation de chaleur fatale va remplacer. Même si la situation paraît peu attractive actuellement – les prix du gaz étant redevenus peu élevés et les industriels français bénéficiant d’une électricité peu chère, contrairement à d’autres pays européens –, le temps de retour sur investissement reste raisonnable. Par exemple, dans le cas de Mersen précédemment cité, il est de trois ans et demi, hors subvention ; mais il sera seulement de deux ans si les crédits carbone sont valorisés (à hauteur de 100 €/t sur l’ETS) et si l’opération bénéficie de certificats d’économies d’énergie (CEE).
En effet, depuis le début de cette année, ce type de valorisation de chaleur fatale dispose d’une opération standardisée du dispositif des CEE (fiche IND-UT-138) permettant de financer jusqu’à 25 % d’un projet (installation incluse). « Cet apport des CEE vient couronner plusieurs années de bataille pour faire valoir la conversion de chaleur fatale en électricité ou en air comprimé. Il est symptomatique d’un marché de la chaleur fatale qui est désormais mieux considéré, surtout depuis les crises du Covid et de 2022 qui ont rappelé combien les prix de l’énergie sont fluctuants », ajoute Frédéric Thévenod qui est également président de France Cleantech Industries.
Fondée en 2023, France Cleantech Industries regroupe les PME industrielles innovantes de la transition énergétique comme Enogia, Eco Tech Ceram, ExtraJool, PackGy, Terrao, TMW. Elle devrait atteindre une quarantaine de membres d’ici fin 2025.









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