Le métier de tableautier a beau être stratégique pour la filière électrique, il demeure néanmoins peu visible. Pour faire face aux enjeux de souveraineté, de transition énergétique et d’attractivité des métiers, trois PME industrielles se sont unies autour d’une bannière commune : LesBienCâblés. Ce nouveau groupe compte bien démontrer qu’on peut allier durabilité économique et énergétique, tout en répondant aux défis humains, grâce à un cocktail d’excellence technique, d’enracinement territorial et d’indépendance.
Nous sommes allés à la rencontre de Stéphane Noiret, président du groupe LesBienCâblés.

LesBienCâblés est né de l’union de SATE, S.E.R et TEEI et fédère plus de 130 collaborateurs autour de la conception, la fabrication, et l’installation de tableaux et armoires électriques sur mesure pour les secteurs critiques de l’économie.
Le projet LesBienCâblés repose sur un socle solide. C’est un projet ambitieux qui va bien au-delà de la simple rentabilité économique, avec :
- une intégration verticale progressive ;
- une démarche RSE structurée ;
- une politique RH ambitieuse ;
- des équipes formées.
Après avoir dirigé SATE pendant 5 ans, Stéphane Noiret est désormais président du groupe.
Techniques de l’ingénieur : En quoi consiste le métier de tableautier ?
Stéphane Noiret : Dans la filière électricité, il y a quatre types d’acteurs clés, dont trois sont très connus : les fabricants (ABB, Legrand, Schneider…), les distributeurs (Rexel, Sonepar…) et les installateurs, qui sont, le plus souvent, des filiales énergie de groupes du BTP (Spie, Vinci, Eiffage, Bouygues, etc.).
Le quatrième acteur est peu connu du grand public. Il s’agit du tableautier, c’est-à-dire celui qui fabrique les tableaux électriques et que l’installateur consulte lorsqu’il souhaite répondre au lot électricité d’un appel d’offres.
Notre métier nécessite de multiples compétences techniques : électricité, montage câblage, test et contrôle de l’armoire, mais aussi un savoir-faire au niveau de la conception, du design et de l’implantation des tableaux.
Chez LesBienCâblés, nous développons donc des armoires sur mesure, mais aussi des coffrets en série, notamment pour le photovoltaïque résidentiel, en 3, 6 ou 9 kW.
Pour résumer, nous maîtrisons toute la chaîne de valeur du tableau, depuis la conception, jusqu’à l’expédition.
LesBienCâblés réunit les entreprises SATE, S.E.R et TEEI. Pourquoi ce regroupement ?
J’ai dirigé SATE, située à Dax, pendant 5 ans. C’est une entreprise qui a connu une belle croissance, portée par le marché du photovoltaïque, mais elle était très spécialisée. Or, nous voulions diversifier nos activités et attaquer de nouveaux marchés industriels et tertiaires de manière massive.
TEEI étant spécialisée industrie et S.E.R spécialisée tertiaire, ce regroupement était donc logique, car ces entreprises ont respectivement 30 et 50 ans d’existence et bénéficient d’un savoir-faire reconnu ainsi que d’une bonne implantation dans leurs territoires.
Par ailleurs, puisque S.E.R est implantée dans le 69 et TEEI à Nancy, ce regroupement nous a donc aussi permis d’étendre notre empreinte géographique.
Nous bénéficions désormais de savoir-faire complémentaires et aussi d’une taille qui nous permet de prendre une place importante dans le panorama des tableautiers, avec l’ambition de devenir une véritable ETI, mais aussi de valoriser ce métier méconnu.
Quels sont les moyens mis en œuvre pour cette valorisation ?
Le métier de tableautier est un métier de l’ombre, dans la filière électricité. On s’est donc demandé quelle serait la meilleure manière de prendre la parole.
Nous avons choisi comme nom « LesBienCâblés », car il résume parfaitement qui on est, ce qu’on fait au quotidien et traduit un engagement de qualité vis-à-vis de nos clients ou collaborateurs.
Mais derrière ce nom, il y a aussi une volonté d’ouverture, de tolérance et une certaine idée de la place de l’entreprise dans la cité, en tant que vecteur de lien social et d’épanouissement. Notre démarche RSE nous sert d’ailleurs de boussole pour maintenir ce cap.
Nous pensons aussi qu’il est primordial d’incarner des valeurs et d’oser communiquer, de porter une marque employeur, sans utiliser trop de discours techniques au départ, avec les nouveaux arrivants dans l’entreprise.
Pouvez-vous nous parler de cette démarche d’ouverture ?
Voici un exemple : nous avons intégré, au sein de l’entreprise, des collaborateurs avec des trajectoires pas forcément linéaires. Nous leur avons appris le métier et cela a transformé l’entreprise ! On se rend compte que l’important n’est pas ce que les gens savent faire en entrant dans l’entreprise, mais ce qu’ils sont en capacité de faire si on leur donne les moyens de réussir.
Forcément, c’est beaucoup de travail au quotidien, car cela nécessite de faire attention à l’autre, de prendre du temps pour accompagner la personne dans son évolution professionnelle, d’être dans la collaboration réelle, pas dans de « l’affichage de valeurs ».
Il faut incarner véritablement ces valeurs, au quotidien, afin de réconcilier cols blancs et cols bleus, ce qui suppose de désacraliser le rôle du patron, qui n’est pas isolé dans sa tour d’ivoire. C’est important de montrer que tout le monde est sur le pont quand il y a un problème ou une machine à déménager, car, dans une entreprise, nous sommes tous concernés.
Je pense sincèrement que l’entreprise doit jouer une place essentielle dans la société, comme vecteur de lien, d’épanouissement et d’accomplissement de soi, peu importe le temps passé dans l’entreprise d’ailleurs. Un jeune qui sera resté seulement trois semaines chez nous aura appris des choses et aura une vision positive du monde professionnel qui bénéficiera à toute la filière.
Ce rôle sociétal que doit exercer une entreprise est-il compatible avec la notion de performance ?
J’ai une conviction forte : la performance telle qu’on la conçoit actuellement est une vision court-termiste en voie de disparition. En effet, le monde d’aujourd’hui est plein d’incertitudes et rares sont les entreprises qui sont capables de faire un plan sur deux ans.
Sans réelle vision à moyen ou long terme, elles sont donc contraintes aux petits pas, aux ajustements et sont en quête permanente d’agilité.
Or, cette agilité demande une certaine assise de la part des entreprises, une robustesse qui passe notamment par des équipes plus solides, plus compactes et pas uniquement motivées par le salaire. Dans un modèle d’entreprise robuste, l’argent ne peut pas être la seule motivation d’un salarié, puisqu’il pourra facilement aller voir ailleurs si on lui offre un meilleur salaire.
La robustesse, c’est aussi ne pas miser à tout prix sur les volumes de production en cherchant à baisser la qualité. Quand ça tangue, les délais de paiement s’allongent, les trésoreries fondent et on se rend vite compte que le système est très fragile.
À l’inverse, la robustesse permet de surmonter les crises et les épreuves, mais ça nécessite de porter un élan vital et de faire un énorme travail de fond. Être robuste c’est aussi se poser la question du long terme ou du court terme, lorsqu’un choix est à faire.
Néanmoins, les résultats sont bien plus difficiles à évaluer que dans un modèle de performance économique, où les KPI sont bien connus. Évaluer la robustesse et la durabilité demande plus de travail ! Je pense notamment à l’évaluation du moral des équipes : au lieu de faire de petites enquêtes de satisfaction ponctuelles, on peut par exemple « prendre la température » lors de chaque réunion.
Cela suppose de parler avec les gens de manière sincère, de s’intéresser à eux, à leur niveau de stress, bref de se connecter à l’autre. Procéder de cette manière change radicalement la physionomie d’une réunion. Quand on fait ça, on n’est plus dans la consommation de l’autre, mais dans la valorisation, dans l’enrichissement de l’autre.
Pour moi, avoir de la considération pour le collaborateur, c’est aussi cela « être bien câblé », car chez nous, un collaborateur est avant tout une personne avant d’être une fonction.









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