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Liars and outliers : pourquoi faisons-nous confiance aux autres ?

Posté le par La rédaction dans Entreprises et marchés

Bruce Schneier est un expert réputé en cryptologie et en sécurité informatique, mais il s'intéresse aussi à la sécurité dans un sens beaucoup plus large. Dans son dernier livre, il se demande comment "favoriser la confiance dont la société a besoin pour prospérer".

Le livre commence par un épisode de la vie courante : un inconnu sonne à la porte de Schneier en disant qu’il est plombier. Schneier le fait entrer et le laisse un moment à la cuisine, où le gars farfouille sous l’évier puis dit que ça fera tant. Sans même vérifier que la fuite est réparée, Schneier lui tend un chèque que le plombier empoche sans même le regarder et sort. Schneier n’a ni vérifié le diplôme du plombier, ni appelé son employeur pour vérifier qu’il n’était pas un cambrioleur déguisé. Et le plombier n’a pas appelé la banque pour savoir si le chèque de Schneier était en bois ou pas.

La confiance est à la base de toute société, qu’elle soit une petite famille ou la société planétaire que nous sommes en train de construire.

Si aucun de ces deux protagonistes n’a menti ou n’est sorti de la norme (je n’ai pas de meilleure traduction de « outlier » …), c’est parce son avantage sur le long terme à collaborer à divers groupes humains (voisins, entreprise de plomberie, clients de la banque, justiciables etc.) est supérieur à son avantage court terme de trahir la confiance de l’autre.

Pourtant il y a des escrocs, de voleurs, des parasites, des meurtriers. Le but premier des sociétés étant d’offrir une sécurité et un bien-être supérieur à celui que les individus pourraient atteindre, elles exercent un certain nombre de pressions sociales (morale, réputation, institutionnelle, systèmes de sécurité) sur leurs membres pour les pousser à suivre les règles du groupe.

Mais ces pressions ont un coût pour toute la société, qui doit donc trouver un optimum entre une anarchie où le nombre d' »outliers » explose et ruine les bénéfices de la confiance, et l’état policier autoritaire où les coûts du système excèdent ceux qu’auraient causés les « outliers ». Dans une société optimale, il y aura toujours des menteurs et des marginaux (voilà j’ai trouvé une meilleure traduction).

Schneier s’appuie sur de nombreux travaux de recherche pour construire un « modèle de la confiance » pouvant s’appliquer à des groupes très divers. Il commence par montrer que l’être humain est particulièrement doué pour gérer la collaboration dans un groupe, évaluer les avantages ou les risques de trahir le groupe pour en tirer un plus gros avantage, évaluer le degré de fiabilité des membres de son groupe, et se souvenir des trahisons.

Tout ceci fonctionne bien dans des groupes humains de taille inférieure au Nombre de Dunbar environ 150 personnes, où le dilemme du prisonnier est encore assez simple à résoudre.

Le livre traite ensuite de la confiance au sein d’organisations au sens large, puis dans

les (grandes) entreprises en montrant que les pressions sociales habituelles ne sont pas suffisantes pour empêcher quelques personnes de réaliser des profits personnels colossaux en risquant l’existence même de l’entreprise qui les paie.

Selon Schneier, notre comportement naturellement confiant n’est pas adapté aux plus grosses organisations comme les entreprises et peut devenir un piège au niveau national ou international, où des milliers d’escrocs ont désormais les moyens techniques d’abuser de notre confiance à distance. Il illustre son propos avec de nombreux « dilemmes sociaux » présentés comme des extensions du dilemme du prisonnier, allant du respect des limitations de vitesse à la fraude fiscale en passant par la triche aux examens. Il traite également d’un certain nombre de tragédies des biens communs comme la surpêche par exemple.

Enfin, Schneier traite de la confiance et de la sécurité dans un monde évoluant rapidement grâce à la technologie. Il explique que de nouvelles pressions sociales, mais aussi de nouveaux systèmes de sécurité sont nécessaires simplement par l’hypothèse de la reine rouge (« tu dois courir aussi vite que tu peux pour rester à la même place. ») pour maintenir l’écart face aux techniques des tricheurs, par exemple dans le dopage, la criminalité économique ou la sécurité informatique. Cependant, il insiste aussi sur le fait que la sécurité absolue est une illusion coûteuse, et aussi que certains « marginaux » sont indispensables à l’évolution de la société. Certains dissidents politiques, traîtres ou terroristes finissent par recevoir le Prix Nobel de la Paix …

Ce livre n’est hélas pas (encore) traduit en français, mais ses 248 pages se lisent facilement, « comme un roman ». Il y a aussi 100 pages de Notes avec de nombreuses références, citations et anecdotes qui satisferont le chercheur et montrent le sérieux avec lequel Schneier s’est documenté sur ce vaste et passionnant sujet.

 Bruce Schneier « Liars and Outliers : Enabling the Trust that Society Needs to Thrive » (2012)

Par Philippe Guglielmetti dit « Dr Goulu »

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Posté le par La rédaction


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