Face au raz de marée de batteries de seconde vie issues de la mobilité électrique qui déferle sur l’Europe, un véritable marché de la réutilisation des modules est en train de se structurer. L’entreprise Mob-Energy récupère ces modules et les réassemble au sein de conteneurs destinés au stockage d’énergie électrique et à l’alimentation des bâtiments. L’application phare de la jeune entreprise est l’installation de bornes de recharge de véhicules électriques sans travaux de génie civil complexes.
Nous avons demandé à Salim El Houat, président et co-fondateur de Mob-Energy, de nous en dire plus.

Mob-Energy est un concepteur et fabricant de solutions innovantes d’optimisation de puissance et d’énergie pour les entreprises.
Mob-Energy a été créée en 2018, en région Lyonnaise, et emploie aujourd’hui une soixantaine de personnes.
L’entreprise s’est donné deux missions : aider le réseau électrique à se transformer grâce au stockage d’énergie, et donner une seconde vie aux batteries de véhicules électriques.
Quelle est la problématique adressée par Mob-Energy ?
Salim El Houat : La problématique de Mob-Energy est de répondre à la question « comment va-t-on raccorder les équipements électriques de la transition énergétique ? », avec tous les enjeux que cela comporte : enjeu de puissance, tirage des câbles, génie civil, génie électrique, etc.
Notre postulat de base est qu’on ne pourra pas tirer des milliers de km de câbles, comme par le passé, et qu’il va falloir trouver des moyens beaucoup plus intensifs, par opposition à extensifs, pour gérer l’approvisionnement en électricité des bâtiments.
La réponse imaginée par Mob-Energy concerne donc le stockage d’électricité dans des batteries de seconde main provenant de l’industrie automobile.
Pourquoi avoir opté pour des batteries de véhicules automobiles ?
Il y a actuellement un tsunami de véhicules électriques qui arrive en Europe. Or, on sait que les batteries de ces véhicules ont tendance à arriver en fin de vie de manière prématurée, si bien qu’il existe un véritable marché de la seconde vie des batteries.
Plutôt que d’envoyer ces batteries au recyclage, il est préférable d’opter pour une réutilisation, notamment pour le stockage stationnaire d’électricité.
Mob-Energy fabrique ainsi des conteneurs dans lesquels sont installées des batteries de seconde vie. Ces conteneurs, qui constituent notre solution EIKO, sont destinés aux parkings d’entreprise, et permettent d’apporter différents services énergétiques aux bâtiments.
Comment se passe l’approvisionnement en batteries de seconde vie ?
Depuis 2018, nous avons travaillé avec différentes marques de véhicules. D’abord Tesla, puis BMW, et désormais Mercedes-Benz. Il n’y a pas d’exclusivité avec tel ou tel constructeur, car nous cherchons à diversifier nos approvisionnements en modules de batteries.
Pour rappel, le module est le « 2e étage » dans l’architecture d’une batterie et c’est le niveau auquel nous opérons. Comme chaque module à son histoire, son propre facteur de forme et ses propres caractéristiques électrochimiques, gérer cette diversité en seconde vie n’est pas simple.
Dès que nous devons utiliser une nouvelle référence de module, il faut donc faire en sorte d’adapter le reste de l’application, ce qui complique la démarche d’industrialisation.
Nous travaillons activement sur ce sujet de l’adaptabilité, notamment au travers d’un projet qui s’appelle Battery X. L’idée est de pouvoir créer des packs batterie modulaires, capables d’intégrer plusieurs types de modules différents, afin de gagner en flexibilité au niveau des approvisionnements.
Qui sont vos fournisseurs ?
Mob-Energy travaille en direct avec les constructeurs automobiles qui ont mis en place une centrale européenne de récupération des batteries à démanteler. Cette centrale fournit ainsi, en modules, des entreprises comme Mob-Energy.
Après réception de ces modules dans notre usine de Lyon, ils suivent alors tout un processus de stockage, mise en quarantaine, puis inspection et qualification. On commence par déterminer la capacité résiduelle des modules, puis on les réassemble entre eux dans un nouveau pack et on vient ajouter, dans cette nouvelle enveloppe, tous les éléments qui permettent d’avoir une vraie batterie prête à l’emploi : nouveau BMS, système de refroidissement adapté, etc.
Comment gérez-vous la fiabilité des modules issus de ces batteries de seconde main ?
Nous avons tendance à surdimensionner nos packs, afin d’utiliser une plage de stockage inférieure à la capacité réelle de la batterie. Ça permet d’une part d’en augmenter la durée de vie et, d’autre part, de réussir à standardiser nos processus de production alors même que les modules en entrée ont un vieillissement variable.
Néanmoins, il faut garder en tête que les modules que nous recevons ont un niveau de vieillissement qui est de l’ordre de quelques %, très rarement au-delà de 10 %.
En effet, le tsunami de batteries de seconde main dont je parlais est associé à des accidents, des essais, des rebuts industriels, voire à des commandes industrielles qui n’ont pas été passées. Bien souvent, ces modules sont quasiment neufs, ont été stockés dans des hangars et leur vieillissement n’est pas associé à de l’usure, mais plutôt aux conditions de stockage.
Quels sont les cas d’usage typiques, adressés par Mob-Energy et le conteneur EIKO ?
Le cas d’usage typique est la station de recharge pour véhicules électriques. Pour faire simple, plutôt que d’avoir à raccorder 10 ou 20 bornes de recharge sur leurs armoires électriques, les entreprises ont simplement à raccorder le conteneur d’où part une sorte de « multiprise » haute performance qui s’installe sur le parking, sans travaux de génie civil complexes.
Ce mode de fonctionnement réduit les coûts d’installation ainsi que les délais associés et permet donc aux entreprises d’équiper massivement leurs parkings, tout en gardant une forme d’évolutivité.
Par ailleurs, le service de recharge est très optimisé, dans le sens où la charge de chaque véhicule est priorisée en fonction de l’heure de départ souhaitée et de la quantité d’énergie que l’utilisateur souhaite récupérer.

Mais les applications potentielles vont bien au-delà de la recharge de véhicules, puisque, par définition, une batterie peut assurer trois fonctions : soutirer de l’énergie, la stocker pendant un certain temps et la réinjecter.
L’idée est donc de réaliser ces opérations à des moments clés, afin de répondre aux besoins du bâtiment. Nous le faisons à travers différents services, comme l’energy-shifting, ou décalage de consommation, qui consiste, tout simplement à stocker l’électricité durant les heures creuses, afin de la restituer lors des heures pleines. L’écart de prix entre les heures creuses et pleines étant d’environ 15 centimes d’euros, il y a donc quelques milliers d’euros d’économies annuelles à la clé.
Nous avons aussi un service d’autoconsommation solaire, pour les bâtiments équipés de panneaux photovoltaïques. Ça permet de piloter la production d’électricité solaire et de s’adapter aux besoins du bâtiment, en stockant le surplus d’énergie produit par les panneaux.
Enfin, nous proposons aussi du Peak-Shaving, c’est-à-dire de l’écrêtage, un service qui abaisse le niveau de puissance appelée sur le réseau d’Enedis, grâce à l’injection d’électricité par la batterie, lorsque la puissance maximale autorisée risque d’être dépassée.
Les applications potentielles sont donc nombreuses dans le bâtiment !
Oui, il y a beaucoup d’autres enjeux, notamment autour de la gestion thermique des bâtiments, ou encore l’alimentation des datacenters.
Mob-Energy s’intéresse essentiellement aux PME et ETI, aux agences techniques et plus généralement à tous types de bâtiments ayant des besoins en électricité intermédiaires et une volonté de réduire leur facture d’électricité. Néanmoins, nous gardons à l’esprit que les règles du marché de l’énergie évoluent vite et que les économies réalisées sont amenées à fluctuer.
C’est pour cette raison que le cas d’usage « bornes de recharge » est intéressant pour nous : pour les entreprises, l’avantage est immédiat, puisque EIKO peut être financé par le budget qui devait être alloué à l’installation de bornes. Du point de vue de l’entreprise, toute économie d’énergie supplémentaire peut donc être considérée comme un bonus !









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