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Décryptage

Propulsion spatiale : la grande foire aux idées !

Posté le par Sophie Hoguin dans Insolite

En matière de propulsion spatiale, il y a ce qui marche et ce qui pourrait marcher. Dans la deuxième catégorie, toutes les idées, tous les concepts, tous les projets sont les bienvenus. L’imagination des ingénieurs, milliardaires amateurs ou physiciens rêveurs est sans limite. Et cet article est très loin d’en faire un tour exhaustif...

Les lasers focalisent toujours beaucoup d’attention et sont à l’origine de plusieurs concepts de propulsion spatiale. Cependant, leur utilisation concrète est encore assez limitée. Les premières théories et essais de propulsion laser ont vu le jour dans les années 1970. Mais pendant plus de 25 ans, la technologie laser n’était pas encore assez mûre pour que les concepts inventés puissent être réellement testés.

La propulsion par ablation laser

Au départ, la propulsion par ablation laser s’appuyait sur une source laser émise depuis la Terre ou un satellite, qui, concentrée par un miroir fixé sur le véhicule spatial, était envoyée soit dans une chambre de combustion contenant un ergol (l’air), soit sur un matériau. Dans les deux cas, il y a apparition d’un plasma qui est ensuite éjecté par une tuyère pour créer la poussée. Très vite, on comprend qu’il est préférable d’embarquer directement le laser dans le véhicule. Selon les périodes, l’activité de recherche dans ce domaine est plus ou moins abondante. Depuis, l’apparition des laser pulsés micro et maintenant femtosecondes, les recherches ont repris et portent notamment sur un couplage d’une impulsion laser et des méthodes utilisées en propulsion électrique pour optimiser les plasmas et la poussée. Des systèmes de micro-propulsion ont vu le jour et peuvent permettent par exemple de contrôler l’altitude ou l’orientation d’un satellite.

Le Lightcraft, un véhicule détonnant !

Le laser a aussi été à la base de concepts plus ou moins réussis. Parmi eux, le Lightcraft. Un véhicule spatial ou aérien propulsé par un faisceau laser via la création d’un plasma et de détonations à l’extérieur du véhicule. La source d’énergie de propulsion est externe. Conceptualisé en 1976, quelques prototypes seront construits dans les années 1980 au sein de laboratoires de défenses américains mais il faudra attendre les années 1990 pour voir un véritable projet prendre forme. Le record atteint par un tel engin restera en octobre 2000, 71m et 10,5 secondes de vol via un laser au CO2 de 10kW basé au sol. L’engin emportait alors un carburant d’ablation sous forme de plastique et le corps du véhicule tournait autour de son axe (10000 tr/mn) pour se stabiliser par effet gyroscopique. Le concept a ensuite évolué et le laser remplacé par un maser (microwave amplification by stimulated emission of radiation), dispositif permettant d’émettre un faisceau cohérent de micro-ondes. La propulsion est alors fournie aussi par des détonations mais en plus, des antennes redresseuses récupèrent une partie de l’énergie micro-ondes et la convertissent en électricité pour alimenter un propulseur MHD (LIEN à faire sur article propulsion électrique). Une partie du faisceau est aussi concentré en pointe sur l’avant du véhicule pour former une torche à plasma qui atténue l’onde de choc à l’avant quand le véhicule atteint des vitesses supersoniques. Mais avec le départ en retraite de son inventeur et développeur, Leik Myrabo, en 2011, Lightcraft Technologies Inc a disparu. De leur côté les Japonais se sont emparés de l’idée du Lighcraft pour concevoir un lanceur constitué d’un tube rempli d’un gaz dans lequel on placerait le véhicule qui serait propulsé par un faisceau laser. Avantages : on peut contrôler tous les paramètres physiques du lancement. Inconvénients : il faut construire un tube de plusieurs centaines de mètres, donc le lieu de lancement sera fixe. Et surtout on est encore loin du démonstrateur opérationnel. Les essais menés au début des années 2000 sont restés confinés en laboratoire sur des tubes raccourcis avec un projectile de quelques grammes.

Le LightCraft, propulsé par un rayon laser. La pointe du bas focalise le laser sur le pourtour où a lieu le réchauffement de l’air qui se transforme en plasma.
Le LightCraft, propulsé par un rayon laser. La pointe du bas focalise le laser sur le pourtour où a lieu le réchauffement de l’air qui se transforme en plasma.

Le laser, clé de l’antimatière ?

La propulsion par création d’antimatière est une espèce de Graal. Les obstacles technologiques tombent petit à petit mais il reste encore à résoudre le problème de la source d’énergie, du confinement de l’antimatière et des éventuels rayons gammas produits. Les lasers pourraient faire partie de la solution pour produire de l’antimatière « facilement » depuis qu’on s’est aperçu que certains rayons laser projeté sur des feuilles d’or par exemple produisait en grand nombre de positrons. Un programme de recherche de la Nasa s’est penché sur le sujet de la propulsion antimatière entre 2000 et 2010 mais sans aller jusqu’à une phase de démonstrateur. La création et la manipulation de l’antimatière restant un domaine de recherche constant, cette solution technologique reste toujours prête à sortir des cartons.

La propulsion photonique

Des lasers pour remplacer les radiations du soleil et des étoiles. Une vieille histoire, remise au goût du jour par Philip Lubin et le projet Deep In (Directed Propulsion for interstellar exploration) qui affirme que l’on pourrait atteindre Mars en 3 jours avec un vaisseau de 100kg munis de voiles laser. La feuille de route du projet lancée en 2015-2016 a reçu des soutiens financiers de la Nasa. Depuis mi-2016, le projet est entré dans la phase II des recherches. Mais il reste de très nombreux défis technologiques : de la source du laser, de sa position, de sa puissance à la conformation des voiles.

Voiles solaires : un déploiement très lent

Le concept de voile solaire utilisant les particules éjectées par les étoiles pour pousser des voiles spatiales est né il y a plus d’un siècle dans l’imagination tant des scientifiques que des romanciers mais ce n’est que très récemment, depuis 2010 que l’on a réussi les premiers déploiements de voiles solaires sur des sondes ou des petits satellites. Les principales difficultés résultent de la complexité à trouver une forme et une taille idéale pour capter le maximum de radiations et en même temps que cette forme et taille soient aptes à réussir le déploiement de la voile une fois en orbite tout en assurant un minimum de manoeuvrabilité. Ce sont les Japonais qui ont réussi à déployer et utiliser la première voile solaire sur leur sonde Ikaros (interplanetary Kite-craft Accelerated by Radiation of the Sun). La mission d’une durée initiale de 6 mois a finalement été poursuivie et l’agence spatiale japonaise (Jaxa) continue de récolter les données de la sonde qui orbite autour du Soleil en 10 mois. Cette mission a confirmé que la propulsion basée sur une voile solaire est envisageable.

voile laser

La voile d’Ikaros d’une superficie de 173m2 a permis d’augmenter la vitesse de la sonde – qui pèse 315kg –  d’une dizaine de m/s au bout d’un mois via une poussée mesurée à 1,12 milliNewton. Depuis d’autres démonstrateurs et projets ont vu le jour et les technologies se déploient doucement. L’ESA et le projet européen Graphene Flagship ont par exemple récemment testé l’utilisation du graphène pour des voiles solaires. Le prochain lancement notable devrait être celui de la Planetary Society et sa LightSail 2 en octobre 2018. Le cubesat et sa voile seront lancés en même temps qu’une série de petits satellites des programmes de recherches de l’US Air Force via le premier lancement commercial de la Falcon Heavy de Space X.

L’Em-Drive, l’impossible concept qui défie la chronique

En 2001, un ingénieur britannique, Roger Shawyer, imagine un concept de propulsion spatiale qui générerait une poussée sans éjecter ou absorber de matière. Fonctionnant donc sans carburant. Dans l’EM-Drive (pour Electromagnetic Drive), la force de poussée serait produite par une onde à haute fréquence qui circulerait dans une cavité résonante de forme conique. Le problème : ce concept ne respecte pas l’une des lois piliers de la physique newtonienne, la conservation de la quantité de mouvement. Pour beaucoup de scientifiques c’est une supercherie et ils attendent une explication physique plausible avant de pouvoir y croire. Les résultats du groupe de travail Eagleworks de la Nasa, même parus dans une revue à relecture, restent difficiles à vérifier et à reproduire et pourraient être le résultat d’erreurs de mesure ou d’artefacts. Pour le moment, seuls les Chinois corroborent de telles données. En décembre 2016, lors d’une conférence de presse, les Chinois ont d’ailleurs annoncé qu’ils avaient réussi à mettre en évidence le phénomène en laboratoire et en orbite sur la station spatiale Tiangong 2 et qu’ils s’attaquaient désormais à intégrer cette technologie sur des satellites. Des annonces, accompagnées de fréquents papiers fournissant des tentatives d’explications, bien souvent fondées sur des phénomènes quantiques invérifiables, relancent régulièrement la controverse. Faisant couler beaucoup d’encre et amenant croyants et sceptiques à s’affronter durement sur les réseaux sociaux.

Par Sophie Hoguin

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