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Vers la création d'une taxe carbone sur le transport maritime mondial ?

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Vers la création d’une taxe carbone sur le transport maritime international ?

Posté le par Nicolas LOUIS dans Environnement

Les États membres de l'Organisation maritime internationale se sont entendus pour instaurer une contribution financière par tonne de CO₂ émise par les navires ne respectant pas certains seuils d'émissions. L'accord est un compromis obtenu à l'arraché et l'approbation finale du texte est encore nécessaire pour l’entériner au cours d'une réunion qui se tiendra en octobre.

L’événement était attendu, son issue l’est moins. Après plusieurs années de négociations, l’Organisation maritime internationale (OMI), une agence spécialisée de l’ONU, vient d’adopter un mécanisme de tarification du carbone applicable au transport maritime mondial. Une première dans l’histoire de ce secteur crucial pour le commerce mondial, mais longtemps laissé à l’écart des efforts climatiques. Son objectif est de réduire les émissions de 20 % d’ici à 2030 et de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050.

L’accord prévoit la mise en place d’un système de contribution financière par tonne de CO₂ émise à partir de 2028, applicable aux navires de plus de 5 000 tonnes, qui représentent 85 % des émissions du transport maritime international. Les propriétaires de navires ne respectant pas des seuils d’émissions seront soumis à des pénalités de 100 dollars par tonne de CO₂, et qui pourront même grimper à 380 dollars, si des niveaux d’exigences moins élevés ne sont pas respectés. Par exemple, en 2030, le premier seuil le plus strict oblige les navires à réduire l’intensité des émissions de 21 % par rapport à la référence de 2008, tandis que la norme la moins exigeante appelle à une réduction de 8 %.

Les recettes générées par cette nouvelle taxe, estimées entre 11 et 13 milliards de dollars par an, alimenteront un « fonds zéro émission nette » au sein de l’OMI et seront utilisées pour soutenir la transition vers des technologies maritimes plus propres, ainsi qu’aider les pays en développement à s’adapter aux nouvelles normes. Les navires qui réduisent les émissions en dessous de la limite la plus stricte seront récompensés par des crédits qu’ils pourront vendre à des navires non conformes.

Ce compromis, arraché au terme de longues tractations entre États membres, vise à inciter les armateurs à décarboner leurs flottes, dans un secteur qui représente environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais derrière l’annonce, le texte laisse un goût d’inachevé. La Commission européenne a qualifié l’accord de « non significatif » vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris sur le changement climatique, tout en ajoutant qu’il ne garantit pas encore la pleine contribution du secteur aux objectifs affichés. De nombreux petits États insulaires, particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique, se sont quant à eux abstenus lors du vote final, pour signifier leur déception et leurs préoccupations face à l’efficacité du mécanisme proposé et la répartition des revenus générés.

Les nations exportatrices de pétrole opposées à cette nouvelle taxe

Le texte a surtout été édulcoré sous la pression de plusieurs États, notamment des États-Unis, qui se sont retirés des négociations et ont exhorté les autres pays à faire de même. D’autres pays, notamment des nations exportatrices de pétrole, comme l’Arabie saoudite, la Russie, les Émirats arabes unis et plusieurs autres pétro-États se sont opposés à ces nouvelles règles. Quant à la Chine, elle a finalement voté en faveur de ce compromis.

Parmi les critiques, l’absence de normes technologiques contraignantes ou d’objectifs de réduction clairs à court terme alimente les inquiétudes. Le texte n’impose pas de calendrier strict pour l’adoption de carburants alternatifs. Les défenseurs de la taxe mettent néanmoins en avant un progrès historique, puisque c’est la première fois que l’OMI s’accorde sur une tarification mondiale du carbone.

Reste que le chemin est encore long pour décarboner un secteur où l’essentiel des navires fonctionnent au fioul lourd. La lenteur de la transition pose la question du rôle que pourrait jouer l’Union européenne, qui a déjà intégré le transport maritime dans son propre marché carbone (EU ETS pour European Union Emissions Trading System) depuis janvier 2024. À l’heure où les émissions du secteur peinent à baisser et que la demande mondiale de fret continue de croître, l’adoption de cette taxe ressemble davantage à un premier pas, dont l’efficacité dépendra de l’engagement continu des parties prenantes. Sa mise en œuvre reste encore en suspens, car les pays membres de l’OMI doivent encore procéder à une approbation finale de ce texte au cours d’une réunion qui se tiendra en octobre.

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Posté le par Nicolas LOUIS


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