Une représentation 3D correcte (conformation) des structures chimiques est fondamentale pour une compréhension des propriétés physico- chimiques et biologiques associées à ces structures. Plusieurs modèles mathématiques sont disponibles pour définir les conformations associées à chaque structure, des méthodes de mécanique quantique aux méthodes de mécanique moléculaire en considérant notamment la complexité de la molécule et les propriétés que l'on souhaite modéliser. Ces méthodes nous permettent rapidement d'obtenir une première conformation probable en considérant une flexibilité restreinte de ces structures. Cependant, la flexibilité conformationnelle des molécules devient rapidement un problème majeur à intégrer, même pour des molécules simples, à travers la notion d'espace conformationnel. La première partie de cet article rappelle un certain nombre d'éléments de base autour de la mécanique moléculaire et le traitement de la flexibilité des molécules.
L'approche historique pour la conception de ligand est associée à la chémogénomique qui considère qu'une interaction spécifique entre une molécule et un récepteur biologique (affinité/inhibition) conduit directement à un phénotype observable (cellulaire, tissulaire, général). Cette logique est reprise par la chimie thérapeutique avec une caractérisation des composés présentant une première affinité suivie d'une optimisation de leurs affinité et sélectivité par modulations structurales. Les techniques de modélisation moléculaire sont au cœur de cette approche avec une analyse tridimensionnelle des interactions entre des molécules simples et des macromolécules permettant de comprendre et d'anticiper une réponse biologique vis-à-vis d'un récepteur. L'objectif est d'analyser ces interactions afin de comprendre l'affinité des dérivés, puis de caractériser de nouvelles familles chimiques ou d'aider à l'optimisation des premiers ligands. Par conséquent, la modélisation moléculaire décrit les interactions intermoléculaires permettant de s'orienter vers une conception rationnelle de ligands. Dans cet article, deux approches sont présentées : l'une basée sur l'analyse comparative des ligands et l'autre basée sur l'analyse des interactions ligand-récepteur.
Dans les années 2000, la biologie systémique est apparue avec l'intégration des données omiques sous forme de modèles permettant de comprendre un phénotype global observé. Le positionnement de la modélisation moléculaire s'est déplacé avec une prise en compte des réseaux biologiques afin de mieux appréhender le phénotype, une intégration plus fine des phénomènes de sélectivité et l'interprétation des résultats issus de la biologie systémique.
Les approches décrites font partie d'une discipline plus large qui s'est structurée en France depuis une dizaine d'années, cette discipline est la chémoinformatique.
L'objectif de l'article est de permettre au lecteur d'avoir une première vision des méthodologies permettant la mise en évidence de nouveaux ligands d'intérêts biologiques par des techniques informatiques dites in silico. La caractérisation de molécules originales d'une cible représente toujours un challenge majeur pour l'industrie pharmaceutique. La similarité pharmacophorique entre deux ligands et l'analyse des interactions supramoléculaires (docking) sont les bases permettant d'anticiper la réponse biologique de dérivés chimiques. En replaçant ces technologies au niveau technico-économique, les résultats de l'analyse des dérivés chimiques et leurs interactions, analyse couplée à des données omiques, auront alors un impact sur la santé (conception de médicaments), sur la santé publique (médicaments/compréhension de la toxicité des dérivés chimiques) et sur l'environnement (impact des polluants sur l'écosystème).