La pharmacométrie se définit comme la science de la pharmacologie clinique quantitative. La pharmacologie étudie l'interaction entre notre organisme et le médicament, ce terme désignant « toute substance ou composition [...] exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique » (article L. 5111-1 du Code de la santé publique). Cette interaction bidirectionnelle recouvre la pharmacocinétique (PK), ce que notre organisme fait subir au médicament, et la pharmacodynamie (PD), ce que le médicament fait subir à notre organisme.
La PK est principalement étudiée au travers de l'évolution de la concentration en fonction du temps, souvent résumée par des paramètres comme l'aire sous la courbe (AUC), mesurant l'exposition totale, et de la demi-vie, définie comme le temps requis pour diminuer de moitié la quantité de médicament dans le système.
L'activité PD est, quant à elle, plus diverse dans sa nature. Les marqueurs de cette activité dépendent de la réponse considérée, biologique ou clinique, continue ou discrète. L'étude conjointe de la PK et de la PD d'un médicament permet de définir la marge thérapeutique comprise entre les doses ou les concentrations minimale et maximale requises pour observer un niveau de réponse respectivement efficace et toxique.
Les marqueurs PK/PD sont recueillis au cours du développement du médicament chez des volontaires sains en phase I, puis chez des patients en phase II, avec respectivement un accent sur la toxicité puis l'efficacité. Dès la phase II, et jusqu'en routine clinique, la variabilité présente entre les sujets (dite inter-sujet ou interindividuelle) est quantifiée et explorée afin de pouvoir en définir les sources et évaluer la nécessité d'une personnalisation du traitement à travers la dose et/ou la posologie.
La pharmacométrie regroupe les techniques permettant de caractériser l'activité PK et PD, et dans quelle mesure cette activité varie d'un sujet et/ou d'une occasion à l'autre, ainsi que de prédire et de simuler ces activités afin de fournir des critères rationnels à la prise de décision. Cette discipline a pris son essor lors des dernières décades, avec le développement de méthodes dites « de population », reposant sur l'utilisation des modèles non linéaires à effets mixtes. Ces méthodes contrastent avec les analyses en deux étapes utilisées auparavant : les marqueurs de l'activité PK et PD étaient estimés individuellement, puis leur valeur moyenne et leur variabilité calculées. L'estimation individuelle nécessite un nombre élevé de prélèvements par sujet, et n'est utilisable que dans les études précoces lors du développement clinique. Dans les études ultérieures, où le nombre de patients est plus grand, mais le nombre de prélèvements par patient réduit, ou dans les populations fragiles (patients immunodéprimés, personnes âgés, patients avec des pathologies concomitantes, enfants...), où le nombre de prélèvements doit rester minimal, les approches de population permettent d'analyser toutes les observations simultanément et s'aident des sujets avec plus de prélèvements pour inférer les sujets moins informatifs, en s'appuyant sur des hypothèses statistiques et mécanistiques.
Cet article présente les données rencontrées en pharmacologie clinique, les modèles dynamiques et statistiques qui sous-tendent l'approche de population, puis les méthodes d'estimation des paramètres des modèles, et de construction et de validation de modèles. Pour finir, les méthodes d'évaluation et d'optimisation des protocoles qui s'appuient sur ces modèles sont présentées, et l'ensemble de ces outils ainsi que leur extension sont discutés. Tout au long de cet article, nous illustrons nos propos par une application à la PK/PD de la warfarine.