Dans son livre « La logique du vivant » , François Jacob citant Jean Perrin disait que « dans le monde du vivant comme ailleurs, il s’agit toujours d’expliquer du visible compliqué par de l’invisible simple ». Mais, dans les êtres comme dans les choses, c’est un invisible à « tiroirs ». Il n’y a pas une organisation du vivant, mais une série d’organisations emboîtées les unes dans les autres comme des poupées russes.
Si la biologie nous a révélé au cours de ces derniers siècles, et particulièrement celui qui vient de s’achever, l’infinie diversité des formes vivantes, pourtant toutes issues d’un nombre limité d’atomes, la physique et la chimie ne sont pas en reste. Elles nous ont révélé d’autres poupées russes incluses dans celles représentant le monde vivant et concernant les atomes et les molécules.
Un spectaculaire exemple, souvent cité, décrivant à merveille comment une entité (relativement simple) qui peut, à l’état solide, cristalliser suivant des organisations spatiales différentes, est celui du carbone. Rappelons en effet que, suivant la façon dont les atomes sont distribués, cela peut donner naissance au diamant ou au graphite. Il est à peine utile de souligner combien les propriétés physicochimiques de ces deux entités sont très différentes, et ce simplement parce qu’un même atome est spatialement distribué différemment à l’état solide.
Dans le cas des corps simples, l’aptitude des atomes à pouvoir exister à l’état solide sous différentes formes cristallines s’appelle l’allotropie. Cette même possibilité existe au niveau des molécules inorganiques et organiques. On parle alors de polymorphisme. Nous verrons plus loin une définition précise du phénomène.
Dans la plupart des cas, les différentes formes cristallines obtenues pour une même molécule auront des propriétés physiques et chimiques plus ou moins différentes.
Dès lors qu’un domaine d’activité technique mettra en œuvre des entités atomiques ou moléculaires (minérales comme organiques), les conséquences liées au polymorphisme devront être envisagées de façon précoce, si l’on veut éviter des problèmes aussi différents que le retrait du marché d’un médicament ou que le vieillissement du chocolat ou de la margarine, par exemple.
Pour une étude plus théorique du polymorphisme, le lecteur peut consulter les articles « Cristallisation et polymorphisme » [AF 3 640], [AF 3 641], [AF 3 642] parus dans les Techniques de l’Ingénieur.