Les procédés de cristallisation et de précipitation ont pour objectif de produire à l’échelle industrielle, une population de cristaux dont, par exemple, la structure cristalline, la taille, la distribution de taille, le faciès, la qualité physique et chimique (pureté, composition des co-cristaux), la porosité (et donc la surface spécifique) doivent être contrôlés. À ce large éventail de propriétés (parfois antinomiques), vient s’ajouter le couplage entre l’hydrodynamique du réacteur de cristallisation et les processus physicochimiques, souvent complexes, responsables de la formation des cristaux. La connaissance des processus fondamentaux de cristallisation reste donc un enjeu crucial compte tenu de la grande diversité des interactions moléculaires en solution et de l’influence croisée des paramètres du procédé (température, concentration impuretés, agitation du milieu).
De nombreux domaines sont concernés : chimie de base, chimie fine, pharmacie, alimentaire, matériaux, pigments, catalyseurs...Les besoins actuels sont surtout d’améliorer la fabrication des cristaux sur le plan de la répétabilité des propriétés, et de développer de nouvelles fabrications à l’échelle commerciale.
Les systèmes microfluidiques de goutte permettent de miniaturiser le réacteur de cristallisation et de générer une multitude de gouttes « microcristallisoirs » circulant dans des canaux dans un liquide porteur et permettant d’atteindre de nombreuses conditions de cristallisation contrôlées au sein de chacune de ces gouttes. Ces dispositifs permettent de générer un grand nombre d’évènements de cristallisation et de suivre séparément les cinétiques de nucléation et de croissance des cristaux. Par exemple, il est possible avec ces outils microfluidiques de mesurer plusieurs points de la courbe de solubilité d’un soluté, en peu de temps, et avec une faible quantité de produit. Ces systèmes permettent aussi de révéler diverses formes polymorphiques, et de quantifier la cinétique de nucléation. Ces expériences apportent de nouvelles données par rapport aux mesures classiques effectuées dans de grands réacteurs.
Il est donc important de choisir sa puce microfluidique en fonction du produit ciblé et des données que l’on souhaite acquérir. Aujourd’hui, plusieurs technologies permettent de dessiner et fabriquer la géométrie des canaux ou les puits de stockage des gouttes. Ces puces microfluidiques sont couplées à différentes méthodes d’analyse locale de la goutte par imagerie ou spectroscopie, et conduisent à faire progresser la science et la technologie liées à la cristallisation industrielle.
L’objectif de cet article est de fournir les éléments de connaissance permettant de choisir son dispositif de microfluidique de gouttes, à la fois sur le plan des matériaux qui le constituent, de la conception des écoulements et des mélangeurs de solutions et des capteurs qui permettront d’enregistrer les évolutions des produits qui cristallisent.
Dans un premier temps, cet article présente, trois méthodes de création de la sursaturation de la solution au sein des gouttes, couramment utilisées : la cristallisation par réaction chimique, l’ajout d’un antisolvant et la voie thermique par changement de température de la goutte ou évaporation de la solution. Puis, dans une deuxième partie, les technologies de fabrication des dispositifs microfluidiques et les matériaux qui les constituent sont présentés, ainsi que les critères de choix. Le choix du matériau ainsi que la géométrie du système microfluidique dépend de l’application visée (types de solvants et de soluté) et du phénomène à étudier (nucléation, croissance, polymorphisme). Enfin, la dernière partie présente le couplage entre les méthodes de caractérisation in situ et les systèmes microfluidiques de gouttes. Les techniques de microscopie et analyse d’images, de spectroscopie Raman, de spectroscopie et imagerie IR et de spectroscopie UV sont décrites.
Un tableau de notations est placé en fin d’article.