Le progrès technique est un progrès, il a donc par définition des effets positifs. Cependant, on observe souvent des effets secondaires ou collatéraux qui peuvent être négatifs pour la société. Avec l'aviation civile, les possibilités offertes pour le transport des personnes à l'échelle intercontinentale ont révolutionné nos civilisations, et notamment l'économie ; l'aérien est au transport des personnes ce que l'informatique est à la circulation de l'information. Simultanément, l'impact environnemental du trafic aérien ne peut être contesté. Il est aujourd'hui bien documenté et ses conséquences négatives sont même évaluées monétairement (la politique du pollueur-payeur vise à internaliser ces coûts qui sont actuellement des externalités). À l'échelle mondiale, on connaît les émissions des moteurs d'avions et donc la contribution du transport aérien au réchauffement climatique. À l'échelle locale, l'impact du bruit des avions sur la vie des riverains d'aéroports a nécessité la mise en place de mesures visant à le maîtriser, c'est-à-dire en premier lieu à le quantifier, puis en garantir le plafonnement, voire la décroissance. La maîtrise de l'impact du bruit des avions nécessite de le surveiller. Surveiller, pour prévenir, c'est avoir à l'œil, épier ou guetter, et pour prouver il faut conserver la trace de la surveillance. Tout contrôle est contre rôle, enregistrement, car seule la mémoire de la surveillance peut témoigner de l'évolution des situations et des éventuelles rétroactions.
Surveiller, c'est veiller sur. Dans la vision orwellienne du Big Brother is watching you, surveiller présuppose une menace. Dans le cas du bruit des avions, la menace pour les populations riveraines d'aéroport n'est pas que la gêne sonore ressentie. En arrière-plan, il y a d'autres facteurs, comme la hantise de la perte de valeur du patrimoine, voire la crainte de l'accident. Pour la majorité des riverains d'aéroport, le survol est aujourd'hui un facteur de gêne globale plus souvent exprimé que le bruit lui-même. C'est la raison pour laquelle les systèmes de surveillance intègrent les trajectoires des avions, on parle de « systèmes de monitorage intégré ». Surveiller le bruit, c'est donc aussi surveiller le ciel, et entrer par-là dans le domaine de la gestion de l'espace aérien, un espace dont l'usage est mixte, civil et militaire, et donc nécessairement régalien.