Les premiers isonitriles ont été obtenus par Lieke en 1859 puis synthétisés et identifiés par Hoffman et Gautier moins de dix ans plus tard. Ces composés, isomères de nitriles possédant un carbone terminal divalent, sont restés de simples curiosités de laboratoire pendant de nombreuses années. Malgré l'intérêt théorique et le fort potentiel synthétique de ces dérivés carbonés à valence inusuelle, l'odeur désagréable des composés les plus simples a probablement dissuadé la plupart des chimistes d'en étudier les propriétés. Pendant des dizaines d'années, les isonitriles restèrent donc associés à la réaction carbylamine de Hoffman utilisée comme test caractéristique des amines primaires. En 1921, Passerini décrit le premier couplage à trois composants entre acides carboxyliques, dérivés carbonylés et isonitriles, mais ces travaux restent méconnus durant la première moitié du vingtième siècle. L'extension aux imines n'est découverte que près de quarante ans plus tard par Ugi, elle constitue la première réaction à quatre composants relativement efficace et générale.
Toutefois, la réaction de Ugi n'est vraiment réellement utilisée qu'au début des années 1980 ; très peu d'isonitriles sont alors commercialement disponibles. L'impulsion provient tout d'abord de l'industrie pharmaceutique qui associe le caractère multicomposant de ces couplages avec la possibilité de créer rapidement des librairies importantes de composés pour le screening biologique. De nombreuses équipes industrielles s'emparent de cette réaction et la transforment en un outil très efficace pour la préparation de structures hétérocycliques biologiquement actives (pharmacophores hétérocycliques tels que : pyrazines, indoles, imidazoles...). Les réactions multicomposants impliquant des isonitriles font aujourd'hui partie des outils standards de la recherche pharmaceutique.
Plus récemment, l'avènement de la chimie verte et le besoin de concevoir des procédés chimiques plus en phase avec les attentes sociétales éclairent d'un jour nouveau ces domaines. La réduction de l'emploi de solvant organique ainsi que l'optimisation des voies de synthèse ont toujours été des préoccupations fortes chez les industriels pour des raisons d'optimisation des coûts. Elles rejoignent aujourd'hui des enjeux plus importants en terme de communication et surtout de maintien d'activités industrielles proches de zones urbaines. Les synthèses organiques industrielle et académique se structurent donc aujourd'hui de plus en plus autour des concepts d'économie d'atomes et d'étapes. Et parmi les exemples les plus aboutis de ces nouveaux principes figurent en bonne position l'utilisation d'isonitriles dans des réactions multicomposants : la grande diversité structurale accessible en une seule étape permet, en effet, d'envisager des schémas synthétiques de substrats complexes en un nombre global d'étapes très limité. En terme de chimie verte, les éléments les plus caractéristiques des réactions multicomposants impliquant des isonitriles restent l'utilisation de milieux particulièrement concentrés (l'eau peut même être utilisée en tant que solvant) avec, comme seul sous-produit, une unique molécule d'eau.
Dans un premier temps, nous détaillerons les synthèses d'isonitriles les plus classiques ainsi que la réactivité générale de ces composés. Nous présenterons ensuite plus en détail les réactions multicomposants les plus importantes de cette famille de composés.