Les entreprises agroalimentaires sont particulièrement concernées par les démarches de Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), du fait de leur incidence forte sur les environnements naturels, sociaux et économiques – les trois piliers de la responsabilité sociétale – autrement dit, de leur rôle en tant qu’acteurs majeurs du développement durable.
Dans un premier temps, cet article contextualise la RSE dans l’histoire récente de l’environnement agroalimentaire français et européen, tant sur le plan institutionnel que professionnel. En effet depuis 2008, les institutions publiques, nationales et communautaires ont largement investi sur le sujet. Cependant, le monde professionnel a lui aussi innové et les démarches qui émergent aujourd’hui sont souvent les héritières d’initiatives plus anciennes en matière d’agriculture biologique, d’environnement, d’agriculture durable, de commerce équitable et de développement local. La RSE se situe donc – au moins partiellement – dans la continuité stratégique d’acteurs engagés en faveur de leur environnement et soucieux d’identifier les impacts négatifs ou positifs de leurs actions sur celui-ci.
Dans un deuxième temps, sont développées des initiatives concrètes majeures prises en agroalimentaire par des collectifs d’entreprises, des entreprises ou des organismes, notamment depuis la parution en novembre 2010 de la norme ISO 26000. La création de cette norme et son adaptation rapide à l’agroalimentaire constituent un tournant majeur pour la RSE, car elle permet d’intégrer, dans une approche officielle et internationalement reconnue, les trois piliers de la démarche (environnement, économique et social). Pour autant, l’approche par la norme n’épuise pas la complexité et la diversité des initiatives, car la RSE peut se concrétiser sous de multiples formes, reflétant des orientations stratégiques différentes et des ambitions contrastées par rapport aux trois piliers, mais aussi des situations objectives distinctes selon les secteurs concernés : opposition entre PME et grands groupes, poids du secteur coopératif, initiatives sectorielles structurantes, initiatives privées de promotion de la démarche RSE, etc.
La conclusion met en perspective les stratégies RSE initiées en agroalimentaire dans une vision à la fois contextuelle, historique et stratégique :
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contextuelle, car fortement marquée par les spécificités techniques du secteur, ainsi que par les environnements institutionnels et professionnels français et communautaires ;
historique, car le concept et ses pratiques ont fortement évolué sous l’impulsion des entreprises, des démarches collectives et de l’influence grandissante des parties prenantes ;
stratégique, car il s’agit avant tout d’appréhender la RSE comme une démarche de légitimation, de différenciation, voire de conquête de marchés pour les entreprises individuelles comme pour les collectifs d’entreprises ou les secteurs professionnels.
La RSE constitue un véritable changement de paradigme pour le secteur agroalimentaire, car elle est porteuse d’une nouvelle manière de penser l’entreprise, sa légitimité et sa relation aux autres composantes de la société. Elle se présente comme une démarche active, par laquelle elle entend prendre conscience de son appartenance à un environnement et des conséquences de ses interventions au sein de celui-ci, mais aussi en corriger ou en anticiper les conséquences potentiellement négatives. C’est un concept global de prise en compte des enjeux environnementaux (au sens large) et de leur intégration dans le champ des décisions stratégiques et opérationnelles de l’entreprise. Il laisse une large place à l’interprétation en termes d’objectifs, de choix de piliers ou de mise en œuvre concrète. Par ailleurs, l’importance de chacun des trois piliers doit être appréhendée en lien avec les spécificités du contexte sectoriel.
Le poids économique des entreprises agroalimentaires françaises leur confère des responsabilités sociétales importantes. Leurs liens avec la grande distribution et avec l’agriculture ont un fort effet d’entraînement et induisent des implications économiques, sociales et environnementales. L’environnement, l’emploi, la qualité et la sécurité alimentaire constituent des préoccupations permanentes, tant pour les consommateurs que pour la puissance publique. Il est donc capital que les entreprises gèrent les risques en matière de qualité, d’hygiène et de sécurité. De plus, l’appartenance du monde agricole à leur chaîne d’approvisionnement leur donne un rôle structurant pour les territoires. Leurs exigences en termes de prix, de volume et de qualité ont des impacts majeurs sur un tissu de plusieurs centaines de milliers d’entreprises et de plusieurs centaines de milliers d’emplois. Il leur faut également prendre en compte la problématique du transport et ses impacts environnementaux. Enfin, les enjeux concernant la santé publique et les relations de travail sont eux aussi cruciaux. Sans entrer davantage dans les détails, on comprend que le secteur agroalimentaire, situé au carrefour de l’alimentation, l’agriculture et l’utilisation des ressources naturelles, irrigue puissamment l’économie (directement ou via sa chaîne d’approvisionnement) et constitue un acteur potentiel majeur de la RSE.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes utilisés.