Le terme « biodiversité », apparu dans les années 1980, désigne simplement la diversité du monde vivant. Souvent comptabilisée en nombre d’espèces, la biodiversité n’est pourtant pas qu’affaire de nombres et le terme doit être pris dans une acception très large : diversité génétique au sein d’une population, diversité des interactions (par exemple entre plantes et herbivores), diversité des fonctions (assimilation d’azote, utilisation de l’eau...) au sein des écosystèmes... L’étude de la biodiversité recouvre donc l’ensemble de l’écologie scientifique, mais le terme, comme le note J. Clavel, a certainement « donné une légitimité scientifique à la préservation de la nature auprès des politiques ». Si l’on parle beaucoup de biodiversité, c’est en effet largement par la prise de conscience de son érosion sous l’effet des activités humaines et des conséquences de cette érosion.
Les interactions de tous ordres entre l’homme et la biodiversité font donc de celle-ci un sujet brûlant : sujet d’actualité pour le public, à propos par exemple de la raréfaction des abeilles et d’autres insectes pollinisateurs ; sujet de recherche fondamentale pour les scientifiques, qui explorent les mécanismes de diversification qui nous ont fait passer en près de 4 milliards d’années des premières bactéries à des organismes géants tels que séquoias et baleines ; sujet d’attention de la part de gestionnaires et décideurs de toute nature, par exemple pour la négociation de quotas de pêche ou lors d’aménagements d’infrastructures de transport.
La recherche contribue à éclairer les questions évoquées ci-dessus, dans un continuum qui va du plus fondamental au plus finalisé, et qui fait largement appel à une ingénierie écologique au sens large. Comme tous les autres domaines scientifiques, l’étude de la biodiversité est devenue, avec l’essor des ordinateurs, fortement quantitative : du recueil automatisé de données à la modélisation, en passant par de multiples types d’analyses statistiques.
L’objet de cet article est donc de passer en revue à l’intention des ingénieurs les principaux champs d‘intervention de la bioinformatique et biomathématique dans l’étude de la biodiversité. Après quelques exemples de questions appliquées typiques dans l’étude de la biodiversité, la présentation suivra les niveaux d’organisation du vivant que sont les populations (individus d’une même espèce en interaction), les communautés (ensembles d’espèces en interaction), puis les écosystèmes, c’est-à-dire des portions d’espaces incluant les êtres vivants et les éléments physiques et soumises à des flux de matière et d’énergie. Nous conclurons en développant l’intervention des mathématiques et de l’informatique dans quelques thèmes transversaux. La bibliographie mélange librement textes de référence et exemples illustratifs, mais peut servir de point de départ à des investigations plus approfondies.