Les gaz rares, encore appelés gaz nobles, sont des éléments chimiques appartenant au groupe « 0 » du tableau périodique. Ce sont, dans les conditions normales de température et de pression (273 K, 1 atm), des gaz monoatomiques de symboles respectifs He (Hélium), Ne (Néon), Ar (Argon), Kr (Krypton) et Xe (Xénon). Leurs couches électroniques externes saturées, à deux électrons pour He et à huit pour Ne-Ar-Kr et Xe, leur confèrent une caractéristique physique particulière, à savoir une inertie chimique vis-à-vis des autres éléments et ils sont, de ce fait, considérés comme d'excellents traceurs géochimiques. Chaque gaz rare possède plusieurs isotopes : 2 pour l'hélium (3-4He) ; 3 pour le néon (20-21-22Ne) et l'argon (36-38-40Ar) ; 6 pour le krypton (78-80-82-83-84-86Kr) et enfin 9 pour le xénon (124-126-128-129-130-131-132-134-136Xe), et leurs compositions isotopiques n'ont cessé d'évoluer depuis l'accrétion de la Terre, il y a 4,56 milliards d'années, par des réactions nucléaires qu'elles soient de nature radiogénique (radioactivité), nucléogénique (réactions nucléaires) ou encore cosmogénique (production d'isotopes par interactions avec le rayonnement cosmique). Par ailleurs, l'ensemble des réservoirs terrestres contenant les gaz rares (atmosphère, croûte et manteau superficiel et profond) ont vu leurs compositions élémentaires et isotopiques se modifier également suite :
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au dégazage ;
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à la différentiation du manteau ;
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aux fuites (hélium) dans l'espace au niveau de la haute atmosphère ;
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à l'activité humaine depuis la révolution industrielle (apport dans l'atmosphère d'hélium radiogénique suite à l'exploitation des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole) et apport tritiogénique suite aux essais nucléaires dans l'atmosphère qui ont généré du 3He par décroissance de 3H).
La géochimie des gaz rares est devenue de nos jours un outil incontournable pour étudier le système solaire et en particulier la planète Terre. Pour cela, les compositions élémentaires et isotopiques des gaz rares peuvent être étudiées à partir d'un échantillonnage « d'objets », qu'ils soient :
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solides (roches et minéraux issus du manteau et de la croûte terrestre) ;
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liquides (eaux et fluides souterrains) ;
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gazeux (gaz atmosphériques, volcaniques, géothermaux, hydrocarbures gazeux).
Dans cet article, sont décrites les techniques d'extraction les plus utilisées dans les laboratoires de recherches qui permettent d'accéder aux gaz rares piégés dans les roches et les minéraux. La description des schémas et les aspects pratiques indiqués pour chacune des méthodes doivent permettre aux ingénieurs de développer en toute autonomie leur propre système d'extraction en adéquation avec leurs problèmes analytiques.
Le choix d'une méthode parmi d'autres peut parfois s'avérer difficile et doit être déterminé après mûres réflexions. Il est dicté généralement par le type d'échantillon (roche totale, minéraux séparés, lame mince ou épaisse), la phase analysée (matrice, inclusion fluide, granulométrie des minéraux) et les concentrations en gaz rares présents dans l'aliquot analysé. Deux autres articles complémentaires décrivent les méthodes de purification et de séparation des gaz rares ainsi que de leurs analyses par spectrométrie de masse en mode statique.
La composition chimique de notre atmosphère se compose de N2 (78 %), O2 (21 %) et de CO2 , gaz rares, O3 , H2 , H2O (1 %). Les gaz rares, dont les quantités sont constantes dans l'air, ont des abondances très différentes les unes par rapport aux autres. L'argon, le plus abondant (9 340 ppm volume) pourrait être considéré comme un gaz majeur de notre atmosphère alors que les autres y sont en très faibles concentrations avec 5,24 ppm volume, 18,18 ppm volume, 1,14 ppm volume et 0,09 ppm volume pour He, Ne Kr et Xe respectivement. Bien que paraissant négligeables (hormis Ar), ces quantités n'en demeurent pas moins une source de pollution importante pour l'analyse des gaz rares piégés dans les roches et imposent aux ingénieurs de développer des systèmes d'extraction travaillant à très basse pression, c'est-à-dire à 10–8 à 10–9 mbar (domaine de l'ultravide UHV) afin de réduire au maximum la quantité des gaz rares d'origine atmosphérique.