La première utilisation connue des gaz liquéfiés comme solvant d’extraction de produits naturels remonte à 1930 aux USA avec un procédé breveté par E. R. EBENEZER pour l’extraction d’huiles à partir de graines oléagineuses. En France, les gaz liquéfiés ont été utilisés la première fois en 1940 pour l’extraction de composés odorants à partir de matières premières fragiles, en particulier des fleurs.
Le n-butane a été le premier gaz liquéfié à avoir été mis en œuvre car son point d’ébullition (− 1 °C) permet de le liquéfier aisément sous faible pression pour extraire des molécules lipophiles, mais sans pour autant laisser de trace dans le produit final une fois évaporé. Depuis, de nouveaux gaz liquéfiés ont été testés et de nouvelles applications sont apparues, principalement liées à l’extraction d’huiles végétales et d’extraits odorants. Bien qu’efficaces et ne laissant aucune trace dans l’extrait final, ils ont été délaissés pour des raisons économiques au profit d’autres solvants liquides organiques pétrochimiques (hexane, benzène, toluène, dichlorométhane…) alors plus simples à mettre en œuvre industriellement.
Cependant, l’intérêt croissant du marché des ingrédients vers des produits d’origine naturelle de qualité supérieure, associé au durcissement de la réglementation visant à protéger notre environnement mais surtout la santé des opérateurs et des consommateurs, ont poussé les industriels à rechercher des alternatives plus en phase avec les principes de la chimie verte. La recherche académique et industrielle a permis de trouver plusieurs solvants alternatifs, néanmoins aucun d’entre eux n’a pour l’instant réussi à supplanter l’hexane dans l’industrie. L’alternative la plus sérieuse est l’utilisation de procédés d’extraction au CO2 supercritique, qui permet d’extraire efficacement des composés lipophiles à des températures généralement modérées (de 30 à 70 °C) et sans laisser de traces dans l’extrait. Néanmoins, les pressions nécessaires pour atteindre l’état supercritique (entre 100 et 1 000 bar, selon la température du procédé) limitent son utilisation à des produits à très haute valeur ajoutée du fait du coût d’investissement important pour une installation industrielle. Ce frein au développement des procédés au CO2 supercritique a permis aux gaz liquéfiés de devenir des alternatives tout à fait crédibles aux solvants existants, puisqu’ils permettent eux aussi d’extraire des composés lipophiles à température ambiante, sans laisser de traces dans le produit final, avec une faible consommation énergétique et pression modérée (1-10 bar) qui facilite sa mise en œuvre à l’échelle industrielle.
Il n’existe en 2018 que très peu d’études traitant de l’utilisation des gaz liquéfiés comme solvants d’extraction à l’échelle industrielle. Afin de permettre aux lecteurs mieux appréhender le procédé de façon globale, cet article présente :
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les principaux types de gaz liquéfiés et en quoi ils sont potentiellement de bons solvants ;
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comment ces gaz liquéfiés sont mis en œuvre industriellement pour extraire des composés d’intérêt ;
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les applications existantes et potentielles ;
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les impacts en termes de sécurité, de réglementation et d’empreinte environnementale.