Altshuller classifie les lois d’évolution des systèmes techniques en trois groupes : statique, cinématique et dynamique. Voici une brève description de leur signification.
Les lois « statiques »
Les lois statiques donnent une vision immobile, à un instant (t) du système. Elles ont pour objectif de vérifier l’intégralité structurelle et fonctionnelle du système.
Loi 1 : Intégralité
Pour qu’un système assure sa fonction principale, il est indispensable qu’il possède quatre parties fondamentales remplissant idéalement leur rôle dans son fonctionnement. Ces parties doivent être identifiées dans l’objet technique existant ou associées pour la première fois dans le cas d’une étude sur un objet technique qui n’existe pas encore mais dont la fonction principale utile a déjà été définie. Les quatre parties principales sont :
- l’élément moteur : sa fonction est de transformer l’énergie extérieure en énergie utile au fonctionnement du système ;
- l’élément de transmission : qui véhiculera cette énergie vers l’élément de travail ;
- l’élément de travail : qui, aux confins du système étudié, assurera le contact physique entre notre système et l’élément physique sur lequel il agit ;
- l’élément de commande : dont la fonction principale est de réagir aux variations de fonctionnement du système en s’auto-adaptant par une modification de sa forme, de sa structure, et de ses sorties informationnelles.
Notons dans le schéma illustrant la figure 1, la présence d’une forme d’énergie qui « alimente » le système technique et permet la réalisation de sa FPU.
Les corollaires à cette loi sont les suivants :
- chaque élément doit participer pleinement au bon fonctionnement du système ;
- au moins une des parties doit être contrôlable pour subir les variations de l’élément de commande.
La représentation graphique de la loi 1 (figure 1) a pour objectif de spécifier les interrelations entre les parties du système et sert aussi à délimiter le contour physique du système étudié.
Figure 1 : Représentation schématique de la loi 1
Loi 2 : Conductibilité
Une condition nécessaire au fonctionnement d’un système est la circulation libre et efficace de l’énergie au travers de ses parties. De plus, tout système technique agit tel un convertisseur d’énergie. Par conséquent, l’énergie doit être transférée fidèlement et sans perte du moteur via la transmission aux organes de travail et de commande. La transmission d’énergie d’une partie à une autre peut être matérielle (arbre, pignon, levier, fluide, gaz...), ou de type champ (magnétique, électrique, thermique) ou une combinaison des deux. Le bilan énergétique des pertes du rapport énergie d’entrée (développée par l’élément moteur) sur énergie de sortie (délivrée par l’élément de travail) est un indicateur important du respect ou du non-respect de la loi 2.
Loi 3 : Harmonisation
Une condition indispensable au fonctionnement optimal d’un système consiste à établir une coordination du rythme (fréquence, vibrations, périodicité, résonance) de toutes ses parties. Toute inadéquation entre le rythme de fonctionnement d’une partie et d’une autre engendre inéluctablement une perte d’efficacité qui nuit aux bonnes performances du système. Il est alors essentiel d’établir une harmonie entre les parties (ou leur composantes) dans l’objectif d’un meilleur fonctionnement.
Quatre directions générales d’harmonisation sont préconisées comme une évolution logique d’un système vers une meilleure performance :
- accorder l’action d’un champ avec la fréquence propre de l’objet ou de l’outil ;
- accorder (ou désaccorder volontairement) les fréquences des champs entre eux ;
- utiliser les pauses d’une action comme sources de placement du déroulement d’une autre action utile ;
- utiliser, dans le cas d’un mesurage ou d’une détection, l’accord (ou le désaccord) de la fréquence d’un système avec celle d’un champ extérieur comme moyen d’évaluation.
Les lois « cinétiques »
Dans les lois cinématiques, le système est désormais observé dans un repère espace/temps plus ample. L’analyse ne porte donc plus sur l’observation actuelle du système mais s’étend vers son passé (plusieurs étapes antérieures) de manière à repérer les inadéquations avec les lois cinématiques.
Loi 4 : Idéalité
Le développement de tout système technique tend vers son niveau le plus élevé de perfectionnement (l’idéal). Par définition, un système technique idéal est un système dont le poids, le volume et la surface cherchent à se réduire au maximum (voire à disparaître) sans toutefois diminuer ses performances. Autrement dit, un système technique idéal est un système « qui n’existe pas » mais qui continue d’assumer les fonctions qui lui sont propres. Dans la pratique, les systèmes évoluent vers l’idéal quand leurs performances fonctionnelles s’améliorent alors que les coûts diminuent. Cette notion d’idéalité est essentielle dans la TRIZ, certains auteurs avancent que l’idéalité est une « méta » loi et reste toujours vraie quel que soit l’état de maturité de l’objet. Pour symboliser cette approche, une formule l’illustrant a été donnée.
Loi 5 : Développement inégal
Les parties d’un système se développent de manière inégale. Plus l’évolution des parties est inégale et plus le système devient complexe. Il en résulte une apparition de contradictions physiques et techniques qui, à leur tour, entraîneront des problèmes (de nouvelles contradictions) pour le développement futur du système. L’évolution logique du système ne sera alors possible qu’au travers de la résolution de ces « nouvelles » contradictions.
Loi 6 : Transition vers un super-système
Un système ayant épuisé toutes ses possibilités de développement peut fusionner avec un super-système en tant qu’une de ses composantes. Tout développement ultérieur de ce sous-système passera alors par le développement du super-système. Notons qu’il est possible d’étendre, dans cette loi, la notion de super-système au système adjacent qui, s’il peut assumer les fonctions du système étudié, élimine la nécessité de son existence. L’analogie à la notion d’intégration de fonction est ici clairement formalisée, elle participe également à l'évolution de notre système vers l’idéalité. On remarquera que cette loi annonce plutôt la fin de vie d’un système technique.
Les lois « dynamiques »
Cette famille de loi se singularise des deux précédentes par le fait qu’un système donné doit choisir s’il évolue en direction de la loi 7 et 9 ou 8 et 9. Elles sont en fait une projection vers le futur de notre système qui, en toute logique, est amené à ne suivre que l’une des deux voies. Le choix de poursuite de vie de notre système en accord avec les lois 7 et 9 ou 8 et 9 n’est cependant pas complexe tant leurs directions sont différentes. Le concepteur peut donc aisément, en se projetant dans la logique de la loi, observer si une voie est aberrante et l’autre probable.
Loi 7 : Transition vers le micro-niveau
Le développement des organes de travail du système passe d’abord par le macro-niveau et évolue ensuite vers le micro-niveau. La notion de macro-niveau et de micro-niveau est directement liée au niveau structurel observé (solide, granulés, poudre, liquide, champs). Cette loi reflète la tendance de l’évolution des systèmes techniques vers une miniaturisation des composantes du système, tel qu’en microélectronique, en micro-instrumentation et dans la mécatronique. Le stade ultime du développement pouvant éventuellement être interprété comme une évolution vers le « nano-monde ».
Il existe donc quatre types de transition possibles :
- du macro-niveau au macro-niveau ;
- du macro-niveau au micro-niveau ;
- du micro-niveau au micro-niveau ;
- du micro-niveau au macro-niveau.
La tendance du macro-niveau au micro-niveau est une tendance importante de développement des systèmes techniques modernes qu’il faut privilégier alors que la transition du micro-niveau au macro-niveau est déconseillée car elle provoque dans la plupart de cas un retour en arrière. Les deux autres cas ne sont, pour leur part, que peu innovants.
Loi 8 : Dynamisation (par l’augmentation de la contrôlabilité)
Le développement des systèmes techniques de type monobloc tend toujours vers un niveau plus élevé de dynamisme et de contrôlabilité. Selon cette loi, des systèmes rigides cherchent à se segmenter tout en favorisant une contrôlabilité plus efficace par une transition des champs de contrôle allant de champs mécaniques vers des champs électriques puis de champs magnétiques enfin vers des champs électromagnétiques.
Cette évolution ne se fera qu’à la condition qu’un dynamisme accru n’engendre pas une perte de contrôlabilité et que, de ce fait, la compatibilité entre les composantes du système soit elle aussi accrue.
Loi 9 : Dynamisation (par l’ajout d’associations Substances-Champ)
Le développement des systèmes techniques passe parfois par une légère complexification (cette loi semble certes un peu en contradiction avec la loi 4) mais l’idée est de ne pas complexifier sans raisons objectives : un apport substantiel en termes de fonctionnalités peut justifier un accroissement des composants si ce dernier a du sens quant à l’évolution fonctionnelle de l’objet.
Cette évolution ne se fera qu’à la condition que l’idéalité de l’objet progresse, en d’autres termes que le rapport fonctionnalité nouvelle sur coûts engendrés, soit nettement positive en regard du gain fonctionnel apporté.
Pour être appliquées à un système technique, les lois doivent se comprendre comme des directions « habituelles » que prennent les systèmes techniques analysés par les auteurs de la TRIZ. Il convient donc, lors de leur interprétation, de rester en accord avec leur définition et d’imaginer si l’état de maturité actuel du système à l’étude laisse apparaître des lacunes par rapport à une loi spécifique ou s’il la suit presque totalement.
Figure 2 : Enchaînement possible des lois dans la logique d’évolution d’un système technique
Exemple d’interprétation des 9 lois pour le cas d’un arrosoir.