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Better Place va-t-elle ressusciter ?

Posté le par La rédaction dans Entreprises et marchés

Le dépôt de bilan de Better Place, une entreprise spécialisée en électro-mobilité et qui constitue une véritable pépite en matière d’innovations, attire plusieurs acteurs israéliens, canadiens et français.

Renault avait déjà repris le business-model de Better Place basé sur la séparation de la voiture électrique et de la batterie, permettant de vendre le véhicule au même prix que son équivalent thermique. Voici à présent que le géant français EDF, selon la presse israélienne, se montre intéressé par le système de gestion informatique des bornes de recharge Better Place. Les stations échangeuses de batteries intéressent de leur côté Yosef Abramowitz, PDG d’Arava Power,  une entreprise leader du solaire photovoltaïque en Israël, et aussi d’Energiya Global Capital qui diffuse les technologies solaires dans les pays en voie de développement. Des entreprises canadiennes (Québec) seraient également de la partie. 

Superchargeurs ou stations d’échange de batterie ?

Dans les stations échangeuses BetterPlace, en seulement une minute, la batterie vide est remplacée par une batterie chargée à 100%. Pour Shaï Agassi, fondateur de Better Place, ces stations constituent une facette optionelle de la solution complète de mobilité durable qu’il a conçue. Moins de 10% des trajets quotidiens font plus de 100 km. Autrement dit, sans les stations échangeuses, le véhicule électrique reste une option intéressante pour 90% des trajets. 

L’autre solution pour les trajets longue distance, ce sont les superchargeurs qui permettent de charger à 80% la batterie en 30 minutes. La différence est donc très significative et une solution qui implique d’attendre une demi heure tous les 100 à 120 kilomètres, soit 2 heures de perdues lors d’un trajet Paris-Lyon (contre 4 minutes avec la solution Better Place), a un potentiel de séduction assez modeste. Un superchargeur coûte 40000 euros, contre 1 million d’euros pour une station échangeuse. Il faut 30 superchargeurs (1,2 millions d’euros) pour remplacer le service-rendu par une station-robot. 

Les superchargeurs ont en outre un grave défaut : la charge rapide dégrade les batteries et diminue leur durée de vie. Ce qui est très mauvais non seulement pour le porte-monnaie mais aussi pour le bilan environnemental. Dans les stations échangeuses, la charge est lente et il est possible de l’effectuer pendant les périodes d’abondante production solaire et éolienne. Il est même possible d’injecter du courant vers le réseau en période de faible production renouvelable. L’ensemble constitue le V2G-G2V (Vehicule-to-Grid / Grid-to-Vehicule), un outil de flexibilité très pertinent pour faciliter l’intégration de hauts niveaux d’énergies renouvelables fluctuantes dans les réseaux électriques. Cet aspect séduit particulièrement Yosef Abramowitz. 

Point important à l’avantage des superchargeurs : toutes les voitures électriques, quelle que soit leur marque et leur modèle, peuvent y recourir, alors que les stations échangeuses requièrent que les véhicules soient équipés du système quick-drop. Or seul Renault et quelques groupes automobiles chinois ont retenu ce système jusqu’à présent. 

Le pétrole et le gaz de schiste changent la donne

Le contexte global a changé entre 2007, année de création de Better Place, et aujourd’hui. Il y a 6 ans les inquiétudes concernant les prix du pétrole et le franchissement du pic de pétrole, le fameux peak oil, étaient élevées. Mais le monde a connu depuis un boom massif des pétroles et gaz de schiste, ce qui a bouleversé la carte énergétique mondiale. De plus les craintes concernant le réchauffement climatique ont baissé d’intensité : comme l’a déclaré le président du GIEC lui-même, le réchauffement marque une pause, non prévue, depuis 17 ans. Et la sensibilité climatique serait plus basse que prévu selon de nombreuses études récentes. Or si les peurs de la pénurie d’hydrocarbures et du réchauffement s’érodent, l’attractivité de l’électro-mobilité s’en retrouve émoussée. 

Les automobilistes veulent-ils vraiment sortir de leur addiction au pétrole ?

Shaï Agassi possède une puissance innovante et une motivation hors du commun, mais il a manifestement vu trop grand en déployant BetterPlace à la fois en Asie, en Australie, en Europe et en Amérique. Tous les ingrédients étaient pourtant là pour une réussite : la technologie, le business-model, les investisseurs. Et qui ne tente rien n’a rien. Mais les consommateurs israéliens n’ont pas suivi la dynamique et ont refusé de changer leurs habitudes : ils préfèrent continuer à acheter des voitures à pétrole, même si ce combustible provient en bonne partie de pays hostiles à l’état hébreux. Face à cette inertie des consommateurs, il faudra peut-être attendre une nouvelle flambée des prix à la pompe, un blocus des approvisionnements pétroliers vers Israël ou une énorme marée noire pour qu’ils commencent à s’intéresser sérieusement aux véhicules électriques

En France, les automobilistes ont aujourd’hui le choix entre plusieurs véhicules électriques vendus au même prix que leur équivalent à pétrole. La balle est dans leur camp. Le groupe Renault, leader du secteur, a rempli son rôle, offrant une gamme complète de véhicules électriques. Doit-on attendre que la mise en place d’une infrastructure de recharge intelligente soit effectuée par des entreprises privées, avec un risque de dérive monopolistique en cas de succès ? Les états doivent-ils rester spectateurs, comme cela a été le cas en Israël ? L’exécutif français, et notamment le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, y réfléchit actuellement.  

Yosef Abramowitz est parvenu ces dernières années à négocier avec le gouvernement israélien afin qu’il mette en place un cadre favorable au déploiement du solaire photovoltaïque. Il tente actuellement de réitérer cette démarche. “J’ai besoin d’un signal de la part du gouvernement montrant qu’ils ont la volonté de mettre en place un cadre favorable au déploiement des véhicules électriques dans l’état d’Israël” a souligné l’entrepreneur le 3 juin 2013 dans le Jerusalem Post. Il a précisé que son projet de sauvetage de Better Place repose sur une approche « extrêmement modeste » comparativement à celle des dirigeants de la start-up. Captain Sunshine, comme il est surnommé dans le milieu des énergies renouvelables, ambitionne de récupérer une fraction des stations des 38 Switch stations BetterPlace aujourd’hui en place en Israël puis de suivre progressivement le marché permettant ainsi une « croissance organique » de l’entreprise. Pour cet entrepreneur à succès, le véhicule électrique n’a de sens que si l’électricité provient de sources renouvelables.

Une infrastructure de recharge complète pour le coût de quelques jours de facture pétrolière 

Pour la France, 1000 stations-robot le long des grands axes routiers seraient suffisantes selon les estimations effectuées par les experts de BetterPlace, pour un coût inférieur à 10 jours de facture pétrolière française. « Si je vous disais qu’on peut se débarrasser du pétrole pour le prix de quelques jours de consommation, la question, c’est : pourquoi n’y a-t-on pas pensé plus tôt ?» n’a cessé de répéter Shaï Agassi face aux critiques récurrentes concernant le montant de l’investissement. 1000 stations-robots ? Ou alors 30000 superchargeurs ? Le débat est ouvert. 

Olivier Daniélo

 

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