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Cartographier la biodiversité de la planète grâce au suivi acoustique passif

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Cartographier la biodiversité de la planète grâce au suivi acoustique passif

Posté le par Nicolas LOUIS dans Environnement

Des chercheurs ont mutualisé leurs données issues d'enregistreurs acoustiques placés dans différents écosystèmes et qui permettent d'écouter les sons de la nature. À travers leur projet baptisé Worldwide Soundscapes, ils souhaitent bâtir un réseau mondial de surveillance de la biodiversité. Dans une étude, ils dévoilent leurs premiers résultats.

Les bruissements d’ailes dans une forêt tropicale, un chant de baleine dans le Pacifique, le crépitement d’insectes dans une savane africaine… Ces sons de la nature, souvent imperceptibles à l’oreille humaine ou tout simplement ignorés, sont au cœur d’un ambitieux projet de recherche appelé Worldwide Soundscapes. Il a pour objectif de rassembler les données issues du suivi acoustique passif, encore appelé PAM pour Passive Acoustic Monitoring, dans le but de mesurer la biodiversité à l’échelle de la planète. Il rassemble une équipe scientifique internationale, constituée de 357 chercheurs, qui vient de publier les premiers résultats de son travail dans la revue Global Ecology and Biogeography.

Initiée en 2021, cette initiative pionnière rassemble aujourd’hui 416 jeux de données collectées dans 12 309 sites depuis 1991 et répartis dans 57 pays différents. Elle couvre quatre grands types d’écosystèmes : terrestre (le plus représenté), marin, d’eau douce et souterrain. Plutôt que d’observer directement les animaux, les chercheurs tentent donc d’écouter les sons de la nature en plaçant des enregistreurs autonomes dans ces écosystèmes. Grâce à cette méthode non invasive et à la collecte en continu des sons, le projet offre un outil puissant pour suivre l’évolution de la vie sur Terre, dans les océans, et même sous nos pieds.

L’analyse de 168 enregistrements sélectionnés parmi les données compilées et provenant de 12 écosystèmes différents a mis en évidence plusieurs tendances globales. D’abord, la richesse acoustique biologique, c’est-à-dire l’intensité et la diversité des signaux produits par les organismes vivants, varie en fonction de la latitude. Les sons biologiques produits par les oiseaux, les insectes, les mammifères ou les amphibiens ont en effet tendance à baisser à mesure que l’on s’éloigne de l’équateur. Ce résultat est en cohérence avec les gradients de biodiversité bien documentés en écologie classique.

Autre observation : les cycles journaliers et lunaires influencent significativement l’intensité des sons naturels. Certaines espèces vocalisent davantage lors de phases spécifiques de la lune, un phénomène jusqu’ici peu documenté à grande échelle. Enfin, les sons anthropiques, liés à l’activité humaine (trafic routier, machines, etc.), présentent une corrélation négative avec l’intensité des sons biologiques, suggérant que les environnements bruyants sont aussi ceux où la biodiversité vocale est la plus réduite.

Développer des enregistrements sonores dans certaines zones géographiques

Ce projet a mis en lumière la nécessité de standardiser les protocoles d’échantillonnage acoustique pour permettre des comparaisons robustes entre études et régions. Par exemple, de nombreux enregistrements de paysages sonores échantillonnent des fréquences particulières, souvent dans la gamme audible par l’homme, alors que les sons s’étendent des infrasons aux ultrasons.

Autre difficulté : il n’existe pas à ce jour de normes permettant l’analyse des données acoustiques afin de procéder à des analyses comparatives à l’échelle mondiale, même si des initiatives dans le domaine marin sont en cours. Des lacunes géographiques ont également été identifiées, notamment en Afrique du Nord, en Europe du Nord-Est, en Asie centrale ou dans certaines zones océaniques, où peu ou pas d’enregistrements existent encore.

Au-delà de ces premiers résultats et de la méthodologie à parfaire, c’est l’ampleur et la richesse de la base de données collaborative qui impressionnent. Le projet Worldwide Soundscapes offre un cadre inédit pour des analyses macro-écologiques à l’échelle de la planète. Tous les enregistrements ne sont pas encore accessibles au public, mais un portail internet appelé ecoSound-web permet déjà d’explorer des extraits sonores par région ou écosystème. À terme, le développement de cette base de données et son croisement avec d’autres sources d’information environnementale pourraient faire de l’acoustique passive un indicateur clé pour la surveillance de la biodiversité de la planète.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS


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