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Décryptage

Prototypage virtuel d’une usine pétrochimique

Posté le par La rédaction dans Informatique et Numérique

Le prototypage virtuel est de plus en plus utilisé dans des domaines tels que l’automobile ou la construction. Gain de temps, d’argent et de main d’œuvre, las avantages de cette technique sont nombreux. Voyons concrètement comment le prototypage virtuel est utilisé au sein du bâtiment, avec l’exemple d’un projet de construction d’une usine pétrochimique.

Le prototypage virtuel est de plus en plus utilisé dans des domaines tels que l’automobile ou la construction. Gain de temps, d’argent et de main d’œuvre, las avantages de cette technique sont nombreux. Voyons concrètement comment le prototypage virtuel est utilisé au sein du bâtiment, avec l’exemple d’un projet de construction d’une usine pétrochimique.

Anne Pouliquen, Ingénieur Civil de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, est également Directeur du Département Installation, Civil, Matériel & Matériaux Technip France. Elle coordonne des études avec les centres d’opérations et d’ingénierie du groupe Technip. Fortement impliquée dans la réalisation de plusieurs projets, dirigeant plusieurs disciplines d’Etudes, Anne Pouliquen a développé une bonne connaissance des processus de l’ingénierie pétrolière, des interfaces entre intervenants, des outils de calcul et de conception, et du travail à distance entre différents centres du groupe Technip.

Au niveau de la construction, le prototypage virtuel intervient pour trois raisons. « Tout d’abord, Le virtuel et la modélisation sont des outils de calcul », précise Anne Pouliquen. Habituée à travailler pour des installations situées dans le Moyen Orient, elle travaille souvent sur des projets où tout est à faire (voir photo ci-dessous) : « D’un côté nous avons un site vierge qui nous est confié par le client (très souvent situé au Moyen Orient). Ces sites sont souvent situés en milieu désertique, sans moyen d’accès ni par la route, ni par voie portuaire. La plupart du temps également, il n’y a ni eau ni électricité. D’un autre côté, nous avons signé un contrat. Nous avons donc un planning contractuel, qui s’étend en général sur une quarantaine de mois. Dans cette période, nous devons construire pour le client une usine qui tourne et qui produit selon les exigences du client. Dès la signature du contrat, c’est une très grosse machine qui se met en branle ».

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L’exemple classique est un site en plein désert, où Technip est chargé de construire des usines. « Il nous arrive de devoir construire des installations portuaires avant toute chose, quand ces dernières ne sont pas préexistantes. La mise en place de ces infrastructures est nécessaire, puisque le transport des hydrocarbures se fait par bateau ou par pipeline », ajoute Anne Pouliquen.
Avant de commencer les travaux, une modélisation virtuelle de l’usine terminée est réalisée. Cette modélisation permet au client de visualiser en amont les contraintes (environnementales par exemple) auxquelles il sera confronté pour faire tourner son usine. Cela permet ainsi au client d’envisager à l’avance les contraintes d’exploitation.
Pour résumer, les moyens à mettre en œuvre sont conséquents, que ce soit au niveau des ressources humaines, de l’organisation du projet ou encore de la mise en marche du planning. Mais Technip s’appuie donc également sur des outils de calcul, de modélisation virtuelle, qui vont intervenir :

  • pour les calculs ;
  • pour la modélisation virtuelle de l’usine ;
  • pour le travail en réseau ;
  • pour la construction.

Les calculs interviennent dans les procédés, dans la définition des équipements, et au niveau des calculs de flexibilité de tuyauterie. Tous ces calculs sont le fruit du travail des ingénieurs. Anne Pouliquen explique : « sur un projet d’usine pétrochimique, nous allons utiliser pour ces calculs plus d’une centaine de logiciels différents. Ainsi, au niveau des procédés, qui traduisent le besoin exprimé par le client, des logiciels vont nous permettre d’anticiper chaque étape de la transformation chimique, en modélisant pour ces étapes des données comme la pression et la température des fluides par exemple. Cela permet d’étudier le comportement des fluides dans les cas critiques pour optimiser les équipements de tuyauterie critiques ».

C’est la CFD (Computage fluid dynamics) qui va permettre de modéliser le comportement dynamique des fluides au cours de leur transformation en usine. Un exemple avec la photo ci-dessous à gauche. Il est impératif de définir précisément la forme d’un des appareils utilisé au sein de l’usine, par la technique du maillage. Plus le nombre de mailles est important, plus la modélisation est fine. Ensuite, on simule l’entrée d’un fluide dans cet appareil, ici un hydrocyclone, et la CFD opère des calculs sur chaque maille (l’hydrocyclone est modélisé par 388.000 mailles dans le cas présent). Ici, le but est de faire passer un fluide par la tubulure horizontale. A l’entrée dans l’appareil, le gaz contenu dans le fluide doit aller vers la sortie (en haut), tandis que les particules non désirées, plus lourdes, sont récoltées au fond. Le résultat de la simulation est illustré par la photo ci-dessous à droite.

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Une fois la mise en place définitive des procédés, les résultats sont transmis vers les ingénieurs mécaniciens, qui vont devoir réaliser les appareils, avec le souci que ces appareils fournissent les performances définies à travers les procédés. « Là encore, on utilise des logiciels de modélisation pour valider le choix des ingénieurs, valider la durée de vie des appareils, leur performance. D’autres logiciels vont nous permettre de vérifier que les appareils sélectionnés pour la construction de l’usine vont avoir des caractéristiques particulières, comme la résistance au vent pour les appareils de grande taille. La résistance aux séismes est aussi quelque chose que l’on modélise, selon l’emplacement géographique de l’usine. Une fois que tout cela est modélisé, on extrait de la modélisation des plans, et ces plans vont nous permettre de consulter des fournisseurs d’abord, puis d’acheter l’équipement. Ces appareils sont très couteux, et sont livrés parfois plusieurs dizaines de mois après commande. Dans l’optique de réalisation d’une usine en quarante mois, il est donc appréciable de pouvoir faire ces calculs de besoin le plus rapidement possible ».

Enfin, au niveau du choix des tuyauteries, fondamental étant donné la nature chimique des fluides avec lesquels Technip travaille, les ingénieurs modélisent également par logiciel les contraintes auxquelles elles seront soumises selon différents cas de charge. Le logiciel Cesar, le plus utilisé pour ces problématiques, permet de simuler des cas de surpression, de sous-pression, sur la tuyauterie. Les résultats de cette modélisation vont fournir les données permettant ensuite de valider l’épaisseur des tuyaux et la pertinence de leur emplacement. Ce logiciel permet également de modéliser la tuyauterie au sein de la maquette principale de l’usine.
Il est pertinent de s’attarder sur le modèle 3D utilisé. Il s’agit d’un reflet de la réalité future, dans le sens où il est dimensionné à l’échelle. Mais c’est également un modèle dit intelligent : en effet, tous les éléments qui constituent la modélisation ne sont pas des images, chacun étant répertorié dans une base de données commune au projet qui répertorie tous le matériel autorisé sur le contrat.

La mise en œuvre de la modélisation

« Pour modéliser, on part du plus gros vers le plus petit. On va donc commencer par modéliser les plus gros équipements, pour être certain que l’espace nécessaire à leur installation est suffisant. On va ensuite modéliser les plus grosses structures, puis les plus gros tuyaux, en allant vers le plus petit. Les maquettes 3D ne sont pas une nouveauté. Cela fait longtemps que l’on fait du modélisme. Aujourd’hui, la modélisation a progressé, pour aller vers le prototypage virtuel en trois dimensions ».
Pour illustrer cette avancée, voyons l’exemple de la modélisation d’une plate-forme off shore. Après avoir modélisé la structure et les appareils, un avatar, dimensionné de façon adéquate, va pourvoir arpenter la station virtuelle et nous donner des informations quant à l’accessibilité des appareils, par exemple.

Ensuite, on ajoute au modèle la charpente secondaire, qui n’a aucun rôle de soutien, mais qui va servir au déplacement du personnel au sein de la station. La structure de la station et la charpente secondaire vont être modélisés dans des couleurs différentes, car les informations relatives à ces deux parties de la station sont répertoriées dans des fichiers différents : cela permet d’avoir des informations partielles sur les structures, indépendamment les unes des autres.

Les étapes suivantes (voir les deux photos ci-dessous, à différentes étapes de la modélisation) vont permettre d’installer les structures suivantes (charpente tertiaire, bardage, appareils secondaires, tuyaux…). Chaque discipline a une couleur différente. Toutes les disciplines vont donc pourvoir travailler de façon autonomes les unes par rapport aux autres. Cependant, cette autonomie est relative, sachant que chaque décision a des répercussions immédiates sur les décisions des autres disciplines, en termes d’aménagement. Il faut une coordination de tous les instants, car les différentes disciplines sont obligées de travailler sur un espace réduit.

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A chaque étape de la construction virtuelle, il est nécessaire de vérifier que l’avatar peut se déplacer dans l’usine et y effectuer les travaux d’usage avec un espace de manœuvre suffisant.
Une fois la maquette finie, on a de 20.000 à 30.000 tonnes de matériel modélisé, que l’on peut traiter séparément à travers le logiciel de modélisation.

Anticiper les étapes de la construction grâce au prototypage

L’utilité du modèle 3D pour les ingénieurs est de plusieurs types :

  • L’ensemble de l’usine est représenté en un seul endroit : modèle commun toutes disciplines, consultable à tout moment, et offrant une vision d’ensemble de la structure ;
  • Il reflète les évolutions des études : dimensions d’équipements, conséquences des calculs, changements de clients ;
  • Il permet d’anticiper la construction ;
  • Il facilite les revues d’opération et de maintenance avec le client ;
  • Il possède une fonction d’extraction des plans ;
  • Il est la source des listes de matériel pour achat ;
  • Il autorise le travail en multi-centre ;
  • Il fournit une aide à la détection des interférences.

« Le problème des interférences est d’ailleurs un enjeu très important. Les équipes travaillant séparément, il peut arriver que du matériel différent soit placé par deux équipes au même endroit sur le prototype virtuel. Le fait de travailler en virtuel permet de corriger ces erreurs simplement », précise Anne Pouliquen.

Le travail en multi centre est également une source de gain de temps et d’argent : « nous avons l’habitude de partager un contrat en plusieurs entités. Ainsi, plusieurs centres géographiquement éloignés vont pouvoir travailler sur un même prototype numérique, sans problème. Régulièrement, on réplique le modèle numérique de la structure pour mettre à jour toutes les modifications réalisées dans les différents centres. Cela implique des canaux de communication performants entre les différents centres. Grâce à tous ces outils, et aux outils de communication moderne, le soleil ne se couche jamais sur notre projets ».

Par P.T

 

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