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Décryptage

La réalité virtuelle atteint sa vitesse de croisière, la réalité augmentée décolle

Posté le par Frédéric Monflier dans Innovations sectorielles

Industrie aéronautique

Dans l'aéronautique et l'aérospatiale, les ingénieurs peaufinent leurs idées sur les jumeaux numériques 3D des avions et des engins spatiaux. La réalité augmentée démontre progressivement son efficacité dans les phases d'inspection et d'assemblage.

La réalité augmentée (RA) et l’aéronautique ont une longue histoire en commun, qui a débuté dans les années 50. «L’affichage tête haute utilisé par les pilotes de chasse dans les situations de combat, et aujourd’hui les pilotes d’avions de ligne et d’hélicoptère, est une technique de réalité augmentée» rappelle Alexandre Godin, responsable des activités de réalité augmentée et de réalité virtuelle chez Airbus. La réalité virtuelle (RV) fait irruption plus tard au bénéfice de missions d’entraînement. Avant de s’envoler fin 1993 pour réparer le télescope spatial Hubble, frappé de myopie, les astronautes de la NASA se sont préparés sur Terre en se plongeant dans des images de synthèse.

Les industries de l’aérospatiale et de l’aéronautique sont peu à peu conquises. «Airbus a pris le virage de la réalité virtuelle dans les années 90 avec l’installation des premiers Caves (ou cube immersif avec stéréoscopie 3D, NDLR) et «powerwalls» (mur d’images 3D, NDLR) sur plusieurs sites, poursuit Alexandre Godin. L’ingénierie, le design et la formation ont été les premiers métiers à en profiter. Très vite, des applications orientées client, telles que le rendu de cabine, ont vu le jour. Par la suite, ces installations, casques de réalité virtuelle y compris, ont également été mises à contribution par nos équipes de recherche. Celles-ci étudient les interactions homme-machine dans le cockpit ou mesurent l’impact d’une modification de la cabine – hauteur du plafond, écartement des sièges… – sur le comportement de pilotes volontaires ou d’employés qui jouent le rôle des passagers. Les données extraites accélèrent les prises de décision concernant les aménagements intérieurs.»

Vérifier l’accessibilité des équipements

Les opérations de finalisation sont désormais réalisées sur le jumeau numérique du futur avion. «Chaque rivet, chaque boulon de l’A350 a été au préalable numérisé et les études d’accessibilité, parmi d’autres, ont été menées sur la base de ces modèles 3D, avant même que les premières pièces ne soient produites, explique Alexandre Godin. Ainsi a-t-on pu s’assurer que les techniciens pouvaient se mouvoir à travers une trappe puis travailler dans de bonnes conditions.» Airbus possède maintenant plus d’une dizaine de Caves. «Le coût d’une installation, autrefois entre 2 et 3 millions d’euros, a été divisé par dix, estime Alexandre Godin. Un Cave est par exemple situé au sein même de notre usine de fabrication de l’A350, à Toulouse, et sert de support aux processus de fabrication. Un autre exemplaire haut de gamme, situé à Hambourg, est réservé aux présentations pour les clients, car la définition de l’image reproduit de manière optimale les finitions intérieures. Nous employons aussi des casques grand public, comme le HTC Vive et l’Oculus Rift. Mais leur champ de vision horizontal est limité à 110° et leur définition insuffisante pour que le porteur du casque puisse lire un écran virtuel situé à un mètre de distance. C’est la raison pour laquelle nous n’abandonnons pas les casques professionnels pour des cas d’usage liés au pilotage et au cockpit

Les phases d’inspection du fuselage, voire son assemblage, font appel à la réalité augmentée. Le principe a été exploré relativement tôt chez Airbus. «Notre solution MIRA (Mixed Reality Application), reposant sur une tablette et une caméra, a été déployée industriellement à partir de 2011 pour vérifier le positionnement des supports sur le fuselage du A380, précise Alexandre Godin. Nous testons également sur les lunettes HoloLens une cinquantaine d’applications, relatives au marketing, au contrôle qualité, etc. L’assistance à la pose de câbles sur la structure de l’avion est l’un des concepts les plus avancés. La tâche est accomplie de 20 à 30% plus vite.»

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Dans d’autres situations, la robotique pourrait venir à la rescousse pour accélérer les processus et supprimer les mauvaises postures affectant les techniciens. Actemium, le réseau d’intégration industrielle de Vinci Energies, développe ainsi un projet depuis deux ans pour automatiser l’inspection du montage d’un moteur d’avion. «Le robot dispose du modèle numérique de référence et le compare au montage effectué, à l’aide de deux dispositifs de «tracking» 2D et d’un système 3D pour le contrôle, précise Thomas Leseigneur, responsable de l’innovation chez Actemium. Ce robot lui-même repose sur un AGV (véhicule à guidage automatique, NDLR) qui se déplace suivant des trajectoires programmées. L’ensemble est donc autonome

La RA accélère l’assemblage des satellites

Au CNES (Centre national d’études spatiales), la RA a été expérimentée l’an dernier dans le but de vérifier la conformité de l’assemblage des charges utiles du satellite scientifique Taranis, dont le lancement est prévu en 2019. Ce projet-pilote a été mis au point par Sogeti High Tech, un intégrateur industriel filiale de Cap Gemini, et Diota, qui émane du CEA (Commissariat à l’énergie atomique). «L’enjeu est d’établir un lien entre le bureau d’études, donc le modèle numérique, et la salle blanche où est assemblé le satellite, explique Alexandre Embry, en charge de l’offre RA/RV chez Sogeti High Tech. L’idée est d’effectuer la comparaison entre le «as built» et le «as designed». Le logiciel identifie et localise les éléments constituant le satellite et déroule la procédure d’inspection. Grâce à la technologie de Diota, les images numériques sont calées avec précision dans les images filmées sans préparation et instrumentation de la zone de travail, à condition qu’une maquette numérique de l’ensemble soit disponible.» D’ordinaire, l’ingénieur réalise cette comparaison en prenant comme référence un plan papier, mais la méthode est laborieuse. Désormais, il regarde une tablette qui lui signale automatiquement les anomalies. Ce procédé a semble-t-il convaincu puisque le CNES «envisage son industrialisation», selon Sogeti High Tech.

L’intégrateur s’est également rapproché d’un fabricant de satellites, Thales Alenia Space, pour fournir une solution d’assistance aux opérations de montage cette fois. La technologie est toujours d’origine Diota, sauf que les éléments virtuels ne sont plus incrustés dans l’image filmée par la tablette, mais projetés sur le satellite. «Il s’agit de faciliter le montage d’une multitude de composants, comme des fixations, sur les antennes ou les modules de communication, enchaîne Alexandre Embry. Ces petites pièces sont pénibles à repérer. Habituellement, ces opérations imposent des techniques de métrologie, l’impression et le découpage de calques… et signifient deux jours de préparation. Avec la RA, quelques minutes suffisent et le positionnement des pièces est millimétrique. Cette solution suscite de l’intérêt chez le fabricant et une forte adhésion de la part des techniciens.» Ce n’est qu’en démontrant sa valeur économique et en réduisant les contraintes sur le poste de travail que la RA réussira elle-aussi sa mise en orbite.

 

  • La réalité augmentée au service du contrôle de l’assemblage d’un satellite scientifique, au CNES :

  • Dans le CHILL de Lockeed Martin, mis au point avec le concours de TechViz, les avatars des ingénieurs se déplacent au cœur de la maquette numérique des engins spatiaux :

Par Frédéric Monflier

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