Logo ETI Quitter la lecture facile
Réduire les quantités d'herbicides en appliquant un traitement localisé

En ce moment

Réduire les quantités d’herbicides en appliquant un traitement localisé

Posté le par Nicolas LOUIS dans Environnement

Pour réduire les quantités d'herbicides utilisées en agriculture, un ensemble de technologies est aujourd'hui disponible pour traiter de manière ciblée uniquement les mauvaises herbes. Cette stratégie nécessite de cartographier une parcelle, puis l'emploi de techniques d'analyse des images, et enfin l'utilisation d'équipements de pulvérisation spécifiques.

Faute d’accord entre les États membres de l’UE, la Commission européenne a décidé de prolonger pour dix ans, jusqu’en 2033, l’utilisation du glyphosate. Alors que l’usage habituel de cet herbicide en agriculture consiste à le pulvériser de manière uniforme sur l’ensemble d’une parcelle, une autre approche, plus économe, consiste à traiter de manière ciblée uniquement les mauvaises herbes. Cette stratégie peut aussi s’appliquer à d’autres produits de substitution, même s’ils sont peu nombreux. Elle est née aux États-Unis dans les années 1990 avec l’agriculture de précision et le développement du GPS. Depuis, elle est arrivée en Europe et les technologies pour la mettre en œuvre ont évolué.

La première étape nécessite de cartographier un champ dans le but d’identifier les adventices. Différents moyens sont disponibles et se différencient notamment en fonction du degré de résolution de l’image obtenue. Avec le satellite SPOT 7, il est possible d’obtenir des images où chaque pixel représente un carré d’une surface au sol de 8 mètres de côté. Étant donné que les mauvaises herbes se répartissent souvent par tache dans une parcelle, cette technologie est adaptée lorsque leur dimension est supérieure à 8 mètres.

Pour plus de précisions, il est nécessaire de recourir à la proxidétection, une technique de collecte des images plus précise fonctionnant avec des capteurs positionnés de manière très proche de leurs cibles. Des prestataires de services proposent l’utilisation de drones dont il est possible de faire varier leur altitude, par exemple à deux mètres au-dessus des cultures. « Pour encore plus de résolutions, des capteurs et des caméras embarqués peuvent être utilisés et sont positionnés à l’avant du pulvérisateur, explique Jean-Paul Douzals, responsable R&D Pulvérisation à l’Inrae. Cette solution est notamment adaptée pour détecter des plantules qui viennent de sortir de terre. L’idée est de s’y prendre le plus précocement possible dans le but d’économiser les quantités d’herbicides pulvérisées. »

Des technologies en développement pour la détection à l’intérieur d’un rang

Pour l’analyse des images, on distingue deux grands types de technologies. La première consiste à rechercher du « vert sur du brun », on emploie le terme de « Green on Brown », dans l’objectif de définir des indices de végétation. La gamme de longueur d’onde la plus utilisée est celle du visible et du proche infrarouge. Les capteurs mesurent la réflectance, c’est-à-dire la lumière émise par les objets : le marron du sol étant réfléchi dans le rouge, tandis que les plantes réfléchissent dans le vert. Ce type d’approche est adapté pour faire de la détection entre les rangs de cultures, sauf dans certaines situations particulières où un couvert végétal est maintenu au sol, comme cela peut être le cas en viticulture.

Pour détecter des mauvaises herbes à l’intérieur des rangs d’une culture, il convient alors de procéder à une recherche de « Vert sur du vert », encore appelée « Green on Green ». Des techniques multispectrales doivent alors être employées, notamment dans l’infrarouge. L’objectif est de faire la distinction entre deux grandes classes de végétaux. Les monocotylédones qui correspondent notamment aux céréales et qui se caractérisent par des feuilles plus ou moins fines et allongées. Et les dicotylédones, qui regroupent d’autres types de plantes, dont un nombre important de mauvaises herbes. Il est possible de différencier ces deux classes grâce à leur couverture spectrale qui n’est souvent pas la même ainsi que par la forme des plantes qui n’est pas identique.

« Cette technique reste encore beaucoup au stade de la R&D, car il y a nombreuses problématiques à résoudre en termes de traitement d’images, complète le responsable de l’Inrae. Nous ne sommes pas dans le domaine industriel et il peut y avoir des difficultés notamment avec l’ensoleillement et les ombres sur les plantes. Dans ce domaine, on assiste à un fort développement de l’utilisation de l’IA, notamment les réseaux de neurones et l’apprentissage profond. La finalité est de parvenir à atteindre un seuil de détection minimum en limitant le pourcentage de faux négatifs, c’est-à-dire les cas où les mauvaises herbes sont considérées comme des plantes de culture, ou inversement les faux positifs.»

Des pulvérisateurs à très haute résolution commercialisés

Tous les fabricants de pulvérisateurs commercialisent aujourd’hui leur propre système pour appliquer un traitement herbicide localisé, avec la particularité qu’ils peuvent atteindre une plus ou moins grande précision. Sur certains pulvérisateurs, la gestion est réalisée par tronçons, cela signifie que certaines parties de la rampe de traitement est activée ou non en fonction des besoins. L’identification des adventices se fait soit en temps réel avec capteurs et caméras embarqués à l’avant du pulvérisateur. Ou alors en deux temps avec d’abord la cartographie de la parcelle, par exemple à l’aide d’un drone, puis l’importation des données dans l’interface du tracteur.

« Certains pulvérisateurs fonctionnent avec une précision allant jusqu’à la buse et permettent d’actionner ou non chacune d’entre elles de manière individuelle, complète Jean-Paul Douzals. Elles sont généralement espacées tous les 50 cm sur une rampe de traitement. On voit aussi apparaître des systèmes à très haute résolution, comme c’est le cas de celui développé par la société Ecorobotix et nommé ARA. La rampe de traitement de cet équipement permet d’atteindre une résolution spatiale très fine puisque les buses sont espacées tous les 4 cm. »

Même s’ils pourraient permettre d’éviter le déplacement de gros engins agricoles dans les champs, l’utilisation de drones pour appliquer le traitement n’est pas autorisée par la réglementation. Ils entrent en effet dans la catégorie des traitements aériens qui sont interdits en Europe, sauf dérogation.

Quant à l’économie en herbicides réalisée grâce à cette stratégie de traitement localisée, elle dépend de plusieurs paramètres, notamment du niveau d’infestation global de la parcelle, du type de mauvaises herbes responsable de l’infestation et enfin du degré de résolution du moyen de traitement utilisé.

Pour aller plus loin

Posté le par Nicolas LOUIS


Réagissez à cet article

Commentaire sans connexion

Pour déposer un commentaire en mode invité (sans créer de compte ou sans vous connecter), c’est ici.

Captcha

Connectez-vous

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.

INSCRIVEZ-VOUS
AUX NEWSLETTERS GRATUITES !