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Une solution modulaire pour adapter les camions-toupies à la livraison de béton en petit volume

Interview

Une solution modulaire pour adapter les camions-toupies à la livraison de béton en petit volume

Posté le par Arnaud Moign dans Innovations sectorielles

Le béton prêt à l’emploi (BPE) est un produit frais dont la durée de vie n’excède pas 2 heures, de la fabrication à la mise en place sur chantier. Pour les fournisseurs de BPE, ce délai est une contrainte très importante qui empêche l’optimisation des tournées et ne favorise pas la livraison de petites quantités aux particuliers. La start-up Moebius propose une solution qui se présente sous la forme d’un accessoire à installer sur n’importe quel camion-toupie. Moebius est issue de la promotion 2023 du programme SEED de Léonard, la plateforme d’innovation du groupe Vinci. Nous avons interrogé son co-fondateur, Victor Leroux.

Victor Leroux, co-fondateur de Moebius
Victor Leroux est co-fondateur de Moebius (crédit : Moebius)

La start-up Moebius a été créée en 2020 par Victor Leroux et la famille Fehr représentée par Laurent Fehr, Directeur du développement.

Moebius conçoit, fabrique et commercialise un accessoire pour camion-toupie permettant aux acteurs du béton prêt à l’emploi (BPE) d’adresser simplement le marché des petites quantités de béton.

Grâce à cet accessoire, les camions-toupies peuvent ainsi être transformés en centrale à béton instantanée.

Techniques de l’ingénieur : À quels besoins souhaitiez-vous répondre en créant Moebius ?

Victor Leroux : Laurent Fehr, mon associé, est à la tête du groupe FEHR, une entreprise familiale alsacienne fondée en 1960 et leader sur le marché du béton, du béton prêt à l’emploi (BPE) et des murs préfabriqués. Depuis toujours, FEHR est confronté à la même problématique qui est : comment adresser le marché de la livraison de béton en petite quantité, c’est-à-dire moins de 3 m³ ?

Il faut savoir qu’en France, 80 % des camions ont une capacité de transport de 8 m³. En-dessous de 3 m³, un camion est donc plus qu’à moitié vide, ce qui a pour conséquence de faire monter le prix de livraison.

Mais il y a aussi un autre facteur qui fait grimper les prix : les problèmes d’accessibilité des chantiers. Imaginez que vous possédez un pavillon sur lequel vous souhaitez faire couler une dalle du côté opposé à la route. Si le camion ne peut accéder au chantier, il faudra alors recourir à l’utilisation d’un tapis de convoyage ou à un pompage, ce qui engendre un surcoût important et décourage les clients[1].

Le groupe FEHR estime qu’au moins 50 % de ces petites livraisons ne sont pas captées par les fournisseurs de BPE à cause des problèmes d’accessibilité.

Comme la livraison de béton et la prestation en elle-même coûtent souvent plus cher que le béton en lui-même, la production manuelle par bétonnière est ainsi encore très présente sur les petits chantiers, notamment chez les particuliers. En France, la part de marché du ciment en sac représente tout de même 10 à 20 % du ciment utilisé !

C’est donc dans le but d’atteindre ce marché jusqu’ici peu accessible que Moebius a été créé.

Quelle solution avez-vous trouvée pour résoudre ce problème ?

Partant de ce constat, nous avons cherché à proposer des solutions permettant à nos clients d’être plus compétitifs tout en restant rentables. Nous nous sommes inspirés d’un concept américain, les volumetric trucks, qui sont des camions capables de produire le béton directement sur chantier.

Ces camions sont de grosses stations dans lesquelles on vient ajouter les divers ingrédients (eau, sable, ciment, gravier) qui sont ensuite malaxés pour produire le béton sur place à la demande. Pour les petites quantités, l’avantage est énorme puisqu’il devient possible d’enchaîner les livraisons, ce qui n’est pas possible avec un camion standard. Cela règle ainsi la question du prix du béton et permet d’optimiser les tournées qui deviennent alors rentables.

Néanmoins, le prix de ces camions est extrêmement élevé, quasiment le double d’un camion-toupie standard ! Comme il s’agit d’adresser un marché de niche, peu de clients sont prêts à investir dans de tels engins valant le prix de deux camions.

Pour réduire les coûts et éviter l’achat systématique de camions neufs, nous avons eu l’idée d’adapter ce concept à des camions existants. Nous avons ainsi développé une machine à installer à l’arrière d’un camion-toupie pour le convertir à la production instantanée.

Quel est son fonctionnement ?

Le système s’inspire des accessoires de convoyage, qui s’installent à l’arrière des camions pour permettre d’acheminer le béton jusqu’à un point de coulée éloigné. En plus de convoyer la matière, notre système pèse précisément ce qui sort et achemine la quantité désirée jusqu’à un malaxeur relié à un réservoir de liant.

En dosant précisément la quantité de béton retardé qui sort de la toupie, le système permet au chauffeur de savoir à tout moment combien de béton il lui reste, un paramètre capital à l’optimisation de sa tournée.

Pour ce qui est des détails techniques, nous proposons plusieurs versions du système, afin de nous adapter aux besoins des clients, qui varient énormément suivant les régions. Nous proposons donc une version de base, appelée tout simplement « Moebius », sur laquelle viennent s’ajouter des options. Il y a ensuite deux manières de procéder.

Il y a par exemple la situation où le camion-toupie est simplement rempli d’agrégats (sable et granulats). Dans ce cas, on installe un réservoir de liant en sortie du système pour convertir le camion à la production instantanée et éliminer le problème du temps de prise.

L’autre situation est celle où le camion est préalablement rempli de béton retardé. Dans ce cas, le système est utilisé pour peser précisément le béton et organiser la tournée.

Moebius semble aussi présenter un intérêt environnemental. L’avez-vous évalué ?

En effet, produire le béton sur place permet d’éviter la perte de béton, donc de réduire les déchets et aussi de limiter l’impact du transport.

Nous avons calculé qu’en utilisant Moebius, un camion standard 8×4 diesel livrant toute l’année 6 chantiers par jour économisait 17 tonnes de CO2 par an, par rapport à un camion classique.

Cette estimation est néanmoins largement sous-évaluée, car nous n’avons pas pris en compte la quantité de CO2 évitée en réduisant le gaspillage de béton lors de chaque tournée.

Bien entendu, ces économies de CO2 représentent aussi des économies importantes de carburant, environ une centaine d’euros par jour ouvré avec les prix actuels.

Dans le cas de Moebius, les arguments économiques sont donc totalement en phase avec les critères écologiques, ce qui est une très bonne chose !

Enfin, il y a également un autre point important à prendre en compte : Moebius est équipé d’un système de nettoyage automatique qui permet d’une part d’économiser jusqu’à 50 % d’eau, mais surtout d’éviter la corvée de nettoyage aux chauffeurs.

Quand les premiers systèmes seront-ils livrés ?

Jusqu’à présent, nous avions produit deux prototypes, le premier en 2021 et le second en 2022. La première machine « commercialisée » vient d’être montée et sera prochainement mise en service chez FEHR.


[1] Une prestation de pompage coûte 200€ à 300€ !

Pour aller plus loin

Posté le par Arnaud Moign


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