Il existe de nombreux domaines dans lesquels l’humain ne peut pas intervenir directement parce que l’environnement est hostile ou inaccessible à son échelle. Pour intervenir dans de tels environnements, on doit utiliser des robots avantageusement pilotés à distance. La solution la plus efficace pour les commander est d’utiliser des bras maîtres à retour d’effort.
Des dispositifs similaires sont utilisés pour interagir avec des environnements simulés en réalité virtuelle. La maquette numérique, qui remplace de plus en plus les prototypes physiques lors de la conception de nouveaux produits et systèmes, permet de simuler le montage d’un système complexe, de détecter et de corriger les erreurs très en amont du cycle de conception, ou encore de concevoir une véritable usine virtuelle visant à optimiser l’ergonomie et la productivité des postes de travail. Son utilisation efficace requiert cependant des méthodes et des périphériques adaptés. Dans ce contexte, les interfaces à retour d’effort sont particulièrement intéressantes. Elles peuvent être utilisées pour contrôler les mouvements de certains objets de la scène virtuelle et permettent à l’utilisateur de ressentir les efforts qui s’appliquent sur ces objets quand ils entrent en collision avec leur environnement, comme dans le monde réel. On parlera ici d’« interfaces haptiques » plutôt que de bras maîtres.
Dans les deux cas, on a affaire à des structures mécaniques polyarticulées plus ou moins complexes munies de capteurs et d’actionneurs, c’est-à-dire à de véritables robots. Les interfaces à retour d’effort sont cependant très différentes des robots industriels, qui sont en général commandés en position pour suivre des trajectoires de façon répétitive indépendamment des perturbations extérieures, dans un environnement contrôlé dont l’humain est exclu. Au contraire, les interfaces à retour d’effort sont manipulées par un utilisateur, et doivent donc présenter un haut niveau de sûreté et de sécurité. Elles doivent également avoir une grande sensibilité en effort et une grande dynamique pour être capables de suivre tous les gestes de l’opérateur et de restituer le moindre effort appliqué sur le robot distant ou l’avatar de l’utilisateur en réalité virtuelle, que ces interfaces soient munies d’une simple poignée ou qu’elles aient une architecture plus complexe, comme sur les exosquelettes de bras ou de main.
Ces contraintes de performance et de sécurité requièrent le respect d’un certain nombre de critères et la mise en œuvre de solutions technologiques adaptées. Cet article présente ces critères et leurs valeurs usuelles, puis il introduit des outils de modélisation et de dimensionnement robotiques permettant de concevoir des interfaces répondant à ces besoins. Leur application sera illustrée par plusieurs exemples.